Et si le trou noir au centre de notre galaxie était une boule d’antimatière
Comme la plupart des galaxies, la Voie lactée est censée abriter un trou noir supermassif en son centre, mais son cœur sombre est peut-être fait d’une autre matière. Selon une nouvelle étude, il pourrait s’agir d’un noyau dense de matière noire, composé de particules hypothétiques appelées « darkinos ».
Image d’entête : une récente image de la Voie lactée et au-delà dans les rayons X obtenue par le télescope spatial eROSITA. (Jeremy Sander/ Hermann Brunner & the eSASS team/ Max Planck Institute for Extraterrestrial Physics/ Eugene Churazov & Marat Gilfanov/ IKI)
La Voie lactée est maintenue en place par une énorme masse en son centre, équivalente à environ 4 millions de soleils. Connu sous le nom de Sagittarius A* (Sgr A*), cet objet massif ne peut pas être vu directement, mais son existence peut être déduite du mouvement des étoiles qui l’entourent. Un trou noir supermassif est le candidat le plus logique, mais ce n’est peut-être pas la seule explication.
Les doutes sont apparus il y a sept ans. Un nuage de gaz nommé G2 a été découvert en orbite autour de Sgr A* et devait passer dangereusement près de l’objet début 2014. Les astronomes l’ont donc observé avec intérêt : si Sgr A* était un trou noir supermassif, comme prévu, G2 devrait être déchiqueté sous leurs yeux.
Mais étonnamment, G2 a survécu sans problème au passage de l’objet.
Une image dans le proche infrarouge de l’observatoire W.M. Keck montre que G2 a survécu à son approche la plus proche du trou noir de notre galaxie et poursuit son orbite. L’objet vert à sa droite représente le trou noir supermassif. (Observatoire W.M. Keck)
Cela a conduit certains scientifiques à penser qu’il ne s’agissait peut-être pas d’un nuage de gaz, mais d’un genre d’étoile poussiéreuse gonflée (désignée Objet G), avec suffisamment de gravité pour garder sa forme.
Rendu artistique des objets G aux centres rougeâtres, en orbite autour du trou noir supermassif. Le trou noir est représenté comme une sphère sombre à l’intérieur d’un anneau blanc (au-dessus du milieu du rendu). (Jack Ciurlo)
Cependant, dans leur nouvelle étude, les chercheurs ont remis en question non pas l’identité de G2, mais celle de Sgr A* lui-même.
Les scientifiques du Centre international d’astrophysique relativiste (ICRA pour International Center for Relativistic Astrophysics) en Italie ont simulé ce qui se passerait s’ils remplaçaient le trou noir supermassif par un amas de matière noire. On pense déjà que cette mystérieuse matière est concentrée au centre de la galaxie et qu’elle maintient l’ensemble par sa gravité.
L’équipe de l’ICRA a découvert que si la matière noire possédait certaines propriétés, elle pourrait rendre compte avec précision d’une série d’observations, parfois même mieux que le modèle du trou noir. Cette matière noire serait constituée de darkinos, des particules neutres ultralégères appartenant à un groupe appelé fermions. Ces darkinos s’agglutineraient au centre de la galaxie et se répandraient en un nuage plus diffus, plus dispersé.
L’une des caractéristiques notables des fermions est qu’un seul d’entre eux peut adopter un état quantique particulier à la fois dans un espace donné, ce qui limite la densité de leur regroupement. Ainsi, le cœur de cette boule constitue un environnement bien moins extrême qu’un trou noir supermassif, qui permettrait à G2 de passer indemne.
Mais ce n’est pas la seule observation à laquelle le modèle correspond. L’équipe a découvert que si les darkinos avaient une masse d’environ 56 keV, la simulation prédisait avec précision les mouvements d’un amas d’étoiles proches appelé les “étoiles S”, ainsi que la courbe de rotation du halo externe de la Voie lactée.
Représentation artistique des trois plus proches étoiles (étoiles S) en orbite autour de Sagittaire A*. (ESO/ M Parsa/ L. Calçada)
Aussi intrigante que soit l’hypothèse du darkino, l’affaire est loin d’être réglée. L’idée d’un trou noir supermassif reste la plus probable, car elle explique de manière relativement simple des phénomènes physiques bien observés. De plus, nous voyons des trous noirs au centre de la plupart des autres galaxies.
Néanmoins, il est utile de garder l’esprit ouvert et l’équipe affirme que d’autres données pourraient permettre d’éclaircir cette idée, dans un sens ou dans l’autre.
L’étude publiée dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society: Letters : Hinting a dark matter nature of Sgr A* via the S-stars, avec une précédente sur le sujet apparu dans la Astronomy & Astrophysics : Geodesic motion of S2 and G2 as a test of the fermionic dark matter nature of our Galactic core et présentée sur le site de L’Institut national (italienne) d’astrophysique (Istituto nazionale di astrofisica) : Fermionic dark matter in our Galactic core? et le PDF : : Geodesic motion of S2 and G2 as a test of the fermionic dark matter nature of ourGalactic core.