De nouvelles preuves pour la présence d’eau liquide sur Mars, mais…
La présence d’eau sur Mars. La question a toujours fait l’objet de débats contradictoires, du 18e siècle à nos jours. Actuellement, les discussions se sont déplacées vers le sud, avec de séduisantes preuves que de l’eau serait présente sous le pôle sud de Mars, une affirmation qui fait l’objet d’un vif débat parmi les chercheurs. À présent, une équipe internationale dirigée par l’université de Cambridge fait la lumière sur cette question, suggérant qu’il pourrait effectivement y avoir de l’eau liquide sur Mars.
Image d’entête : image composite obtenue par la sonde Mars Global Surveyor (MGS) présentant la région du pôle sud de Mars. (NASA/ JPL/ Malin Space)
Nous savons déjà qu’il y a de l’eau gelée sur la planète rouge. Comme la Terre, Mars a de l’eau gelée sur ses pôles, mais l’eau liquide est une chose complètement différente.
Pour trouver des formes discrètes dans la hauteur de la calotte glaciaire qui pourraient indiquer de la présence d’eau liquide, les chercheurs ont étudié la forme de la surface supérieure de la calotte glaciaire à l’aide de mesures effectuées par des altimètres laser depuis des sondes spatiales. Ensuite, ils ont démontré comment ces modèles correspondaient aux prédictions informatiques des effets qu’une masse d’eau sous la calotte glaciaire aurait sur la surface.
En fait, la géométrie de la glace correspond exactement à ce que l’on attendrait s’il y avait de l’eau sous la glace. Leurs conclusions confirment les précédentes mesures d’un radar pénétrant la glace, qui ont été initialement interprétées comme indiquant la possibilité d’une zone d’eau liquide sous celle-ci.
Cette image prise par la sonde Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA montre des couches de glace au pôle sud de Mars. (NASA/ JPL-Caltech/ Université de l’Arizona/ JHU)
Mais ce n’est pas exactement suffisant pour prouver qu’elle existe. Il y a également beaucoup de divergences quant à l’interprétation des données radar, certaines études soutenant que les signaux ne sont pas causés par de l’eau liquide, mais plutôt par des minéraux argileux.
Maintenant, ces nouveaux résultats publiés cette semaine, offrent une première série de preuves indépendantes de l’existence possible d’eau liquide sous la calotte polaire sud de Mars en utilisant des informations autres que le radar, bien qu’il s’agisse encore de preuves indirectes.
Selon Neil Arnold du Scott Polar Research Institute de Cambridge, qui a dirigé les recherches (Royaume-Uni) :
La combinaison des nouvelles preuves topographiques, des résultats de notre modèle informatique et des données radar rend beaucoup plus probable l’existence d’au moins une zone d’eau liquide sous-glaciaire sur Mars aujourd’hui, et le fait que Mars doit encore avoir une activité géothermique pour que l’eau sous la calotte glaciaire reste liquide.
A partir de l’étude : la partie gauche présente la topographie de la surface du pôle sud de Mars, avec le contour de la calotte polaire sud en noir. La ligne bleu clair montre la zone utilisée dans les expériences de modélisation, et le carré vert montre la région contenant l’eau sous-glaciaire déduite. (Université de Cambridge)
Aux pôles, Mars possède d’épaisses calottes de glace d’eau semblables à celles de la Terre, dont le volume est à peu près égal à celui de la calotte glaciaire du Groenland. En revanche, jusqu’à récemment, on pensait que les calottes polaires de Mars étaient gelées jusqu’à leur lit en raison du froid martien, contrairement aux inlandsis de la Terre, qui sont soutenus par des canaux remplis d’eau et même de grands lacs sous-glaciaires.
En 2018, les données du satellite Mars Express de l’Agence spatiale européenne ont remis en cause cette hypothèse. Le satellite dispose d’un radar à pénétration de glace MARSIS (Mars Advanced Radar for Subsurface and Ionosphere Sounding) qui peut voir à travers la calotte glaciaire sud de Mars. Il a montré une région au fond de la glace qui réfléchissait fortement le signal radar, ce qui fut considéré comme une indication de la présence d’eau liquide sous la calotte glaciaire.
Des recherches ultérieures ont affirmé que d’autres substances sèches présentes ailleurs sur Mars pourraient également réfléchir la lumière de manière similaire si elles sont présentes sous la calotte glaciaire. Compte tenu du climat glacial, l’eau liquide sous la calotte glaciaire aurait besoin d’une autre source de chaleur, comme la chaleur géothermique de la planète, à des températures plus élevées que celles prévues pour le climat martien de l’époque.
Selon une étude publiée la semaine dernière*, de l’université Cornell (États-Unis), les reflets brillants détectés sous la surface du Gisement stratifié du pôle Sud (SPLD pour South Pole Layered Deposit) de la planète rouge pourraient n’être que de la roche ordinaire. L’interprétation est technique et il est difficile d’arriver à une conclusion claire, c’est pourquoi toute information supplémentaire est plus que bienvenue.
Selon la nouvelle analyse, la stratification géologique pourrait également avoir produit le signal radar très brillant que l’on pensait représenter l’eau souterraine sur la planète rouge. Bien que ce ne soit pas une certitude, cela implique que des preuves plus convaincantes sont nécessaires avant que nous puissions dire avec certitude ce qui se cache en dessous.
Cette image de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA montre le bord du dépôt en couches du pôle sud de Mars. L’empilement de fines couches est mis en évidence par les rayons du soleil polaire. (NASA/ JPL-Caltech/ Université d’Arizona)
Selon l’équipe de chercheurs dirigée par l’astronome Dan Lalich de l’université Cornell :
Nous démontrons ici que des réflexions similaires peuvent être générées comme le résultat naturel de l’interférence de couches minces, sans invoquer d’eau liquide ou d’autres matériaux rares. Ce résultat, combiné à d’autres travaux récents, remet en question la probabilité de trouver de l’eau liquide sous le dépôt stratifié polaire sud.
(*L’étude mentionnée ci-dessus publiée cette semaine dans Nature Astronomy : Multiple subglacial water bodies below the south pole of Mars unveiled by new MARSIS data et présentée sur le site de l’Université Cornell : Layering, not liquid: Astronomers explain Mars’ watery reflections)
Revenons à l’étude de l’Université de Cambridge… Sur Terre, les lacs sous-glaciaires ont un impact sur la topographie de la surface de la couche de glace qui se trouve au-dessus. L’écoulement de la glace sous l’effet de la gravité est influencé par l’eau des lacs sous-glaciaires, car elle réduit la friction entre la couche de glace et son lit. La forme de la surface de la couche de glace au-dessus du lac en est ensuite affectée, ce qui entraîne souvent une dépression suivie d’une zone surélevée plus en aval.
L’équipe de Cambridge a cherché à savoir si l’eau liquide présente dans le lit de la glace pouvait expliquer l’ondulation observée à sa surface. Ils ont effectué des simulations informatiques d’écoulement de glace adaptées à l’environnement martien unique. Ils ont ensuite inséré une zone de friction réduite dans le lit de la couche de glace simulée où l’eau, si elle était présente, permettrait à la glace de glisser et d’accélérer. La quantité de chaleur géothermique émanant de la planète a également été modifiée. Ces expériences ont produit des ondulations sur la surface de la glace simulée qui ressemblaient, en termes de taille et de forme, à celles que l’équipe a observées sur la surface réelle de la calotte glaciaire.
La similitude entre l’ondulation topographique produite par le modèle et les observations réelles de la sonde spatiale, ainsi que les preuves antérieures fournies par le radar pénétrant la glace, suggèrent qu’il existe très probablement une accumulation d’eau liquide sous la calotte polaire sud de Mars et qu’une activité magmatique s’est produite relativement récemment dans la subsurface de Mars pour permettre le chauffage géothermique accru nécessaire pour maintenir l’eau à l’état liquide.
Selon Neil Arnold :
La qualité des données en provenance de Mars, tant des satellites orbitaux que des atterrisseurs, est telle que nous pouvons les utiliser pour répondre à des questions vraiment difficiles sur les conditions à la surface et même sous la surface de la planète, en utilisant les mêmes techniques que celles que nous utilisons sur Terre. C’est passionnant d’utiliser ces techniques pour découvrir des choses sur des planètes autres que la nôtre.
L’étude publiée dans Nature Astronomy : Surface topographic impact of subglacial water beneath the south polar ice cap of Mars et présentée sur le site de l’Université de Cambridge : New evidence for liquid water beneath the south polar ice cap of Mars.