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Sphinx du tabac1

Des chercheurs de l’Institut Max Planck, en Allemagne, ont découvert que la capacité des papillons Sphinx du tabac (manduca sexta en image d’entête récupérant le nectar d’une fleur de tabac), à reconnaitre les changements dans le profil des composés volatils émis par les plantes dévorées par des chenilles de la même espèce (Manduca sexta), leur permet de pondre leurs œufs sur des plantes qui sont moins susceptibles d’être attaquées par des insectes et d’autres prédateurs. De plus, cela leur évite également d’être en concurrence pour les mêmes ressources contre d’autres chenilles de la même espèce.

Ci-dessous : une chenille Manduca sexta sur un plant de Tabac. Elle deviendra ensuite un papillon Sphinx du tabac.

Manduca sexta2

Les plantes ont développé de nombreuses stratégies pour se défendre contre les herbivores, notamment les insectes. En plus de défenses mécaniques, comme les épines, les plantes produisent également des composés qui gardent les insectes et d’autres herbivores à distance, en agissant comme répulsifs ou comme toxines. Certains de ces métabolites sont produits en continue par les plantes, tandis que d’autres, notamment les composés “volatils des feuilles vertes” (Green Leaf volatiles – GLV), sont principalement produits lorsque la plante a été blessée ou attaquée. Les composés volatils des feuilles vertes, qui sont également responsables de l’odeur de l’herbe fraichement coupée, fournissent à la fois une protection directe, en inhibant ou en repoussant les herbivores et une protection indirecte, en attirant les prédateurs des herbivores eux-mêmes.

Le sphinx du tabac (M. sexta) pond ses œufs sur diverses plantes, y compris le tabac et les plantes de Datura (Datura wrightii). Une fois que les œufs ont éclos en chenilles, celles-ci commencent à manger les feuilles de leur plante hôte et elles sont si nombreuses qu’elles peuvent rapidement défolier la plante et la détruire. Dans un effort pour se défendre, la plante hôte libère les volatiles des feuilles vertes pour attirer différentes espèces de Geocoris, des punaises prédatrices qui se nourrissent des œufs et des larves d’insectes minuscules.
Geocoris_punctipes
L’un de ces volatils à feuilles vertes, libérés par des plants de tabac, est connu comme étant le composé chimique : (Z) acétate-3-hexényle, mais des enzymes libérées par les chenilles de M. sexta change certaines de ces molécules en acétate (E)-2-hexényle, qui a la même composition chimique, mais dans une structure différente. Les changements (dans le profil volatil) qui en résultent alertent les Geocoris de la présence de chenilles M. sexta sur la plante, leur proie potentielle.

Désormais, les scientifiques de l’Institut Max Planck montrent un autre effet intéressant de cette "conversion de l’odeur" chimique : tout comme les Geocoris, les papillons adultes femelles de M. sexta sont capables de détecter des changements dans le profil volatil émis par les plantes de Datura qui ont été endommagées par les chenilles M. sexta. Cela alerte les papillons sur le fait que des punaises Geocoris sont susceptibles de précéder les œufs et les chenilles sur la plante, et en conséquence les papillons pondent leurs oeufs sur des plantes non attaquées. Ainsi, ils minimisent le risque pour les œufs fraichement pondus d’être mangés par des prédateurs. L’autre effet positif est que la compétition pour les ressources des larves qui se nourrissent déjà sur une plante est réduite.

Les chercheurs ont également identifié le mécanisme neuronal qui permet aux papillons de détecter les moindres changements dans le profil volatil des plantes qui ont déjà été attaquées par des chenilles. Des études neurobiologiques du cerveau de papillons ont révélé que les odeurs E et Z  engendrent différents modèles d’activation. Les deux isomères de l’acétate hexenyl activent différentes régions dans le lobe antennaire de la teigne (voir images ci-dessous). Selon les scientifiques, cela suggère que les papillons femelles ont des récepteurs isomère spécifiques et des neurones sur leurs antennes.

A – La vue sur le lobe antennal (marqué par le contour en pointillé) d’une femelle Manduca sexta. B et C – le détail des 6 expériences menées avec les différents composés chimiques qui ont activé différente région dans le lobe antennal du papillon.

Sphinx du tabac-système-olfactif

Un modèle de comportement similaire est connu chez les doryphores (Leptinotarsa decemlineata). Une application artificielle de (Z) -3 – ou (E)-2-hexenol, (E)-2-hexanal ou 1-hexanol aux plantes de pomme de terre, conduit à une désorientation observée chez les doryphores lors de la ponte. Sur la base de ces résultats, des stratégies de protection des plantes semblent possibles. Ils utiliseraient l’application des odeurs artificielles afin d’empêcher les insectes de pondre sur de grandes cultures et de réduire ainsi les infestations d’insectes.

Les résultats des expériences terrain et des études neurobiologiques sont publiés dans le journal en ligne et en libre accès eLIFE : Feeding-induced rearrangement of green leaf volatiles reduces moth oviposition.

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