L’Aye-Aye planquait un sixième doigt
Exclusivement présent dans le nord-est de Madagascar, l’aye-aye (Daubentonia madagascariensis) est un primate brun foncé ou noir, se distinguant par une queue touffue en écureuil, plus large que le corps, des oreilles en chauve-souris et un majeur mince et très long. Mais bien que l’espèce soit connue de la science depuis le milieu des années 1800, les scientifiques viennent de découvrir que l’aye-aye a un sixième doigt, un petit pseudo pouce qui aide probablement la bête à saisir des branches.
L’aye-aye utilise son majeur exagérément long pour chercher de la nourriture, généralement des insectes se trouvant dans des branches creuses. Le primate utilise d’abord ses oreilles pointues pour écouter l’activité de larves sans méfiance, après quoi il utilise ses incisives de rongeur pour grignoter l’écorce de la branche et faire une ouverture pour son majeur, qui est assez mince pour passer directement dans la branche creuse de l’arbre. Le doigt est doté d’une articulation à rotule, semblable à une épaule humaine, qui permet un degré remarquable de mouvement. Au bout du doigt, l’aye-aye a un ongle crochu qui peut accrocher et traîner ses proies.
Malheureusement pour notre adorable aye-aye, les humains de l’île ne le porte pas dans leur cœur. Son apparence bizarre est effrayante pour la population locale, et son appel étrange n’aide pas beaucoup. Selon d’anciennes légendes malgaches, l’aye-aye est considéré comme un symbole de mort. Les indigènes croient que si un aye-aye pointe son doigt vers vous, alors la mort arrivera sûrement bientôt. Pour cette raison, les pauvres aye-ayes sont souvent tués à vue par des habitants superstitieux. En raison de cette persécution, ainsi que la perte de leur habitat, l’aye-aye est inscrit sur la liste des espèces en danger critique d’extinction, les experts estimant qu’il reste moins de 1 000 individus dans la nature.
Selon une nouvelle étude menée par Adam Hartstone-Rose, biologiste à l’université d’État de Caroline du Nord, l’aye-aye a en fait six doigts, ce qui signifie qu’il n’y a pas vraiment de majeur.
Pour Adam Hartstone-Rose, professeur associé en sciences biologiques de l’université d’État de Caroline du Nord :
Le aye-aye a la main la plus fantaisiste de tous les primates. Leurs doigts sont devenus extrêmement spécialisés, si spécialisés, en fait, qu’ils ne sont pas d’une grande aide lorsqu’il s’agit de se déplacer dans les arbres. Quand tu les regardes bouger, ça ressemble à un lémurien étrange marchant sur des araignées.
La raison pour laquelle il n’a pas été trouvé jusqu’à présent est liée à l’anatomie du pseudo-pouce. L’os lui-même est très petit, alors que le reste du doigt est principalement constitué de cartilage et de muscle, ce qui n’apparaît pas sur les radiographies.
Les chercheurs ont trouvé le petit pouce par hasard alors qu’ils utilisaient des techniques d’imagerie numérique de dissection sur 6 ayes-ayes. Ils ont remarqué qu’un des tendons de la main s’est fendu de la base du pouce, se dirigeant vers un os du poignet appelé sésamoïde radial (les humains ne l’ont pas).
Gros plan de la main de l’aye-aye montrant ses doigts allongés. (Wikimédia)
A partir de l’étude, scan présentant l’os et le cartilage du sixième doigt. (A. Hartstone-Rose et coll./ American Journal of Physical Anthropology)
Pour Dickinson, qui a construit le modèle numérique anatomique et coauteur de l’étude :
L’utilisation de ces techniques numériques nous permet de visualiser ces structures en trois dimensions et de comprendre l’organisation des muscles qui fournissent le mouvement au doigt.
Le pseudo-pouce est bien plus qu’un simple ongle. Il a une extension osseuse et cartilagineuse et trois muscles distincts qui le déplacent. Le pseudo-pouce peut se déplacer dans l’espace et exercer une force équivalente à presque la moitié du poids du corps de l’aye-aye. Il serait donc très utile pour la préhension.
Selon les chercheurs, la gymnastique allongée du majeur de l’aye-aye ne permet pas une très bonne prise sur les branches. Comme le panda, qui a aussi un pseudo pouce, l’aye-aye utilise probablement ce doigt supplémentaire pour saisir les branches. Avec l’aye-aye et les pandas, les taupes ont également 6 doigts, qu’elles emploient pour déplacer la terre.
Selon Hartstone-Rose :
D’autres espèces, comme l’ours panda, ont développé le même doigt supplémentaire pour faciliter la préhension parce que la patte d’ours standard est trop généralisée pour permettre la dextérité nécessaire à la préhension. Et les taupes et certains reptiles nageurs éteints ont obtenus des doigts supplémentaires pour élargir la main dans le but de creuser ou nager plus efficacement. Dans ce cas, la main de l’aye-aye est tellement spécialisée pour la recherche de nourriture qu’un doigt supplémentaire pour la mobilité est devenu nécessaire.
D’autres espèces de primates ont réduit leur nombre de doigts pour faciliter la locomotion. L’aye-aye est le premier primate à avoir ajoutédes doigts au lieu d’en perdre. Et c’est incroyable qu’il ait été là tout ce temps, dans ce primate étrange, mais personne ne l’a remarqué jusqu’à maintenant.
Présentation de la découverte par le North Carolina Museum of Natural Sciences :
L’étude publiée dans l’American Journal of Physical Anthropology : A primate with a Panda’s thumb: The anatomy of the pseudothumb of Daubentonia madagascariensis et présentée sur le site de l’université d’État de Caroline du Nord : Gimme Six! Researchers Discover Aye-Aye’s Extra Finger.