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Si vous portez une attention particulière sous la ceinture de presque tous les oiseaux mâles terrestres, comme le coq, le faucon ou même le pygargue à tête blanche, vous remarquerez qu’ils leurs manquent quelque chose qui est présent chez la plupart des animaux mâles qui ont des rapports sexuels par fécondation interne. A savoir, un pénis.

À quelques exceptions près (comme les autruches, les canards, et les oies), les oiseaux mâles des terres n’ont pas d’organes sexuels externes. Au lieu d’utiliser un pénis pour fertiliser les œufs d’une femelle pendant l’accouplement, ils éjectent le sperme à partir de leur cloaque, un orifice également utilisé pour excréter l’urine et les matières fécales, directement dans le cloaque de la femelle (la manœuvre est connue sous le terme romantique de "baiser cloacal").

Un exemple de baiser cloacal pratiqué par un couple d’accenteurs mouchets à la 36èm seconde (ne clignez pas des yeux !)


La raison de l’évolution, pour cette absence de pénis, reste un mystère. Mais de nouvelles recherches ont enfin révélé les facteurs génétiques qui empêchent le pénis des oiseaux terrestres mâles de grandir à mesure qu’ils vieillissent.

Comme décrits dans une étude publiée cette semaine (lien plus bas), des chercheurs de l’Université de Floride ont déterminé que la plupart des types d’oiseaux terrestres ont en réalité un pénis alors qu’ils sont encore à l’état embryonnaire. Puis, en se développant, un gène appelé Bmp4 déclenche une cascade de signaux chimiques qui provoque la mort et le dépeuplement des cellules dans le pénis en développement.

L’équipe, dirigée par Martin Cohn et Anna Herrera, a comparé le développement embryonnaire de deux types d’oiseaux terrestres qui n’ont pas de pénis (poulets et cailles) avec deux espèces de sauvagine (oiseaux aquatiques sauvages) qui disposent de pénis en spirale qui peut être allongée (les oies et les canards).

Ci-dessous : la nette différence dans la taille du pénis du coq et de la caille (galliformes) face à celui des canards et des oies (anseriformes)
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En utilisant un microscope électronique, ils ont constaté que dans les premiers stades de développement, les embryons mâles provenant de ces deux groupes avaient des précurseurs du pénis.

Au microscope électronique, un pénis se développant dans un embryon de poulet (en rose), avant que le gène Bmp4 s’active et entraine la mort des cellules. (Image, université de la Floride)

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Mais peu après, pour les poules et les cailles, le gène Bmp4 s’active dans les cellules à l’extrémité du pénis en développement. Ce gène déclenche la synthèse d’une protéine particulière appelée Bmp4 (protéines morphogénétiques osseuses 4), ce qui conduit à la mort contrôlée des cellules dans cette zone. Alors que le reste de l’embryon d’oiseau se développe, le pénis se rétracte, produisant finalement le modeste protophallus trouvé sur les oiseaux adultes.

Pour confirmer le rôle du gène Bmp4, les chercheurs ont artificiellement bloqué la voie de signalisation chimique par laquelle se déclenche la mort cellulaire, et ont constaté que les embryons de poulet ont continué à développer un pénis à part entière. En outre, les chercheurs ont réalisé l’expérience inverse avec des embryons de canard, en activant artificiellement le signal Bmp4 dans les cellules à l’extrémité du pénis en développement, pour constater que cela stoppait la croissance de celui-ci.

La connaissance de ce processus génétique n’explique pas l’avantage évolutionnaire qu’il pourrait avoir, mais les chercheurs ont quelques idées. Les canards mâles, par exemple, sont connus pour avoir des relations sexuelles forcées avec des femelles (à consulter : Les études qui sondent l’horreur de la sexualité chez les canards); en revanche, le fait que la plupart des oiseaux terrestres n’aient pas de pénis signifie que les femelles ont plus de contrôle sur leur destin reproductif. Cela pourrait théoriquement leur permettre d’être plus exigeantes de leurs camarades, et de sélectionner les mâles de meilleure qualité.

Bien sûr, on pourrait se demander s’il y a une utilité à étudier l’absence de pénis chez certains oiseaux ? Eh bien, la recherche sur les aspects du monde biologique qui semble ésotérique, le monde biologique naturel dans son ensemble, peut apporter des avantages très réels pour l’humanité sur le long terme. Dans ce cas, une meilleure compréhension de la génétique et des signaux chimiques responsables de l’élaboration de l’organe pourrait avoir des applications qui s’étendent beaucoup plus loin que le pénis de canard…

Vidéo précédemment utilisée dans l’article du Guru : “Les études qui sondent l’horreur de la sexualité chez les canards”.

Bon nombre des particularités du développement embryonnaire, y compris le gène Bmp4 et sa protéine associée, sont partagées entre de nombreuses et différentes espèces, y compris les oiseaux et les humains. Ainsi, même des recherches sur le développement embryonnaire d’animaux qui n’ont qu’un lointain rapport avec nous, comme les oiseaux, pourraient un jour aider à mieux comprendre le développement du  fœtus humain lorsqu’il est dans l’utérus et peut-être nous permettre de mieux aborder les malformations notamment congénitales.

L’étude publiée sur Current Biology : Developmental Basis of Phallus Reduction during Bird Evolution.

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