Dans les traces de pas de néanderthaliens en Normandie

Parmi la variété d`anciens hominidés qui ont parcouru cette planète, les Néandertaliens sont les plus récemment disparus. Longtemps stigmatisés comme des versions lentes et arriérées de nous-mêmes, des « homme des cavernes » et tout ce que cela implique, des études bouleversent de plus en plus cette vision. Il s’avère que les Néandertaliens étaient des êtres culturellement et socialement complexes (qui se sont croisés avec les humains pendant des milliers d’années).

Image d’entête : la fouille d’empreintes de pas sur le site paléolithique du Rozel. (Dominique Cliquet)

Nous connaissons les Néandertaliens grâce à de rares fossiles, mais une nouvelle découverte, publiée cette semaine (lien plus bas), a fait progresser nos connaissances à petits pas, beaucoup de petits pas… Ossifiées dans les escarpements du site paléolithique du Rozel, en Normandie, en France, des centaines d’empreintes de pas de nos proches, y compris celles d`enfants, ont été relevées sur certains escarpements.

Des empreintes néandertaliennes découvertes à Le Rozel. (Dominique Cliquet)

Selon Jérémy Duveau, paléoanthropologue au Musée de l’Homme à Paris et coauteur de l’étude :

Les empreintes de pas ont été préservées en étant rapidement recouvertes de sable apporté par le vent.

Formées il y a 80 000 ans, les empreintes ont été réalisées par une douzaine de Néandertaliens, qui occupaient le site de façon saisonnière. Au Rozel, les archéologues ont également trouvé des traces de fabrication d’outils en pierre et une zone de boucherie où ils préparaient les carcasses qu’ils chassaient ou piégeaient. Il y avait même des empreintes de mains, précise M. Duveau,  » peut-être parce que des individus se penchent sur le sol quand elles sont assises ou quand elles veulent se lever « .

Pour William Harcourt-Smith, paléoanthropologue affilié à l’université de New York et à l’American Museum of Natural History :

J’aime les empreintes de pas parce qu’elles sont un moment dans le temps. Quand nous avons un fossile, nous pouvons en déduire des choses sur son comportement, mais nous ne pouvons pas vraiment dire grand-chose sur ce qu’il faisait à un moment donné.

Bien qu’aucun os néandertalien n’ait été trouvé sur le site, l’équipe de Duveau a été en mesure d’estimer l’âge des membres du groupe en fonction de la taille de chaque empreinte de pied. La plupart des individus présents sur le site étaient des enfants et des adolescents, le plus jeune ayant environ 2 ans.

Il est difficile de dire si le site était une sorte de terrain de jeu du Pléistocène ou autre chose en se basant uniquement sur les empreintes de pas. Bien que des empreintes de Néandertaliens et même de jeunes aient déjà été trouvées dans la grotte grecque de Theopetra en 1996, le site du Rozel est le plus grand site de trace fossilifère de toute ancienne espèce humaine. D’un seul coup, la découverte au Rozel représente aujourd’hui 95 % de toutes les empreintes de pas néandertaliennes connues.

Selon Duveau :

Il est actuellement impossible de savoir exactement pourquoi il y avait tant d’enfants au Rozel. On ne peut que faire des suppositions.

Il ajoute que les enfants sont peut-être restés pendant que les adultes allaient à l’extérieur du site pour effectuer diverses tâches. Cela reste l’une des grandes questions au fur et à mesure que les fouilles sur le site se poursuivent. Le camp saisonnier du Rozel est un tableau social complexe figé dans le temps et un portail vers la vie néandertalienne.

Selon Harcourt-Smith :

Dans l’ensemble, c’est une belle découverte. La grande question est de savoir ce qu’il peut vraiment nous révéler.

L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : The composition of a Neandertal social group revealed by the hominin footprints at Le Rozel (Normandy, France) et présentée sur le site du Muséum National d’Histoire Naturelle : La composition d’un groupe d’hommes de Néandertal retraçée à partir de leurs empreintes.