Des personnes âgées retrouvent temporairement la mémoire de leur 20 ans grâce à une stimulation électrique de leur cerveau
Du traitement de la dépression à la réduction des effets de la maladie de Parkinson en passant par l’éveil des patients dans un état végétatif, la stimulation du cerveau par des courants électriques offre toutes sortes de possibilités. Une branche très prometteuse de cette recherche est axée sur l’arrêt du déclin cognitif en stimulant la mémoire et l’apprentissage, et une série d’études récentes ont mis en évidence son grand potentiel dans ce domaine. La plus récente, menée par des scientifiques de l’université de Boston (États-Unis), a mis au point une technique non invasive qui a permis de restaurer la mémoire de travail chez des sujets âgés de 70 ans, à tel point qu’elle était aussi performante que celle de sujet sain de 20 ans.
Une grande partie de la recherche sur la stimulation cérébrale utilise des électrodes implantées dans des parties spécifiques de l’organe pour délivrer des impulsions électriques avec une grande précision. Ceci, connu sous le nom de stimulation cérébrale profonde, présente l’avantage de mieux cibler certaines régions du cerveau, mais l’implantation d’électrodes dans le cerveau d’un patient n’est tout simplement pas toujours réalisable.
Alternativement, la stimulation peut être délivrée de manière non invasive par des électrodes placées sur le cuir chevelu, ce qui est plus facile à appliquer et à étudier. C’est la méthode adoptée par Rob Reinhart, un neuroscientifique de l’université de Boston, pour tenter d’améliorer les facultés mentales des personnes âgées dont la mémoire est peut-être en perte de vitesse.
Plus précisément, ses expériences ont porté sur la mémoire de travail, la partie de notre cerveau qui est activée lorsque nous nous rappelons quels articles prendre à l’épicerie, prendre des décisions ou retrouver nos clés de voiture. Selon Reinhart, cette situation peut commencer à se détériorer dès la fin de la vingtaine, à mesure que différentes parties du cerveau se séparent et se désordonnent. Lorsque nous atteignons 60 ou 70 ans, cette déconnexion peut entraîner un déclin cognitif observable.
Maintenant, il a découvert un moyen de reconstruire les voies interrompues, et il se concentre sur deux éléments de la fonction cérébrale. Le premier est le « couplage », qui se réfère au moment où les différents rythmes cérébraux qui se succèdent dans les différentes parties du cerveau collaborent exactement comme un orchestre bien dirigé, c’est à dire quand les rythmes qui se suivent fonctionnent de la manière qui convient. L’autre est la « synchronisation », lorsque des rythmes plus lents, appelés rythmes thêta, sont correctement synchronisés. Ces deux fonctions se détériorent avec l’âge et emportent avec elles notre mémoire.
Pour son étude, Reinhart a recruté un groupe de sujets en bonne santé dans la vingtaine, ainsi qu’un groupe dans les 60 à 70 ans, et leur a demandé d’effectuer des exercices de mémoire. Il s’agissait de visualiser une image, de faire une pause, de visualiser une seconde image, puis de déterminer si la seconde était légèrement différente de l’originale.
Comme on peut s’y attendre, le groupe des plus jeunes a obtenu des résultats beaucoup plus précis que le groupe des plus âgés. Mais ensuite, Reinhart a infligé 25 minutes de stimulation légère appliquée sur le cuir chevelu des sujets plus âgés, les impulsions étant adaptées aux circuits neuronaux de chaque patient.
Image d’entête : Au cours des exercices de mémorisation, l’activité cérébrale associée à la mémoire de travail est activée dans le cerveau d’une personne de 20 ans (à gauche), mais demeure dormante dans le cerveau d’une personne de 70 ans (au milieu). Après l’électrostimulation (à droite), l’activité cérébrale de la personne de 70 ans est identique à celle de la personne de 20 ans. (Laboratoire Reinhart / Université de Boston)
Par la suite, l’écart de performance entre les groupes a disparu et a duré au moins 50 minutes après la stimulation. De plus, Reinhart a découvert qu’il était capable d’améliorer le fonctionnement de la mémoire, même chez les jeunes sujets qui avaient de mauvais résultats dans ces tâches.
Selon M. Reinhart :
Nous avons montré que les moins performants, qui étaient beaucoup plus jeunes, dans la vingtaine, pouvaient aussi bénéficier du même type de stimulation. On pouvait améliorer leur mémoire de travail même s’ils n’avaient pas 60 ou 70 ans.
À partir de là, Reinhart espère continuer d’explorer comment la stimulation cérébrale peut améliorer les circuits cérébraux de l’être humain d’autres façons, en mettant particulièrement l’accent sur les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Cela ouvre la voie à de nouvelles possibilités de recherche et de traitement.
L’étude publiée dans Nature Neuroscience : Working memory revived in older adults by synchronizing rhythmic brain circuits et présentée sur le site de l’université de Boston : As Memories Fade, Can We Supercharge Them Back to Life?