Comment des humains ont-ils survécu à l’apocalypse engendrée par le supervolcan Toba ?
L‘éruption du supervolcan Toba (qui s’est depuis transformé en lac), il y a environ 74 000 ans, qui a enveloppé la planète dans un hiver volcanique pendant une dizaine d’années, a presque anéanti l’humanité à l’ombre de sa poussière. Du moins, C’est ce que nous avons cru…
Image d’entête : Modèle numérique de terrain de la caldeira du Toba avec le lac en son centre. (Wikimedia)
De nouvelles preuves enfouies sous la terre africaine à près de 9 000 kilomètres de la scène de cette colossale explosion révèlent une histoire bien différente, dans laquelle les humains ont survécu à la fureur de Toba et ont même prospéré à l’ombre de la super-éruption.
Lorsque le supervolcan indonésien a expulsé son sommet, recouvrant environ 2800 kilomètres cubes de la zone environnante de cendres volcaniques, il a encore craché de la matière presque invisible : la cryptotephra (des fragments microscopiques de verre) pompée dans l’atmosphère, qui dérive avec le vent avant de retomber à la surface.
Sous le microscope, près de 75 000 ans plus tard, un de ces fragments brillants attira l’attention du géoarchéologue Panagiotis Karkanas de l’American School of Classical Studies en Grèce (ASCSA), alors qu’il examinait des sédiments prélevés sur un site archéologique appelé Pinnacle Point 5-6, situé le long la côte sud de l’Afrique du Sud.
Cryptotephra, un éclat de verre volcanique éjecté il y a 74 000 ans du volcan Toba en Indonésie et trouvé sur un site archéologique près de 9 000 km à Vleesbaai, en Afrique du Sud. (Racheal Johnsen)
Selon Karkanas :
C’était une particule de fragment sur des millions d’autres particules minérales que j’étudiais. Mais c’était là, et ça ne pouvait pas être autre chose.
L’analyse de la signature chimique du fragment, ainsi que d’un autre fragment découvert à 9 kilomètres, a confirmé qu’ils dataient tous les deux de la super-éruption. Mais ce n’est pas tout ce que l’équipe a trouvé.
Les éclats de Pinnacle Point ont été transportés à près de 9 000 km de la source en Indonésie. (Erich Fisher)
Au fur et à mesure que l’équipe creusait, analysant minutieusement chaque centimètre d’une colonne verticale de couche de roche de 1,5 mètre, elle découvrait également des objets en pierre, des os et d’autres vestiges culturels d’anciens habitants africains du pays.
(Curtis W. Marean/ Université d’Etat d’Arizona)
Étonnamment, les archives archéologiques suggèrent que l’épique explosion de Toba n’a pas perturbé la vie de ces personnes, au moins dans la mesure où nous pouvons le constater à partir de leurs anciennes traces laissées dans le sol.
Selon l’un des chercheurs, Erich Fisher, de l’université d’État d’Arizona :
Ces modèles nous en disent beaucoup sur la façon dont les gens vivaient sur le site et comment leurs activités ont changé au fil du temps. Ce que nous avons trouvé, c’est que pendant et après l’éruption de Toba, les gens vivaient sur le site en continu, et il n’y avait aucune preuve que cela a eu un impact sur leur vie quotidienne.
Les preuves d’activité humaine dans la région ont en fait augmenté après la super-éruption, ce qui contraste nettement avec les précédentes recherches qui ont révélé que l’hiver volcanique de Toba a mené l’humanité au bord de l’extinction, avec des années d’un ciel rempli de cendres qui ont soustrait la lumière du soleil, la végétation et, en fin de compte, la vie de nos ancêtres.
Mais avec tout ce que nous savons, ou que nous pensons savoir, sur les retombées dévastatrices des super éruptions, comment cette survie ininterrompue, sans parler de la prospérité, fut-elle possible ?
C’est seulement de la spéculation, mais l’équipe pense que la vie est meilleure sur la côte, pas seulement en général, mais en termes de techniques de survie face à cette antique apocalypse. Les échantillons qu’ils ont découverts, notamment les premiers montrant l’impact de Toba sur les populations humaines, proviennent des zones côtières.
Les chercheurs suggèrent ainsi que, peut-être, la vie côtière, avec sa proximité de l’océan et de la vie marine qu’elle contient, pourrait avoir été ce qui a permis à ces anciens humains de traverser les ténèbres d’un hiver volcanique mortel. Ailleurs, séparées de la mer, d’autres communautés, même à 9 000 kilomètres (ou plus) de Toba, n’ont peut-être pas été aussi chanceuses.
Bien sûr, ce n’est qu’une hypothèse pour l’instant et pas une hypothèse avec laquelle tout le monde s’accorde, mais de futures recherches pourraient aider à découvrir ce qui s’est vraiment passé quand Toba a perdu son sang-froid, il y a si longtemps.
Grâce à certaines nouvelles techniques analytiques améliorées par les chercheurs ici, il ne faudra probablement pas longtemps avant que la cryptotephra, provenant des sites archéologiques enclavés, ne révèle exactement ce qui est arrivé aux humains vivant plus loin de la mer.
L’étude publiée dans nature : Humans thrived in South Africa through the Toba eruption about 74,000 years ago et présentée sur le site de l’université d’Etat d’Arizona : Research shows humans thrived through Toba super-volcanic eruption.