L’affaissement des villes chinoises est le signe d’un problème beaucoup plus global
Des dizaines de scientifiques chinois ont tiré la sonnette d’alarme en s’appuyant sur une analyse détaillée des données satellitaires pour déterminer les mouvements des sols à travers la Chine, en écrivant qu’un tiers des citadins du pays pourraient se retrouver dans une « ville en train de s’affaisser ».
Dirigée par Zurui Ao, Xiaomei Hu et Xie Hu de l’Université normale de Chine du Sud et de l’Université de Pékin, la recherche publiée cette semaine (lien plus bas) a révélé que près de la moitié des zones urbaines étudiées s’étaient affaissées de plus de 3 mm chaque année entre 2015 et 2022. Un sixième d’entre elles s’affaissent de plus de 10 mm par an.
Selon les auteurs de l’étude, plusieurs raisons expliquent ce phénomène, notamment la géologie naturelle, des facteurs liés à la présence humaine tels que l’extraction des eaux souterraines, dont on a constaté qu’elle avait une influence « généralisée » sur l’affaissement des villes, et le poids des bâtiments. Si ces facteurs ont été systématiquement observés dans les 82 villes étudiées, d’autres facteurs importants sont les systèmes de transport dans les grandes villes, ainsi que les régions où des terres ont été remises en état et les sites d’exploitation minière.
La technique utilisée pour cartographier de manière cohérente les relevés à grande échelle de l’affaissement des terres en Chine s’appuyait sur un radar basé dans l’espace. Au cours de la dernière décennie, les progrès de la technologie de l’imagerie satellitaire ont permis à des chercheurs comme Shirzaei de mesurer les changements du niveau des terres à l’échelle du millimètre sur plusieurs jours, voire plusieurs années.
De nouveaux outils satellitaires permettent aux chercheurs de produire des mesures précises et à haute résolution de l’affaissement des sols, ce qui indique un risque croissant dans le monde entier. (Manoochehr Shirzaei/ Virginia Tech)
Au total, quelque 270 millions de personnes pourraient se retrouver à vivre dans des zones urbaines, dont 67 millions dans des régions qui s’enfoncent d’un centimètre chaque année. Les grandes villes comme Pékin et Tianjin sont les plus touchées par cet affaissement, encore appelé subsidence. Celle-ci entraîne un risque accru pour les routes, les pistes d’atterrissage, les fondations des bâtiments, les lignes de chemin de fer et les pipelines. Le phénomène ne se limite pas à la Chine.
Les villes côtières qui subissent un affaissement pourraient également être de plus en plus menacées par l’élévation du niveau de la mer, en raison du réchauffement de la planète.
Dans un commentaire sur l’étude, les chercheurs en climatologie Robert Nicholls, directeur du Tyndall Centre for Climate Change Research, basé au Royaume-Uni, et Manoochehr Zhirzaei, géophysicien à l’Institut polytechnique et université d’État de Virginie (Virginia Tech), ont fait l’éloge de cette étude.
Selon Nicholls, qui n’a pas participé à l’étude, mais qui étudie les mesures d’adaptation et de résilience dans les régions côtières
La subsidence met en péril l’intégrité structurelle des bâtiments et des infrastructures essentielles et exacerbe les effets du changement climatique en termes d’inondations, en particulier dans les villes côtières où elle renforce l’élévation du niveau de la mer. De nombreuses villes et régions du monde entier élaborent des stratégies pour gérer les risques liés au changement climatique et à l’élévation du niveau de la mer. Nous devons tirer les leçons de cette expérience pour faire face à la menace de l’affaissement, qui est plus fréquente qu’on ne le pense actuellement. »
L’étude publiée dans Science : A national-scale assessment of land subsidence in China’s major cities et présentée sur le site de l’Institut polytechnique et université d’État de Virginie (Virginia Tech) : China’s sinking cities indicate global-scale problem, Virginia Tech researcher says et de l’Université normale de Chine du Sud : China’s ‘sinking’ big coastal cities at risk of floods as sea levels rise, study warns.