Les grenouilles des villes sont devenues bien meilleures chanteuses que leurs cousines des champs
Vivre près de la forêt peut être romantique, mais vivre dans une ville est plus attirant pour le sexe opposé, tout du moins si vous êtes une grenouille túngara (Engystomops pustulosus), comme dans l’image d’entête (Adam Dunn).
De plus en plus d’études récentes ont montré des différences significatives entre les animaux de la même espèce vivants en milieu urbain et ceux vivant en milieu rural, et c’est tout à fait logique. L’humanité provoque des changements dramatiques dans un large éventail d’environnements et de nombreuses créatures s’adaptent lentement aux conditions urbaines. Le dernier exemple en date est celui découvert par des chercheurs allemands qui ont remarqué que certaines araignées urbaines n’ont plus peur de la lumière, comme leurs proies via la pollution lumineuse que nous générons. Même les arbres semblent pousser plus rapidement en ville… Récemment, une nouvelle étude rapporte que la vie urbaine rend les grenouilles mâles plus attirants et sans l’utilisation des égouts comme mégaphone.
Les chercheurs, dirigés par Wouter Halfwerk de la Vrije Universiteit à Amsterdam, ont comparé les appels des grenouilles vivant à la fois dans les zones urbaines et dans les forêts près du canal de Panama.
De précédentes recherches avaient révélé que des animaux, comme les oiseaux, les grenouilles et les sauterelles, chantent ou crient différemment dans les zones urbaines bruyantes pour arriver à se faire entendre, mais on ne savait pas exactement quels étaient les effets de ces changements.
Selon les chercheurs dans leur étude :
L’urbanisation peut amener les espèces à ajuster leurs manifestations sexuelles, car l’efficacité des signaux d’accouplement est influencée par les conditions environnementales. Malgré de nombreux exemples qui montrent que les signaux d’accouplement en milieu urbain diffèrent de ceux en milieu rural, nous ne savons pas si ces différences offrent un avantage combiné en matière de reproduction et de survie.
Maintenant, des chercheurs ont découvert que les grenouilles urbaines « chantent » plus souvent et utilisent des appels plus complexes que leurs homologues rurales. Ils ont ensuite enregistré ces appels et les ont diffusés à des grenouilles túngara (Engystomops pustulosus) femelle en laboratoire. Ils ont constaté que 75 % d’entre elles étaient plus attirées par les appels urbains plus complexes.
A partir de l’étude, le chant de la grenouille mâle Engystomops pustulosus dans la forêt :
En milieu urbain :
On ne sait pas exactement pourquoi cela se produit, bien que les chercheurs soupçonnent que cela a beaucoup à voir avec le degré de sécurité de l’environnement. Si les cris peuvent vous aider à trouver une compagne, ils peuvent aussi attirer les prédateurs. Comme les villes ont généralement beaucoup moins de prédateurs, les grenouilles sont libres de se défouler.
Selon Wouter Halfwerk :
Cela montre clairement que si l’on change l’abondance des prédateurs, des parasites et des partenaires, cela induit une forte réaction évolutive.
Cependant, les environnements urbains sont aussi plus fragmentés, ce qui signifie qu’il est plus difficile de trouver un partenaire. Il est donc possible que les grenouilles aient développé leurs appels parce qu’elles doivent faire des appels plus souvent.
Toujours selon Halfwerk :
Il est plus difficile pour les mâles d’avoir des compagnons en ville et c’est pourquoi ils doivent même travailler plus dur que leurs homologues forestiers pour avoir des femelles.
L’équipe vise maintenant à réaliser des études génétiques, ainsi qu’un projet de sélection à grande échelle, pour voir comment ces caractéristiques se transmettent d’une génération à l’autre.
Cependant, un point important à retenir est que l’activité humaine modifie rapidement les habitats naturels. Les créatures sont forcées de s’adapter et, parfois, certaines ont beaucoup de succès, mais malheureusement, d’autres fois elles n’en ont pas, de sorte que l’urbanisation est clairement devenue un puissant agent sélectif.
L’étude publiée dans Nature Ecology and Evolution : Adaptive changes in sexual signalling in response to urbanization et présentée sur le site du Smithsonian Tropical Research Institute : Frog Sex in the City.