Pain perdu : Découverte d’un pain vieux de 8 600 ans en Turquie
Des archéologues de l’université Necmettin Erbakan ont découvert en Anatolie centrale, en Turquie, ce que l’on pense être le plus vieux pain du monde. Sécouvert sur le site néolithique de Çatalhöyük, l’un des sites les plus grands et les mieux préservés de ce type, est estimé à environ 8 600 ans, soit 6600 ans avant notre ère. Cette découverte rare et inattendue montre à quel point les pratiques culinaires des premières sociétés agraires étaient avancées.
Image d’entête : le pain vieux de 8 600 ans découvert à Çatalhöyük, en Turquie. (Université Necmettin Erbakan)
Çatalhöyük est situé au sud-est de l’actuelle Konya, non loin du mont Hasan. Il s’agissait à l’origine d’un modeste campement situé aux alentours de 7500 avant notre ère. Cependant, il a prospéré et s’est développé en une vaste colonie entre 6700 et 6500 avant notre ère, avant de décliner et d’être abandonné vers 5950 avant notre ère. Ce site, découvert au début des années 1960 par l’archéologue britannique James Mellaart, a attiré l’attention du monde entier en raison de sa taille importante et de son architecture remarquablement bien préservée, offrant des informations inestimables sur la vie au début du Néolithique.
Représentation artistique de Çatalhöyük. (Dan Lewandowski)
Les habitants de Çatalhöyük faisaient partie des pionniers de l’agriculture, cultivant le blé et l’orge et élevant des moutons et des chèvres. De nombreux objets et d’anciennes structures ont été découverts ces dernières années, y compris ce que certains considèrent comme la plus ancienne carte du monde, représentée sur une grande peinture murale.
Les dernières fouilles menées par l’équipe de l’université Necmettin Erbakan ont eu lieu dans le quartier Mekan 66 de Çatalhöyük, où ils ont trouvé un ancien bâtiment avec un four. Autour de ce four se trouvaient du blé, de l’orge, des graines de pois et un résidu organique « spongieux » caractéristique. Après analyse, les chercheurs ont déterminé que ce résidu était un pain fermenté non cuit, inédit dans un contexte aussi ancien.
Selon le Dr Ali Umut Türkcan, archéologue à l’université Necmettin Erbakan :
Le fait que le bâtiment ait été recouvert d’argile fine a permis au bois et au pain d’être conservés jusqu’à aujourd’hui. Nous avons découvert que le pain avait une structure poreuse et spongieuse et qu’il n’était pas cuit.
Le pain, vieux de 8 600 ans, a été trouvé sur le site archéologique néolithique de Çatalhöyük, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. (Université Necmettin Erbakan)
Dès que les archéologues ont posé les yeux sur la masse spongieuse, ils ont eu le pressentiment qu’il s’agissait de quelque chose d’important. Elle porte encore la marque d’un doigt pressé au centre. Les chercheurs ont conclu que le pain était fermenté après avoir effectué une analyse au microscope électronique à balayage. Cette analyse a révélé la présence de bulles d’air dans l’échantillon et de traces de grains d’amidon. Ils ont également trouvé des substances chimiques révélatrices, connues pour être présentes dans les céréales et celles qui indiquent une fermentation.
Les premières traces de pain fermenté remontent à l’Égypte antique, vers 1500 avant notre ère. Les Égyptiens ont découvert qu’en laissant la pâte reposer et fermenter naturellement, ils obtenaient un pain plus léger et plus savoureux. Ils utilisaient des levures sauvages qu’ils trouvaient dans leur environnement et qui, mélangées à la pâte et laissées au repos, faisaient lever la pâte.
Outre l’Égypte, d’autres anciennes cultures, telles que les Grecs et les Romains, ont adopté et affiné l’art de la fermentation du pain. Les Grecs, conscients de l’importance du pain dans la vie quotidienne, ont été parmi les premiers à créer des boulangeries publiques. Ces boulangeries sont devenues des centres communautaires, essentiels à l’alimentation des populations urbaines. Les Romains ont industrialisé davantage la production de pain, en construisant de grandes boulangeries qui employaient des esclaves et des affranchis pour assurer l’approvisionnement constant en pain nécessaire au maintien de leur vaste empire. Les campagnes militaires romaines comprenaient souvent des moulins et des fours portables.
En 2018, des chercheurs de l’université de Copenhague (Danemark), de l’University College de Londres et de l’université de Cambridge (Royaume-Uni) ont analysé 24 restes carbonisés récupérés dans des foyers sur des sites de chasseurs-cueilleurs en Jordanie. Les chercheurs affirment qu’il s’agit des restes brûlés des premiers pains plats, fabriqués à partir des ancêtres sauvages des céréales domestiquées, comme l’orge, l’engrain et l’avoine. Fait remarquable, ce pain est estimé à 14 400 ans, précédant l’agriculture de plusieurs milliers d’années.
Cependant, Çatalhöyük est certainement le plus ancien pain fermenté identifié à ce jour. Les anciens ont expérimenté la fermentation il y a encore plus longtemps. Dans une grotte en Israël, des chercheurs ont trouvé des traces de brassage de bière dont l’âge est estimé à 13 300 ans. D’abord la bière, puis le pain. C’est logique.
Mais qu’est-il arrivé au pain de Çatalhöyük ? Pourquoi n’a-t-il jamais été cuit au four ? Les archéologues ne le savent pas encore et ne le sauront peut-être jamais. Le pain, comme tous les aliments en général, était rare dans l’Antiquité. Celui qui s’est donné la peine de le préparer avait certainement toutes les raisons d’aller jusqu’au bout et de le cuire. Ce qui a interrompu ce processus a dû être très grave, car le boulanger n’a jamais terminé son travail et le pain est resté intact pendant des milliers d’années.
Présentée sur le site de l’Université Necmettin Erbakan (en Turc) : Çatalhöyük’te Bulunan 8 Bin 600 Yıllık Ekmeğin Analizleri Üniversitemizde Yapıldı (Des analyses d’un pain vieux de 8 600 ans trouvé à Çatalhöyük ont été effectuées dans notre université).