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Blatte-germanique

L’intérêt ne cesse de grandir autour du microbiome, ces milliers de milliards de micro-organismes qui peuplent les corps des grands animaux et qui semblent jouer un rôle dans les phénomènes de l’humeur humaine, de l’appétit et dans la détermination du sexe. La dernière astuce microbienne est aussi ragoutante qu’elle est impressionnante : des bactéries vivant dans les tripes de blattes semblent contrôler le rassemblement de ces insectes en laissant des traces chimiques dans les excréments de leurs hôtes.

Des études antérieures dans le domaine du microbiome lié aux matières fécales se sont largement focalisées sur les mammifères, en particulier sur le rôle des bactéries qui produise des acides gras dans les glandes odoriférantes des hyènes, situé près de l’anus. Ces signaux chimiques semblent jouer un rôle en aidant ces animaux à distinguer les membres de leur groupe de ceux de l’extérieur. Mais réaliser des expériences contrôlées sur des hyènes n’est pas une tâche facile. Il est donc plus pratique d’étudier les insectes, comme les blattes, qui peuvent être élevés dans des conditions contrôlées et stériles de laboratoire et sur lesquels des transplantations fécales peuvent être réalisées.

Des chercheurs de l’université de l’état de Caroline du Nord ont concentré leurs travaux sur des blattes germaniques, des parasites domestiques tenaces qui infestent les cuisines, salles de bains et les restaurants à travers le monde. Les cafards ont la charmante tendance à déféquer où ils vivent et dorment et ils sont aussi des insectes grégaires, qui aiment passer leur temps en groupes. Les excréments, par conséquent, ont évolué sous forme de signal olfactif pour mener les cafards à leurs amis.

Pour mettre cette hypothèse à l’épreuve, les chercheurs ont d’abord confirmé que les blattes germaniques sont en effet attirées par leurs propres excréments, une première découverte faite par d’autres chercheurs dans les années 1970. Ils ont présenté à des cafards élevés en laboratoire un solvant d’excrément de leur espèce et ils ont constaté que, même quand ils ont dû le détecter à distance, les cafards se sont dirigé droit vers la cargaison malodorante.

Ensuite, les chercheurs ont stérilisé des œufs de blattes et ils ont élevé les petites créatures dans des conditions stériles, ce qui signifie que ces insectes ne contenaient pas de bactérie dans leurs intestins ou leurs fèces. L’équipe a ensuite présenté des échantillons d’excrément stérile et non stérile à des nymphes de cafards pour voir ceux qu’elles préféraient.

Les excréments sans bactéries étaient "incroyablement moins efficace" à attirer l’attention des autres cafards selon les chercheurs. Lorsqu’ils ont examiné de plus près les échantillons stériles et non stériles, ils ont constaté que les stériles manquaient largement d’acides gras volatils, ou aussi appelés acides carboxyliques, qui sont des produits de fermentation de l’activité bactérienne.

Selon les chercheurs :

Les matières fécales non stériles ont des quantités massives de ces acides, alors que de nombreux composés ont disparu et la plupart étaient considérablement sous-représentées dans les fèces stériles. Cela suggère une corrélation entre le comportement que nous voyions et la chimie.

Pour être très sûr de cette connexion, les chercheurs ont déterminé les six composés principaux et en on fait un mélange synthétique qui s’est révélé très efficace pour attirer les cafards, les amenant à se rassembler.

Donc, les chercheurs concluent que ce sont les bactéries, plutôt que le cafard, qui sont impliquées dans la production de ce signal.

Ces résultats "très intéressants" pourraient avoir des implications importantes pour la lutte antiparasitaire. Il pourrait, notamment, servir d’appât, ainsi il ne serait plus nécessaire de traiter l’ensemble d’une structure avec des produits chimiques, mais d’attirer ces créatures pour ensuite les déloger.

Les chercheurs estiment que leurs conclusions sont susceptibles de s’appliquer à tous les cafards qui se regroupent (grégaires), y compris d’autres espèces de ravageurs telles que la blatte américaine et la blatte orientale. Ils envisagent d’enquêter sur cette question à l’avenir. Ils s’attendent également à des résultats similaires liés au rôle du microbiome dans la signalisation et la communication animale dans d’autres types d’organismes, jusqu’à l’homme… peut-être.

L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : Gut bacteria mediate aggregation in the German cockroach.

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