Une tribu indigène isolée d’Amazonie a le taux de démence le plus bas au monde
Des chercheurs travaillant avec des populations indigènes isolées dans l’Amazonie bolivienne ont découvert que les communautés connaissent des taux de démence extraordinairement bas. Cette nouvelle étude fait suite à de précédentes observations selon lesquelles ces mêmes groupes ne présentaient pratiquement aucun cas de maladie cardiaque liée à l’âge.
Les Chimane (Chimani, Tsimané ou Tsimane) sont une population unique d’environ 17 000 personnes vivant dans des régions reculées de Bolivie qui ont fait l’objet de nombreuses recherches au cours des dernières décennies en raison de leur santé exceptionnellement bonne à un âge avancé.
Une famille Chimane remonte le courant de la rivière locale. (Michael Gurven/ UC Santa Barbara)
En 2017, des chercheurs du Tsimane Health and Life History Project ont rapporté avoir constaté des niveaux étonnamment bas de vieillissements vasculaires chez les adultes Chimane. Une proportion étonnante de 85 % ne présentait aucun risque de maladie cardiaque et une étude a estimé qu’un adulte Chimane moyen de 80 ans présentait le même âge vasculaire qu’un Américain de 25 ans son cadet.
Cette nouvelle recherche sur cette communauté amazonienne isolée s’est concentrée sur la santé du cerveau et la prévalence de la démence. L’étude a recruté 435 adultes Chimane, tous âgés de plus de 60 ans. Grâce à une équipe locale de médecins et de traducteurs soigneusement formés, les participants Chimane ont subi un certain nombre d’évaluations neurologiques, notamment des scanners cérébraux et des tests cognitifs.
Femme âgée de l’ethnie amérindienne Chimane. (E. Schniter/ The Tsimane Health and Life History Project)
Seuls 5 cas de démence ont été détectés dans la cohorte Chimane, soit environ 1 % de la population de plus de 60 ans étudiée. Ce chiffre contraste avec les 11 % environ de la population américaine équivalente connue pour être atteinte de démence.
Les chercheurs ont également examiné 169 sujets des Mosetén, une communauté génétiquement et linguistiquement similaire à celle des Chimane. Les Mosetén présentaient des niveaux de démence aussi faibles, bien qu’ils vivent plus près de la société bolivienne moderne.
Femme âgée de l’ethnie Mosetén. (Michael Gurven/ UC Santa Barbara)
Selon l’auteure principale de l’étude, Margaret Gatz :
Quelque chose dans le mode de vie de subsistance préindustriel semble protéger les Chimane et les Mosetén plus âgés de la démence.
Il est intéressant de noter que l’étude a révélé que les Chimane et les Mosetén présentaient des taux de déficit cognitif léger similaires à ceux observés dans les pays occidentaux à revenu élevé (8 % et 10 %, respectivement). Mais non seulement ces déficiences cognitives légères étaient moins susceptibles d’évoluer vers la démence à un âge avancé, mais elles étaient caractérisées par une pathologie cérébrale inhabituelle.
Selon les chercheurs dans leur étude :
… nous avons été frappés par un phénotype inhabituel dans les cas de démence et de déficit cognitif léger, associé à des calcifications artérielles médianes proéminentes affectant les artères intracrâniennes carotides internes, vertébrales et lenticulostriées. Il est notable qu’une plus grande sévérité des calcifications intracrâniennes vasculaires était associée à des volumes cérébraux plus petits et à un plus grand risque de déficience cognitive.
Ces types de calcifications semblaient être en corrélation avec des problèmes cognitifs similaires à ceux observés dans la maladie de Parkinson. Les chercheurs notent qu’il n’est pas clair à ce stade si cette pathologie cérébrale unique est causée par des facteurs génétiques ou d’autres troubles infectieux et inflammatoires propres à ces communautés.
Une étude publiée l’année dernière faisait plus précisément état de résultats de tomodensitométrie révélant que les Chimane présentent des taux d’atrophie cérébrale liée à l’âge nettement inférieurs à ceux observés dans les populations occidentales. Le volume de notre cerveau diminue avec l’âge, mais l’étude a révélé que le cerveau des Chimane semblait rétrécir 70 % moins vite que celui de leurs homologues occidentaux.
La partie la plus étrange de l’étude du cerveau par tomodensitométrie fut la découverte que, malgré la réduction de l’atrophie cérébrale, les cerveaux des Chimane présentaient toujours des niveaux anormalement élevés de neuroinflammation. Les chercheurs n’ont pas pu expliquer cette étrange contradiction et ils ont émis l’hypothèse que les niveaux élevés d’inflammation étaient peut-être liés à une confrontation persistante avec des maladies infectieuses. Des facteurs de style de vie plus larges ont été suspectés comme pouvant maintenir la santé du cerveau face à une importante inflammation chronique.
Ce sont ces facteurs de mode de vie global et sain que les chercheurs considèrent comme l’explication la plus probable des faibles taux de démence et de maladies cardiovasculaires chez les Chimane. Bien que le vieillissement soit considéré comme un facteur de risque fondamental pour des pathologies telles que le déclin cognitif.
Pour Benjamin Trumble, coauteur de l’étude, l’étude des populations autochtones plus âgées peut révéler à quel point nos modes de vie moderne sont dommageables pour la santé des personnes âgées, ajoutant que :
En travaillant avec des populations comme les Chimane et les Mosetén, nous sommes en mesure de mieux comprendre la variation humaine globale et ce qu’était la santé humaine dans différents environnements avant l’industrialisation. Ce que nous savons, c’est que la vie sédentaire, urbaine et industrielle est assez nouvelle par rapport à la façon dont nos ancêtres ont vécu pendant plus de 99 % de l’existence de l’humanité.
L’étude publiée dans Alzheimer’s & Dementia : Prevalence of dementia and mild cognitive impairment in indigenous Bolivian forager-horticulturalists et présentée sur le site de l’Université de Caroline du Sud : Study finds some of the world’s lowest dementia rates in Amazonian indigenous groups.