Soixante dix neuf : Jupiter s’enrichie de 10 nouvelles lunes dont une rebelle
La famille de Jupiter s’est vraiment agrandie depuis que Monsieur Galilée a enregistré ses 4 plus grandes lunes en 1610. Mardi dernier, l’Union astronomique internationale (UAI) a annoncé la découverte de 10 nouvelles lunes en orbite autour de Jupiter. Avec deux autres satellites trouvés dans le cadre du même projet de recherche, mais annoncés en juin 2017, cela porte à 79 le nombre de satellites naturels connus de Jupiter.
L’une de ces nouvelles lunes s’est avérée être un peu rebelle. Des 12 dernières lunes à rejoindre la famille de Jupiter, il s’agit d’une « marginale/ rebelle » dont l’orbite étrange peut donner aux astronomes des informations cruciales pour comprendre comment les lunes de Jupiter sont apparues.
La découverte de ces lunes provient d’une recherche totalement différente pour de nouveaux corps du système solaire. L’astronome Scott Sheppard de la Carnegie Institution for Science est à la recherche de la 9e Planète, une planète hypothétique que beaucoup d’astronomes estiment qu’elle devrait exister dans les régions éloignées de notre système solaire, au-delà de Pluton. Avec son équipe, il a photographié le ciel avec certains des meilleurs télescopes actuels, dans l’espoir d’apercevoir cette mystérieuse neuvième planète.
Au printemps 2017, Jupiter se trouvait dans une zone du ciel dans laquelle l’équipe voulait chercher la 9e planète. Sheppard, qui s’intéresse largement à la formation des systèmes solaires et a participé à la découverte de 48 des lunes connues de Jupiter, s’est rendu compte que c’était l’occasion parfaite de faire avancer deux objectifs de recherche distincts avec les mêmes données du télescope.
Le télescope Víctor M. Blanco de 4 mètres que Sheppard utilisait est particulièrement bien adapté pour repérer de nouvelles lunes potentielles, à la fois parce que l’appareil photo installé sur celui-ci peut photographier une vaste zone du ciel à la fois et parce qu’il est particulièrement efficace pour bloquer la lumière parasite provenant d’objets lumineux à proximité, comme celle de Jupiter.
Selon Sheppard :
Cela nous a permis de couvrir toute la zone autour de Jupiter en quelques photos, contrairement à ce qui se passait auparavant, et nous sommes capables d’aller plus faible que ce que les gens ont pu aller auparavant.
Une fois que le télescope Blanco a repéré des objets non identifiés près de Jupiter, l’équipe de recherche a utilisé d’autres télescopes pour suivre ces candidats au titre de lune et confirmer qu’ils étaient en orbite autour de Jupiter.
Une lune en particulier a attiré l’attention des chercheurs et, toujours selon Sheppard :
La découverte la plus intéressante est cet objet que nous appelons Valetudo. C’est comme s’il descendait l’autoroute dans la mauvaise direction.
Des 79 lunes connues aujourd’hui, la plupart sont en orbite dans la même direction que les autres lunes les plus proches. Ces dernières, comprenant les quatre satellites galiléens, orbitent autour de Jupiter dans la même direction que la rotation de la planète, les astronomes appellent cela une orbite prograde. Les lunes extérieures se déplacent dans la direction opposée, une orbite rétrograde.
Onze des douze nouvelles lunes suivent ces règles, mais Valetudo est la plus étrange. Elle est là où se trouvent les lunes extérieures, rétrogrades, mais elle est en orbite autour de Jupiter dans la direction prograde, se dirigeant donc vers le trafic de lune venant en sens inverse.
Cette curieuse découverte pourrait nous éclairer sur le nombre de lunes actuelles de Jupiter. Mis à part les lunes galiléennes qui s’étendent sur des milliers de kilomètres de diamètre, la plupart des lunes de Jupiter, y compris les douze nouvelles, font entre un kilomètre et quelques dizaines de km de diamètre. Les lunes extérieures sont regroupées en au moins trois groupes en fonction de leur distance par rapport à Jupiter et de l’angle de leur orbite, et les astronomes pensent que ces lunes sont des fragments de trois objets plus grands qui ont été capturés par la gravité de Jupiter et ensuite fragmentés par des collisions, bien que l’on ne sache pas si c’était avec des comètes, des astéroïdes renégats (“rogue asteroids”) ou d’autres lunes passantes.
Comme l’orbite de Valetudo croise les orbites de certaines des lunes rétrogrades extérieures, il est possible que celle-ci ait subi une collision frontale dans le passé. L’équipe de recherche pense qu’elle pourrait être un morceau d’une lune autrefois plus grande qui a percuté un autre satellite Jovien du passé, créant ainsi les nombreux objets plus petits qui existent aujourd’hui. Pour vérifier si cela a pu se produire, les chercheurs travaillent sur des simulations via supercalculateur de ces orbites pour calculer combien de fois un objet sur l’orbite de Valetudo a pu entrer en collision avec les lunes rétrogrades au cours de la vie du système solaire.
Cette image montre les différents groupes de lunes en orbite autour de Jupiter, les lunes nouvellement découvertes étant affichées en gras. La lune “rebelle », connue sous le nom de Valetudo, peut être vue en vert dans une orbite prograde qui traverse les orbites rétrogrades. (Roberto Molar Candanosa/ Carnegie Institution for Science)
Le fait de trouver beaucoup de ces petites lunes nous renseigne aussi sur les conditions du système solaire à ses débuts. Lorsque Jupiter et les autres planètes géantes se formaient, le système solaire était un disque, du gaz et de la poussière qui entourait le Soleil infantile.
Selon Sheppard :
Les planètes géantes se sont formées à partir de matériaux qui se trouvaient dans cette région. Elles étaient comme des aspirateurs, elles ont aspiré tout ce matériel et cela a créé les planètes. Nous pensons que ces lunes sont les derniers vestiges de la matière qui a formé les planètes géantes.
Le fait que ces petites lunes existent aujourd’hui prouve que les collisions qui les ont créées se sont produites après cette ère de formation de la planète. Si de petites lunes comme celles-ci existaient alors que le système solaire était encore épais de gaz et de poussière, les forces de traînée les auraient ralenties et les auraient fait “tomber” dans Jupiter, pour définitivement disparaitre.
Ce n’est que dans le système solaire beaucoup plus vide d’aujourd’hui, une fois les planètes géantes aient fini de former et de nettoyer leur environnement de gaz et de poussière, que de petites lunes comme celles-ci auraient pu survivre.
Une fois les simulations terminées et analysées, l’équipe prévoit de publier les résultats début 2019. Dans le même temps, ils attendent que l’UAI accepte formellement « Valetudo » comme nom pour la lune étrange.
L’UAI exige que les lunes de Jupiter aient des noms liés au dieu romain Jupiter. Valetudo est le nom de l’arrière-petite-fille de Jupiter et une déesse romaine de la santé, et de l’hygiène pour Sheppard qui précise que ça vient d’une blague avec sa petite amie.
Il précise :
Je dis toujours en plaisantant qu’elle est une personne très propre ; elle aime prendre plusieurs douches par jour. Quand elle m’a parlé de Valetudo, qui est la déesse de l’hygiène, j’ai dit : « C’est ça, c’est comme ça qu’on l’appelle ».
La découverte présentée sur le site de la Carnegie Institution for Science : A dozen new moons of Jupiter discovered, including one “oddball”.