Notre corps agit comme un terreau fertile pour les gènes de résistance aux antibiotiques
L‘utilisation généralisée des antibiotiques a entraîné une augmentation fulgurante de la résistance à ces derniers, reconnue aujourd’hui comme l’une des plus graves menaces pour la santé publique mondiale.
De nouvelles recherches ont révélé que, malgré votre propre utilisation d’antibiotiques, le nombre de gènes de résistance aux antibiotiques dans votre microbiome intestinal est fortement influencé par les tendances nationales en matière de consommation d’antibiotiques.
L’étude (lien plus bas) suggère que les gènes de l’antibiorésistance se propagent si facilement dans les populations microbiennes que notre corps pourrait agir comme un réservoir de résistance aux antibiotiques.
Selon Chris Quince, coauteur principal de l’étude et professeur à la Warwick Medical School de l’université de Warwick (Royaume-Uni) :
Même un individu en bonne santé, qui n’a pas pris d’antibiotiques récemment, est constamment bombardé par des microbes provenant de personnes ou même d’animaux avec lesquels il interagit, ce qui conduit à l’intégration de gènes de résistance dans son propre microbiote. S’ils vivent dans une population où la consommation d’antibiotiques est importante, les gènes de résistance sont plus nombreux dans leur microbiome.
Si l’utilisation d’antibiotiques peut empêcher la croissance de bactéries pathogènes ou les tuer, elle peut aussi entraîner des dommages collatéraux sur le reste du microbiome, l’ensemble des microbes qui vivent naturellement dans et sur notre corps, dont la majorité n’est pas pathogène et le développement de gènes de résistance aux antibiotiques.
Les chercheurs ont analysé plus de 3 000 échantillons de microbiome intestinal prélevés sur des personnes en bonne santé dans 14 pays différents, en comparant les gènes de résistance aux antibiotiques identifiés dans les échantillons à ceux de la Comprehensive Antibiotic Resistance Database (base de données complète sur la résistance aux antibiotiques).
Selon Quince :
Nous nous sommes délibérément concentrés sur des échantillons prélevés sur des personnes en bonne santé, ou du moins sur des personnes dont nous pouvions être sûrs qu’elles ne prenaient pas d’antibiotiques. Nous voulions voir le profil génétique du microbiome intestinal sans l’influence d’aucun antimicrobien.
Les chercheurs ont identifié une moyenne de 16 gènes de résistance aux antibiotiques par échantillon de selles, et ce nombre variait entre les 14 pays, avec une variation de cinq fois entre les niveaux les plus bas (aux Pays-Bas) et les plus élevés (en Espagne).
Toujours selon Quince :
Nous avons constaté que, dans les pays où les antibiotiques sont pris plus régulièrement, les populations ont également un plus grand nombre de gènes de résistance dans leur microbiome intestinal.
Tout cela est dû au fait que notre microbiome n’est pas un système isolé, les microbes étant constamment transmis entre les humains et en raison du transfert horizontal de gènes, où les microbes de notre corps peuvent partager des informations génétiques, telles que les gènes de résistance aux antibiotiques, les uns avec les autres.
Notre organisme importe et exporte en permanence des microbes et des souches pathogènes. Ces souches transmettent elles-mêmes des gènes entre elles, ce qui signifie que le défi de l’antibiorésistance doit être relevé à la fois au niveau micro et macro.
Falk Hildebrand, coauteur de l’étude et professeur à l’Institut Quadram, un centre de recherche anglais sur l’alimentation et la santé :
Nous savons depuis quelques années que les gènes de résistance aux antimicrobiens peuvent se propager incroyablement vite entre les bactéries intestinales. Cette étude est très importante car elle permet, pour la première fois, de quantifier l’impact de l’utilisation nationale d’antibiotiques sur nos bactéries commensales et nous donne un aperçu des types courants de résistance que nous pouvons nous attendre à voir évoluer.
Les chercheurs prévoient de poursuivre leurs recherches pour étudier cette relation dans d’autres pays afin d’éclairer les stratégies de santé publique.
L’étude publiée dans Nature Communications : Population-level impacts of antibiotic usage on the human gut microbiome et présentée sur le site de l’Earlham Institute : Human body a breeding ground for antimicrobial resistance genes.