Une étude estime que les chiffres officiels des cas de COVID-19 ne représentaient que 10 % du nombre réel d’infections
Selon une récente étude australienne, le nombre réel d’infections par le SARS-CoV-2, qui donne la COVID-19, est probablement beaucoup plus élevé que ce qui est signalé dans de nombreux pays riches.
Une nouvelle estimation modélisée concernant les États-Unis, l’Australie, le Canada, la Corée du Sud et 11 pays d’Europe suggère que les chiffres officiels concernant le nombre réel d’infections de COVID-19 pourraient avoir du mal à refléter l’ampleur réelle de l’épidémie.
Le nouveau modèle des scientifiques australiens utilise une méthode dite de « backcasting » (que le Guru se risquera à traduire avec le terme de rétropolation), qui projette le nombre de nouveaux décès quotidiens à l’inverse, du moment du décès au moment de l’infection. Cela permet aux scientifiques d’éviter d’utiliser des données épidémiologiques et sérologiques, s’accompagnant de limites en matière de tests qui ne sont pas toujours fiables et peu réalisés.
En comparant les nouvelles estimations avec les cas officiellement confirmés, l’équipe a pu prédire le « vrai » taux d’infection pour chaque pays. Selon leurs résultats, à la fin du mois d’août, le taux d’infection de la population était, en moyenne, 6 fois plus élevé que les cas signalés.
Selon les chercheurs :
Contrairement aux infections déclarées basées sur les tests ARN, la rétropolation ne dépend pas de la couverture ou de l’efficacité des programmes de tests, qui peuvent être très différents d’une juridiction à l’autre et au fil du temps.
Cela signifie que cette méthode est beaucoup plus facile à utiliser au niveau régional, national ou même international que d’autres. De plus, comme elle ne dépend pas de la généralisation des tests dans un pays, elle peut aider les experts de la santé publique à se préparer dans les régions où les capacités à tester sont limitées.
Selon Steven Phipps, chercheur chez Ikigai Research en Australie :
Pour faire simple, nous avons analysé les statistiques sur le nombre de personnes décédées des suites de la COVID-19 dans un pays donné, puis nous avons travaillé à rebours pour voir combien de personnes auraient dû être infectées pour arriver à ce nombre de décès.
Notre méthode est nouvelle et facile à utiliser pour estimer le véritable taux d’infection partout où il existe des données fiables sur le nombre de décès imputables à la COVID-19.
Certains pays ont mieux réussi que d’autres à signaler/ prévenir ces infections. En Corée du Sud, le nombre réel d’infections était 2,6 fois plus élevé que les chiffres déclarés, tandis qu’en Italie, le nombre « rétrospectif » de cas était 17,5 fois plus élevé.
En général, depuis le mois de mars, les pays du monde entier se sont améliorés en ce qui concerne le déploiement de tests COVID-19, l’éducation du public sur les symptômes et la mise au point de moyens de plus en plus précis pour détecter et suivre l’infection.Malgré cette amélioration, les chiffres internationaux restent en deçà de la réalité probable. Même en Australie, qui possède l’un des meilleurs niveaux de détection parmi les 15 pays étudiés, les chercheurs affirment que le taux d’infection pourrait encore être près de 5 fois plus élevé que ce qui est rapporté.
A partir de l’étude : Le nombre cumulé d’infections COVID-19 pour chaque pays : le nombre d’infections détectées (bleu) et le nombre réel estimé d’infections (rouge). Pour le nombre réel, l’estimation médiane et l’intervalle de confiance à 95 % sont indiqués respectivement par une ligne continue et un ombrage. Les données indiquées pour chaque pays commencent le jour où le nombre d’infections détectées a atteint ou dépassé 100 pour la première fois. (Steven J. Phipps et Col./ Royal Society Open Science)
Ce n’est pas la première fois que des scientifiques constatent un écart entre les cas réels de COVID-19 et les infections signalées. Depuis le début, les experts ont averti que nous sous-estimons probablement l’étendue réelle de la propagation virale.
Il n’est pas facile de déterminer la cause d’un décès dû au nouveau coronavirus lorsque les tests sont limités, que les symptômes recoupent souvent d’autres maladies et que les personnes les plus vulnérables ont des problèmes médicaux préexistants.
De nombreuses estimations, à ce jour, ont comparé le taux de mortalité total en 2020 à ce qu’il serait normalement pour n’importe quelle autre année donnée, ou elles ont utilisé les tests d’anticorps pour identifier les personnes qui n’étaient pas incluses dans les chiffres initiaux des cas, peut-être parce qu’elles ne présentaient que peu ou pas de symptômes.
La plupart des modèles épidémiologiques s’accordent à dire que les infections réelles dépassent de loin le nombre de cas confirmés, mais l’ampleur exacte et l’évolution de cette situation dans le temps sont moins claires.
Les données épidémiologiques sont limitées par le niveau des tests d’une nation, et les tests de dépistage des anticorps s’accompagnent de quelques faux positifs et faux négatifs, ce qui signifie que si le nombre de cas est faible, au niveau d’une population, même une poignée de faux positifs peut fausser les données.
Selon une autre étude réalisée aux États-Unis, le nombre d’infections en avril était de 3 à 20 fois supérieur au nombre de cas confirmés, et cela était dû, en grande partie, à des tests incomplets et, dans une moindre mesure, à une précision imparfaite de ces derniers. Une autre estimation utilisant les données sur les anticorps aux États-Unis a révélé qu’il y avait 10 fois plus d’infections par le SARS-CoV-2 que celles signalées en mai.
Le nouveau modèle est uniquement basé sur les pays à revenu élevé/ riches qui ont des procédures de dépistage relativement répandues. Cependant, la plupart des pays ont effectué beaucoup moins de tests au sein de leur population, ce qui suggère que le nombre de personnes infectées dans le monde est probablement plusieurs fois supérieur aux chiffres officiels.
Certains pays comme la Belgique, la France, l’Italie et le Royaume-Uni se sont avérés avoir des taux de détection réels très faibles. Au 31 août 2020, les chiffres officiels dans ces pays ne représentaient que 10 % de tous les cas réels de COVID-19, selon la nouvelle analyse.
Toutefois, à ce stade, aucune estimation n’est parfaite, et cette nouvelle méthode ne devrait pas remplacer les méthodes existantes, mais simplement les compléter.
Les modèles épidémiologiques sont toujours bien meilleurs pour prédire les hospitalisations futures que les méthodes de backcasting, et les auteurs l’admettent entièrement.
Il est également important de noter que pour que le backcasting soit précis, la répartition par âge des personnes infectées par la COVID-19 doit être largement similaire, car les personnes âgées ont une plus grande chance de mourir une fois infectées. Cela peut fausser les résultats surtout pour les décès qui ont eu dans des établissements de soins pour personnes âgées et les EPHAD français sont loin d’avoir été épargnés.
L’étude publiée dans la revue Royal Society Open Science : Robust estimates of the true (population) infection rate for COVID-19: a backcasting approach et présentée sur le site de l’Université Nationale Australienne : Global COVID infections up to six times higher than reported.