Boussole visuelle : comment les oiseaux peuvent-ils voir les champs magnétiques de la Terre ?
Le mystère entourant la façon dont les oiseaux se dirigent pourrait finalement être résolu : ce n’est pas du fer dans leur bec qui leur fournit une boussole magnétique, mais une protéine dans leurs yeux qui leur permet de « voir » les champs magnétiques de la Terre. Ces résultats proviennent de deux études (lien plus bas), l’un sur les rouges-gorges familiers, l’autre sur les Diamants mandarin.
Image d’entête : Rouge-gorge familier (Erithacus rubecula). (PierreSelim/ Wikimedia)
Cette protéine de l’œil s’appelle Cry4 et fait partie d’une classe de protéines appelées cryptochromes, des photorécepteurs sensibles à la lumière bleue, que l’on trouve à la fois chez les plantes et les animaux. Ces protéines jouent un rôle dans la régulation des rythmes circadiens.
Il a également été prouvé ces dernières années que, chez les oiseaux, les cryptochromes dans leurs yeux sont responsables de leur capacité à s’orienter en détectant les champs magnétiques, un sens appelé magnétoréception.
Nous savons que les oiseaux ne peuvent détecter les champs magnétiques que si certaines longueurs d’onde de lumière sont disponibles, en particulier, des études ont montré que la magnétoréception aviaire semble dépendre de la lumière bleue. Cela semble confirmer qu’il s’agit d’un mécanisme visuel, basé sur les cryptochromes, qui peut être capable de détecter les champs grâce à la cohérence quantique.
Pour trouver d’autres indices sur ces cryptochromes, deux équipes de biologistes se sont attelées à la tâche. Des chercheurs de l’université Lund en Suède ont étudié les Diamants mandarin, et des chercheurs de l’université Carl von Ossietzky Oldenburg en Allemagne ont étudié les rouges-gorges familiers.
L’équipe de Lund a mesuré l’expression génétique de trois cryptocromes, Cry1, Cry2 et Cry4, dans le cerveau, les muscles et les yeux des Diamants mandarin. Leur hypothèse était que les cryptochromes associés à la magnétoréception devraient maintenir une réceptivité constante pendant toute la journée circadienne. Ils ont découvert que, comme prévu pour les gènes de l’horloge circadienne, Cry1 et Cry2 fluctuaient quotidiennement, mais Cry4 s’exprimait à des niveaux constants, ce qui en fait le candidat le plus probable pour la magnétoréception.
Cette constatation a été appuyée par l’étude des rouges-gorges, qui a trouvé la même chose.
Selon les chercheurs :
Nous avons également constaté que Cry1a, Cry1b et Cry2 mRNA présentent des modèles d’oscillations circadiennes robustes, alors que Cry4 ne montre qu’une oscillation circadienne faible.
Mais ils ont aussi fait d’autres découvertes intéressantes. La première est que Cry4 est regroupé dans une région de la rétine qui reçoit beaucoup de lumière, ce qui est logique pour la magnétoréception dépendant de la lumière. L’autre est que les rouges-gorges ont augmenté l’expression de Cry4 pendant la saison migratoire, comparativement aux poulets (non migrateurs).
Les deux groupes de chercheurs mettent en garde sur le fait que d’autres recherches sont nécessaires avant que Cry4 puisse être considérée comme la protéine responsable de la magnétoréception. Les preuves sont solides, mais ce n’est pas définitif, et Cry1 et Cry2 ont également été impliqués dans la magnétoréception, le premier dans les Fauvettes des jardins et le second dans les mouches à fruits.
L’observation d’oiseaux dont le Cry4 ne fonctionne pas pourrait aider à confirmer le rôle qu’il semble jouer, tandis que d’autres études seront nécessaires pour comprendre le rôle de Cry1.
Alors, qu’est-ce qu’un oiseau voit réellement ? Eh bien, nous ne pourrons jamais savoir à quoi ressemble le monde à travers les yeux d’une autre espèce, mais les chercheurs peuvent le simuler assez précisément.
Selon les chercheurs du groupe de biophysique théorique et computationnelle de l’université de l’Illinois à Urbana-Champaign, dont le chercheur Klaus Schulten a prédit les premiers cryptocromes magnétoréceptifs en 1978, ils pourraient fournir un « filtre » de champ magnétique sur le champ de vision de l’oiseau, comme dans l’image ci-dessous.
Selon les chercheurs dans leur description de l’image : vue panoramique de Francfort, Allemagne. L’image montre la perspective du paysage enregistrée à partir d’une altitude de vol d’oiseau de 200 m au-dessus du sol avec les directions cardinales indiquées. Le champ visuel d’un oiseau est modifié par la fonction de filtre magnétique. Pour les besoins de l’illustration, le modèle à champ magnétique est présenté dans des niveaux de gris seulement (qui reflèterait le modèle perçu si la voie visuelle magnétique est complètement séparée de la voie visuelle normale) et ajouté sur l’image visuelle normale que l’oiseau verrait, si la vision magnétique et normale utilise la même voie neuronale dans la rétine. Les motifs sont montrés pour un oiseau regardant 8 directions cardinales (N, NE, E, SE, S, SO, O et NO). L’angle d’inclinaison du champ géomagnétique est de 66°, valeur caractéristique de la région. (Theoretical and Computational Biophysics/UofI)
L’étude concernant les Diamants mandarin publiée dans The Journal of the Royal Society Interface : Expression patterns of cryptochrome genes in avian retina suggest involvement of Cry4 in light-dependent magnetoreception et l’étude concernant les rouges-gorges familiers publiée dans Current Biology : Double-Cone Localization and Seasonal Expression Pattern Suggest a Role in Magnetoreception for European Robin Cryptochrome 4.