Il ne faut que quatre neurones à une abeille pour compter
Non seulement les abeilles savent compter, mais elles peuvent le faire en utilisant un nombre dérisoire de cellules cérébrales.
Image d’entête : Une abeille choisissant entre deux motifs contenant des nombres différents de cercles jaunes. (Lars Chittka)
Une équipe de chercheurs de l’université Queen Mary de Londres s’est penchée sur la façon dont les abeilles comptent. Les insectes, selon eux, s’appuient sur un tour de passe-passe qui leur permet d’acquérir cette compétence en utilisant un très petit nombre de neurones. Afin de comprendre comment les cerveaux d’abeilles manipulent les nombres, l’équipe a simulé un réseau cérébral extrêmement simple sur un ordinateur (réseau de neurones artificiels).
Bien qu’il ne contienne que quatre neurones (beaucoup moins qu’une véritable abeille), ce cerveau artificiel peut encore accomplir cette tâche. Les résultats en laboratoire ont montré qu’il était facile de compter de petites quantités d’articles lors de l’inspection de chacun d’entre eux de près, de la même façon que les abeilles comptent. Cela diffère des humains qui regardent tous les objets et les comptent ensemble.
De précédentes recherches ont montré que les abeilles peuvent compter, généralement jusqu’à 4 ou 5 objets. Il est intéressant de noter que (et peut-être le seul cas chez les non-humains), elles peuvent aussi saisir le concept du zéro lorsqu’elles sont formées à choisir » moins « .
Cependant, de nouvelles recherches révèlent quelque chose de vraiment surprenant : il est possible que les abeilles n’aient aucune idée de ce que sont les nombres (ou autres concepts numériques). En utilisant des mouvements de vol spécifiques pour inspecter de près les objets, les abeilles s’appuient sur leur entrée visuelle pour simplifier la tâche de décompte, ce qui requiert un minimum de puissance cérébrale. Cela montre que l’intelligence des abeilles (potentiellement d’autres animaux aussi) peut être basée sur un très petit nombre de cellules nerveuses, à condition qu’elles soient reliées entre elles de la bonne façon.
Selon l’étude, ces quatre neurones fonctionnent ainsi :
Un neurone phasique de « luminosité » réagit aux changements de luminosité dans son champ récepteur. Le neurone « mémoire de travail de la luminosité » reçoit de fortes impulsions excitatrices du neurone « luminosité », sa réponse sera proche du maximum lorsque l’abeille rencontre un changement dans l’intensité lumineuse. Le neurone de « mémoire de travail de comptage » n’est que faiblement stimulé par le neurone de « luminosité » ; ainsi sa réponse sera proportionnelle au nombre de fois où l’abeille s’est déplacée entre les zones sombres et claires. Il est à noter que les nombres ne sont pas enregistrés comme des nombres entiers, mais accumulés comme des grandeurs. Enfin, le neurone « évaluation » est excité par le neurone « mémoire de travail de luminosité » et inhibé par le neurone « mémoire de travail de comptage ». Le neurone « d’évaluation » accumule donc des informations sur le stimulus pendant que l’abeille inspecte, et ce neurone fournit donc une évaluation continuellement mise à jour de la quantité du stimulus.
Selon l’auteure principale Vera Vasas, de l’université Queen Mary de Londres :
Un examen attentif des stratégies d’inspection utilisées par les animaux pourrait révéler qu’ils utilisent souvent des comportements de balayage actif comme raccourcis pour simplifier les tâches complexes de discrimination visuelle. J’espère que notre travail inspirera les autres à regarder de plus près non seulement les tâches cognitives que les animaux peuvent résoudre, mais aussi la façon dont ils les résolvent.
Elle poursuit en expliquant que bien que le comptage soit généralement considéré comme « exigeant une intelligence élevée et un cerveau volumineux », les résultats montrent qu’il peut se faire avec un petit réseau correctement structuré.
Nous suggérons que l’utilisation de mouvements de vol spécifiques pour balayer les cibles, plutôt que des concepts numériques, explique la capacité des abeilles à compter. Ce balayage rationalise l’entrée visuelle et signifie qu’une tâche comme le comptage nécessite peu d’intelligence.
Les abeilles n’ont qu’environ un million de cellules nerveuses au total, ce qui signifie qu’elles ont vraiment, vraiment peu de cerveaux. L’être humain moyen, par exemple, peut se vanter de posséder plus de 86 milliards de cellules nerveuses. Pourtant, cette limitation a forcé l’évolution à être créative, et elle l’a été. Les abeilles surmontent leur matériel cérébral relativement médiocre grâce à des algorithmes de calcul sophistiqués, rapporte l’équipe. Pour modéliser comment ces minuscules cerveaux d’insectes reçoivent l’information, l’équipe a analysé le point de vue d’une abeille qui vole près des objets à compter et les inspecte un par un.
Ces données ont ensuite été transmises au cerveau simulé. Celui-ci a fait des estimations fiables du nombre d’objets exposés en se basant sur cette vidéo. En substance, il pouvait compter. En tant que tels, les résultats pourraient également avoir des implications pour l’intelligence artificielle.
A partir de l’étude. (Vera Vasas/ Lars Chittka/ iScience)
Selon le professeur Lars Chittka, auteur principal et également de l’université Queen Mary de Londres :
Ces résultats viennent s’ajouter au corpus croissant de travaux démontrant qu’un comportement apparemment intelligent ne nécessite pas de gros cerveaux, mais peut être étayé par de petits circuits neuronaux qui peuvent facilement s’adapter au micro-ordinateur qu’est le cerveau de l’insecte.
L’étude publiée dans iScience : Insect-Inspired Sequential Inspection Strategy Enables an Artificial Network of Four Neurons to Estimate Numerosity et présentée sur le site de l’université Queen Mary de Londres : Bees can count with just four nerve cells in their brains.