Les maladies infectieuses ont de véritables préférences saisonnières
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Au plus fort de l’épidémie de poliomyélite aux États-Unis dans les années 1940 et 1950, les parents gardaient souvent leurs enfants à l’écart des plans d’eau, craignant que la maladie, qui atteignait un pic en été, se propage fréquemment dans l’eau. Mais cette crainte ne pouvait pas expliquer les flambées estivales dans le monde entier, où les piscines publiques n’étaient pas aussi fréquentes.
Puis, en 2001, Scott Dowell, un chercheur des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux Etats-Unis (CDC pour Centers for Disease Control and Prevention), a publié une étude selon laquelle la sensibilité des humains au virus de la polio pourrait être liée à des changements physiologiques saisonniers, tels que les variations saisonnières des sécrétions hormonales causées par les changements des modèles de lumière solaire. Le document a incité Micaela Martinez, écologiste des maladies infectieuses à l’université Columbia de New York, à y réfléchir : peut-être que toutes les maladies infectieuses aiguës sont saisonnières.
Lorsque Martinez a commencé à enquêter, elle pensait que les maladies aiguës, celles qui surviennent rapidement et durent peu de temps, comme la grippe, seraient saisonnières, et que les maladies chroniques, celles qui durent plus longtemps et nécessitent habituellement des soins médicaux permanents, comme le VIH, ne seraient pas saisonnières. Mais elle fut surprise de découvrir qu’il y a des preuves de saisonnalité pour tout.
Image d’entête, à partir de l’étude : un concept de calendrier épidémique. Dans toute population donnée, les maladies infectieuses sont réparties tout au long de l’année. Les cycles annuels des maladies infectieuses sont une caractéristique omniprésente de l’infection. (Micaela Elvira Martinez/ PLOS)
Elle note également que, traditionnellement, la saisonnalité des maladies était considérée en termes de transmission. Par exemple, la rougeole atteint son apogée pendant les mois scolaire, lorsque les enfants sont regroupés dans les salles de classe, ce qui permet au virus de se propager. Mais pour des maladies comme la polio, la cause de l’épidémie n’a pas été aussi facilement identifiée et n’est toujours pas entièrement comprise.
Dans une étude publiée cette semaine (lien plus bas), Martinez plaide en faveur de la saisonnalité de toutes les maladies infectieuses, bien que la saisonnalité dans ce cas ne soit pas seulement liée aux saisons tempérées traditionnelles, comme l’été ou l’automne. En fait, la saisonnalité a 4 facteurs principaux :
- environnementaux, comme la température et l’humidité qui ont un impact sur la grippe saisonnière,
- les comportements de l’hôte, qui sont le principal moteur de la propagation de la rougeole pendant l’année scolaire,
- les facteurs écologiques, tels que la prolifération des algues, qui jouent un rôle dans l’apparition du choléra,
- les rythmes biologiques saisonniers, comme les changements de rythme circadien, qui peuvent réduire ou accroître la vulnérabilité des individus aux infections.
Pour créer un calendrier des épidémies, M. Martinez a recueilli des informations auprès de l’Organisation mondiale de la santé, des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies aux Etats-Unis et de publications évaluées par des pairs. Elle a examiné 69 maladies infectieuses, y compris les infections courantes et les maladies tropicales rares, et elle a présenté les caractéristiques saisonnières décrites dans la littérature, en prenant soigneusement en compte les différences géographiques. Cette méthode a permis lui a permis d’identifier et de mettre en évidence le caractère saisonnier qui avait déjà été documenté dans de nombreuses maladies, bien qu’elle ait noté que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les facteurs de chaque maladie.
A partir de l’étude, un exemple d’une petite partie des maladies étudiées et leur saison. (Micaela Elvira Martinez/ PLOS)
Selon Dennis Bente, microbiologiste et immunologiste à la branche médicale de l’université du Texas à Galveston, qui étudie les virus transmis par les tiques :
Cette tâche n’est pas toujours simple. La dynamique de transmission de la maladie est très complexe et comprend de nombreux facteurs interdépendants.
Néanmoins, il pense que c’est une bonne étude soulignant le rôle de la saisonnalité et incitant d’autres chercheurs à examiner de plus près les facteurs saisonniers dans les maladies qu’ils étudient.
Pour M. Martinez, une meilleure compréhension des facteurs saisonniers pourrait conduire à une meilleure action de santé publique pour endiguer la propagation des maladies, voire d’éradiquer complètement certaines d’entre elles.
Pendant certaines périodes de l’année, des agents pathogènes atteignent des minima de population qui peuvent les rendre plus susceptibles d’être éradiqués par des vaccins ou autres interventions, comme les moustiquaires pour la malaria. Comprendre si la faible période est le résultat de facteurs environnementaux, par opposition à une résistance accrue de l’hôte, pourrait également aider les agents de santé publique à cibler leurs campagnes plus efficacement et pour M. Martinez :
Il y a vraiment une occasion de profiter de la saisonnalité.
Cette étude est confortée dans ses résultats par une autre, au très bon timing de publication, car publiée également cette semaine, et décrite par votre Guru ici :
L’étude publiée dans la revue PLOS Pathogens : The calendar of epidemics: Seasonal cycles of infectious diseases.