Une caméra holographique qui peut voir dans les coins ou même à travers la peau
Les angles morts dérangent depuis longtemps les conducteurs, mais des chercheurs de l’université Northwestern (États-Unis) ont mis au point une nouvelle technologie de caméra holographique capable d’observer les coins en reconstruisant les ondes lumineuses diffusées, assez rapidement pour repérer les objets en mouvement rapide comme les voitures ou les piétons.
Lorsque la lumière frappe un objet, elle se disperse et une partie de cette lumière atteint notre rétine, ou les capteurs d’une caméra, ce qui permet de voir l’objet. Bien sûr, cela signifie que nous ne pouvons pas voir les objets derrière d’autres objets ou à travers des milieux de diffusion comme le brouillard ou la peau. Mais il existe peut-être un moyen d’utiliser la diffusion de la lumière de plusieurs objets pour voir dans les coins.
En plaçant un miroir juste comme il faut, on peut voir les objets dans les coins. Même sans miroir, ce principe reste valable, à ceci près que l’objet secondaire diffuse trop la lumière pour que nous puissions reconstituer la cible. Cependant, une technologie émergente appelée imagerie sans visibilité directe (NLOS pour Non-line-of-sight) permet justement de le faire.
Les systèmes NLoS fonctionnent en envoyant de la lumière, qui rebondit sur une surface, frappe un objet et rebondit sur la surface, puis sur un capteur. Des algorithmes peuvent alors créer une image de l’objet qui se trouve dans un recoin. Cependant, comme vous pouvez vous y attendre, les images reconstruites de cette manière sont souvent de faible résolution ou prennent trop de temps à traiter.
Les chercheurs de cette nouvelle étude affirment que leur nouvelle technologie améliore ces deux problèmes. Ils l’appellent l’holographie à longueur d’onde synthétique (synthetic wavelength holography) et elle fonctionne en fusionnant les ondes lumineuses de deux lasers en une onde lumineuse synthétique, qui peut ensuite être émise pour produire des images « holographiques » en trois dimensions d’objets situés dans des coins ou derrière d’autres supports de diffusion.
A partir de l’étude : schéma des configurations pour l’imagerie NLoS dans les coins (b) et l’imagerie NLoS à travers des diffuseurs (c) avec le principe d’holographie à longueur d’onde synthétique (SWH) : le faisceau de référence illumine un point sur le mur/diffuseur (la source virtuelle VS), qui diffuse la lumière vers l’objet masqué. Une petite fraction de la lumière incidente sur l’objet est diffusée vers le mur/écran où elle frappe le détecteur virtuel (VD). Le VD est imagé par la caméra, ce qui signifie que l’hologramme synthétique est capturé à la surface du VD. (Florian Willomitzer et col./ Nature Communications)
Selon Florian Willomitzer, premier auteur de l’étude :
Si vous pouvez capturer l’intégralité du champ lumineux d’un objet dans un hologramme, alors vous pouvez reconstruire la forme tridimensionnelle de l’objet dans son intégralité. Nous faisons cette imagerie holographique autour d’un coin ou à travers des diffuseurs, c’est-à-dire avec des ondes synthétiques au lieu d’ondes lumineuses normales.
L’équipe affirme que leur système peut capturer des détails fins dans des objets tapis dans un grand champ de vision angulaire, et ce très rapidement, en 46 millisecondes. C’est assez rapide pour voir et réagir à l’approche d’une voiture ou d’un piéton dans un angle mort, et c’est une amélioration considérable par rapport aux premiers systèmes NLOS qui nécessitaient plus d’une heure de calcul.
Toujours selon Willomitzer :
Cette technique transforme les murs en miroirs. C’est encore mieux, car la technique peut également fonctionner de nuit et par temps de brouillard.
Non seulement cette technologie pourrait à terme permettre aux véhicules de détecter des dangers invisibles, mais l’équipe affirme qu’elle pourrait également être utilisée pour améliorer les endoscopes, tant dans le contexte industriel que médical. Le système de caméra n’aurait pas besoin de se plier et de se courber à travers des tuyaux ou des intestins, mais pourrait faire des repérages en envoyant des ondes lumineuses synthétiques et en analysant comment elles reviennent.
Notre technologie va ouvrir la voie à une nouvelle vague de capacités d’imagerie. Nos prototypes de capteurs actuels utilisent la lumière visible ou infrarouge, mais le principe est universel et pourrait être étendu à d’autres longueurs d’onde. Par exemple, la même méthode pourrait être appliquée aux ondes radio pour l’exploration spatiale ou l’imagerie acoustique sous-marine. Elle peut être appliquée à de nombreux domaines, et nous n’avons fait qu’effleurer la surface.
A partir de l’étude : dessins présentant les différentes applications de la nouvelle technique d’holographie à longueur d’onde synthétique (SWH pour Synthetic Wavelength Holography). (Florian Willomitzer et col./ Nature Communications)
L’étude publiée dans Nature Communications : Fast non-line-of-sight imaging with high-resolution and wide field of view using synthetic wavelength holography et présentée sur le site de l’Université Northwestern : New holographic camera sees the unseen with high precision.