Après l’humain et le chimpanzé, les perroquets semblent également maitriser les probabilités
Un chercheur néo-zélandais s’est associé à un perroquet appelé Blofeld et, ensemble, ils ont fait naître le l’idée selon laquelle ces oiseaux seraient beaucoup plus intelligents que nous le pensions.
Image d’entête : un kéa participant à l’étude. (Amalia Bastos/ Université d’Auckland)
Les perroquets peuvent, semble-t-il, porter des jugements mathématiques complexes sur les probabilités, selon une étude publiée cette semaine (lien plus bas).
Jusqu’à présent, on pensait que seuls deux membres du clan des grands singes, l’homme et le chimpanzé, étaient capables de détecter la fréquence relative d’un objet.
Pour comprendre ce petit détail mathématique, prenons un exemple dans le domaine de la confiserie. Supposons que vous aimiez les oursons noirs en gélatine et que quelqu’un en mette 20 dans deux pots de verre. On ajoute ensuite 100 oursons orange, que vous détestez, dans le premier bocal, et 4 oursons orange dans le second bocal. Et on secoue bien les deux pots.
Si vous deviez choisir un bocal dans lequel vous devrez plonger votre main pour choisir à l’aveugle, dans lequel plongeriez-vous votre main ?
Chaque bocal contient le même nombre d’ours noirs, mais il y a de fortes chances que vous choisissiez le second. C’est celui qui contient la plus grande proportion ou « fréquence relative » d’ours noirs, ce qui augmente les chances que vous obteniez votre sucrerie préférée.
La doctorante Amalia Bastos, de l’école de psychologie de l’université d’Auckland (Australie), a eu l’intuition que le perroquet kéa de Nouvelle-Zélande (Nestor notabilis), connu pour sa capacité à fabriquer des boules de neige et à dépouiller, avec intelligence, nos poubelles, pourrait avoir des capacités similaires.
Pour le savoir, avec son superviseur Alex Taylor, elle a formé Blofeld et 5 autres Kea à apprendre que les jetons noirs signifiaient une récompense alimentaire et les jetons orange, aucune nourriture.
Ils ont ensuite rempli deux bocaux avec des jetons noirs et orange dans les mêmes proportions que la pochette porte-bonheur de l’ours en gélatine. Les oiseaux observés ont vu un jeton être retiré de chaque bocal par un expérimentateur, qui l’a présenté à l’oiseau avec le poing fermé.
(Amalia Bastos/ Université d’Aucklan)
Les oiseaux pointaient systématiquement du bec leur préférence pour le poing qui provenait du bocal contenant la plus grande proportion de noir, bien que chacun d’entre eux contienne le même nombre de jetons noirs.
Le Kea avait, officiellement, dépassé le statut de voleur de poubelles et revendiquait une place de choix auprès des humains en tant que détecteur de fréquence relative.
Bastos et Taylor n’avaient cependant pas fini et se demandaient si le perroquet pouvait refléter d’autres traits humains.
Ils ont présenté aux oiseaux deux bocaux mais, cette fois, chacun avait exactement la même proportion de jetons noirs. Mais il y avait une variante sous la forme d’une bande occultante à mi-hauteur du bocal, ce qui signifiait que seule la moitié supérieure était accessible à l’expérimentateur.
Dans l’un des bocaux, la proportion de jetons noirs était plus élevée au-dessus de la bande.
(Amalia Bastos/ Université d’Aucklan)
Les oiseaux ont choisi plus de jetons dans ce bocal. Les perroquets intégraient la connaissance des structures physiques pour améliorer leur utilisation de la fréquence relative.
Selon les chercheurs, il s’agit là de la preuve de ce que l’on appelle « domain-general intelligence« , un mélange de différents courants d’intelligence que certains scientifiques soupçonnaient être propres à l’humain.
Enfin, l’équipe a cherché à savoir si les perroquets avaient une intelligence sociale, ce qui est utile dans leur environnement d’origine.
Selon Bastos :
Les Kéa ont une structure sociale complexe où de nombreux individus peuvent vivre en groupe et ils vont et viennent à leur guise.
Cela signifie qu’ils doivent se souvenir des identités de plusieurs individus.
Bastos et Taylor ont dit à l’un des préposés à l’échantillonnage de choisir exprès des jetons noirs, même s’ils se trouvaient dans un bocal minoritairement noir. Les perroquets rusés ont rapidement compris, développant une préférence marquée pour le poing fermé du contenant majoritairement noir.
Selon les chercheurs, c’est la preuve que les oiseaux utilisent l’information sociale pour passer outre les diktats de la probabilité relative, un autre exemple d’intelligence générale.
Les humains et les oiseaux ont partagé un ancêtre commun il y a 312 millions d’années, ce qui suggère, selon les auteurs, que l’inférence statistique a évolué séparément chez les oiseaux.
A l’avenir, les résultats pourraient même influencer l’intelligence artificielle.
Les cerveaux des perroquets ne sont pas seulement plus petits que les cerveaux humains, mais ils ont une structure très différente. Le fait que les cerveaux d’oiseaux puissent supporter le raisonnement à l’échelle humaine soulève des questions sur la mesure dans laquelle l’IA devrait s’inspirer des indices concernant la structure physique des cerveaux de mammifères.
L’étude publiée dans Nature Communications : Kea show three signatures of domain-general statistical inference et présentée sur le site de l’université d’Aucklan : Smarter than we thought: Kea reason about probability et dans Nature : The parrots that understand probabilities.