Confirmation que le centre de la Terre est solide… enfin presque
Une nouvelle technique qui sonde les profondeurs de notre planète suggère que le cœur de la Terre n’est pas vraiment ce qu’il semble être.
Hrvoje Tkalčić et Thanh-Son Phạm, tous deux de l’université nationale australienne, ont réanalysé les échos des tremblements de terre qui ont secoué l’intérieur de la planète. Ils ont calculé que le noyau interne solide, tout en étant solide, est plus mou que prévu.
Leur nouvelle méthode, publiée cette semaine, soulève ses propres questions, à savoir : que se passe-t-il là-dessous ? Il est estimé à l’origine qu’il pouvait s’agir de fer pur dans un noyau interne solide, mais cela restait une supposition.
Pour se faire une idée de la structure de ce qui se trouve à l’intérieur de notre planète, les sismologues analysent les ondes sismiques engendrées par les tremblements de terre.
Selon le professeur Tkalčić, premier auteur de l’étude :
Après de grands tremblements de terre, la terre oscille, comme une cloche.
Un réseau mondial d’instruments appelés sismomètres capte les faibles secousses et les frémissements qui circulent autour et à travers la Terre. Ce n’est pas une technique nouvelle, les sismomètres existent depuis 1880. Jusqu’aux années 1930, les scientifiques pensaient que la Terre avait en son centre un immense réservoir de roche liquide, enveloppé d’un manteau solide et surmonté d’une croûte terrestre. Mais après le tremblement de terre de magnitude 7,3 de 1929 qui a frappé l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande, des instruments en Europe ont enregistré des ondes qui n’auraient pas été possibles si le noyau avait été liquide.
La sismologue danoise Inge Lehmann s’est rendu compte qu’il devait y avoir un élément solide quelque part. En 1936, elle a publié sa découverte : que la Terre avait un noyau interne. Quelques années plus tard, le physicien minéralogiste américain Francis Birch a émis l’hypothèse que le noyau interne était fait de fer massif. Et nous pensons maintenant que le noyau externe liquide est disposé en colonnes rotatives qui génèrent le champ magnétique terrestre. Les fluides en rotation conduisent l’électricité et génèrent des champs magnétiques. C’est une sorte de dynamo que nous voyons dans d’autres endroits comme le Soleil et Jupiter.
Le noyau intérieur rassemble une grande partie du fluide qui s’écoule dans cet ensemble de cylindres assez stable. Mais si vous voulez étudier le noyau intérieur, vous devez d’abord étudier à travers le noyau extérieur, ce qui rend les choses encore plus difficiles.
Pour sonder le noyau, les scientifiques analysent comment les ondes S et P rebondissent autour et à travers la planète.
A gauche une ondes S et à droite une onde P. (Wikimedia Commons)
Pendant des décennies, les sismologues ont cherché des signes d’ondes S dans le noyau interne. Leur vitesse peut indiquer la raideur, ou la rigidité, du matériau. Et même si les ondes S ne peuvent pas traverser le noyau externe liquide, elles existent dans le noyau interne solide.
En effet, lorsqu’une onde P traversant le noyau externe frappe le noyau interne, une partie de son énergie est convertie en ondes S. Celles-ci peuvent se propager à travers le noyau interne jusqu’à ce qu’elles atteignent le noyau externe liquide, où elles sont de nouveau converties en ondes P.
Pour obtenir des informations sur les ondes S du noyau intérieur, le professeur Tkalčić et son doctorant, M. Phạm, ont réanalysé les données d’archives concernant les tremblements de terre d’une magnitude d’au moins 6,8 qui ont sévi entre 2010 et 2016. Mais au lieu d’examiner les propriétés de chaque signal, ils ont analysé les similitudes entre les paires de formes d’onde.
Cela a permis de produire des modèles mathématiques appelés « corrélogrammes globaux », que les deux chercheurs ont utilisés pour calculer la vitesse des ondes S dans le noyau interne. Il s’est avéré que les ondes S étaient environ 2,5 % plus lentes que prévu. Et comme les ondes S se déplacent plus rapidement à travers un matériau plus rigide, il s’ensuit que le noyau interne est plus mou qu’on ne le pensait auparavant.
L’étude ne précise pas avec certitude pourquoi et c’est le sujet d’un débat en cours. Il pourrait s’agir d’une propriété intrinsèque du fer dans les environnements chauds et pressurisés du centre de la Terre. Il se peut aussi que des poches de matière fondue, enrichies d’éléments plus légers, soient piégées à l’intérieur de ce noyau.
Ces nouvelles données sur le centre de la Terre permettent aux géophysiciens d’affiner leurs modèles de référence. Comprendre les propriétés du noyau aidera également à déterminer s’il tourne plus vite que le manteau qui le recouvre. Et nous pourrions en avoir une image plus précise dans les années à venir.
Le professeur Tkalčić et son équipe établiront bientôt un réseau de sismomètres sur et autour de l’île Macquarie, à mi-chemin entre la Nouvelle-Zélande et l’Antarctique.
L’étude publiée dans Science : Shear properties of Earth’s inner core constrained by a detection of J waves in global correlation wavefield et présentée sur le site de l’université nationale australienne : Researchers confirm Earth’s inner core is solid: Holy Grail found.