Le monde le plus lointain jamais visité par l’humain a la forme d’une cacahuète (ou d’un bonhomme de neige)
L‘objet le plus éloigné que l’humanité, en l’occurrence la NASA, ait jamais étudié de près, 2014 MU69, orbite près du bord du système solaire, bien au-delà de Pluton. En raison des conditions désolées qui y règnent, elle est restée pratiquement inchangée depuis le début du système solaire. Il y a moins de 5 ans, les astronomes ignoraient même son existence. Maintenant, ils savent à quoi il ressemble, grâce aux images capturées par une sonde spatiale de passage.
Image d’entête : la première image en couleur (à gauche) d’Ultima Thule, prise par la Multispectral Visible Imaging Camera (MVIC) de New Horizons. L’image à plus haute résolution (au centre) a été prise par l’imageur de reconnaissance à longue portée (LORRI pour Long-Range Reconnaissance Imager) et la troisième image (à droite) combine les deux (NASA/ Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/ Southwest Research Institute)
La sonde New Horizons est arrivée à proximité de 2014 MU69 à 6,4 milliards de km de la Terre la veille du Nouvel An, il a pris des centaines de photos, puis elle a continué sa route, se dirigeant encore plus loin dans l’espace. Mercredi, la NASA a publié la première série de photographies.
Vu de la Terre, le MU69 2014 ressemble à une minuscule tache de lumière. De près, il ressemble, à un bonhomme de neige, saison oblige, ou à une cacahuète.
L’image originale d’Ultima Thule (à gauche) prise par New Horizons, avec une version plus nette et améliorée (à droite). (NASA/ Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/ Southwest Research Institute)
Selon Cathy Olkin, la scientifique adjointe du projet, lors d’une conférence de presse :
2014 MU69 est si loin, des détails comme ceux-ci ne pourraient jamais être mis au point depuis la Terre : Il n’y a aucun moyen de faire quoi que ce soit de ce genre, ce type d’observation, sans avoir un engin spatial sur place.
En 2015, New Horizons a survolé Pluton et elle a révélé un monde glacé avec des montagnes imposantes, des plaines lisses et une atmosphère duveteuse. La sonde avait assez de carburant pour continuer à fonctionner après la rencontre et MU69 2014 s’est avérée être sur sa trajectoire.
Surnommé Ultima Thule, en latin « au-delà du monde connu », l’objet est un binaire à contact, une configuration cosmique dans laquelle deux objets séparés se rejoignent et selon Jeff Moore, chef de l’équipe de géologie pour la mission New Horizons :
De toute évidence, ils se sont rassemblés à faible vitesse, peut-être à un 1 km à l’heure, ou à quelques km à l’heure. Ils se reposent vraiment l’un sur l’autre.
La description du bonhomme de neige est adaptée aux conditions de la ceinture de Kuiper, où abondent les morceaux gelés de la formation du système solaire il y a 4,6 milliards d’années, recevant très peu de lumière solaire. C’est un endroit incroyablement froid : la température de surface de Pluton, le plus grand objet de la région, est de près de –240 °C, un bonhomme de neige pourrait y durer éternellement.
Contrairement aux bonhommes de neige typiques, Ultima Thule est rouge, assombri au fil du temps par le rayonnement cosmique et d’après les mesures, il dans les tons rougeâtres. Il y a plus d’un type de glace dans l’univers, et les données du survol n’ont pas encore révélé la composition d’Ultima Thule. L’objet peut être fait de glace d’eau, de glace azotée ou de glace de méthane.
La froideur de la ceinture de Kuiper a permis à Ultima Thule de conserver sa forme intacte. Les données de la sonde New Horizons décriront la matière qui a façonné la Terre et les autres planètes, et les scientifiques espèrent que les instruments scientifiques de l’engin spatial ont permis de recueillir de nouvelles informations sur ce chapitre de notre histoire cosmique.
Ces nouvelles images sont les premières d’une longue série à venir. Ces photos ont été prises environ une demi-heure avant que New Horizons ne s’approche au plus près d’Ultima Thule, et à un moment où la lumière du soleil frappait l’objet. À mesure que l’engin spatial passait, l’éclairage s’est déplacé et des ombres sont apparues. Celles-ci, selon les scientifiques, révéleront bientôt si Ultima Thule a des collines, des crêtes ou des cratères. Il faut un certain temps pour que les données de la sonde atteignent la Terre à une distance de 6,4 milliards de kilomètres. Au cours des semaines et des mois à venir, les scientifiques dévoileront les meilleures photographies à la plus haute résolution.
La décision de la NASA d’utiliser le nom Ultima Thule, est issue d’un vote du public. Le terme a été inventé il y a plus de 2 000 ans par le poète romain Virgile et il est fréquemment apparu dans la littérature comme une description de terres lointaines et mythiques. Le terme a également été adopté par le parti nazi comme le nom d’une patrie aryenne mythique. Les responsables de la NASA étaient conscients de cet usage historique lorsqu’ils ont choisi Ultima Thule et ils ont décidé que sa signification ancienne l’emportait sur les connotations troublantes.
Pour quiconque est habitué à l’architecture lisse et arrondie des planètes et des lunes, ce monde lointain peut sembler excentrique. Mais le système solaire est truffé de masses de formes bizarres qui ne s’intègrent pas dans des schémas ordonnés. Il y a des milliards d’années, une partie de la matière se déplaçant autour du soleil a commencé à entrer en collision. Les collisions plus légères ont permis à des amas de matériaux de s’accumuler à chaque fusion (accrétion). De petits amas conduisaient à de gros amas, et s’ils devenaient assez gros, la gravité les tirait sur leurs bords et les faisait s’effondrer en sphères. Ultima Thule, de la taille d’une ville, est trop petite pour cet effet.
Selon Hal Weaver, scientifique du projet New Horizons :
La plupart des petits corps du système solaire sont très allongés. Ils n’ont pas assez de masse pour former une sphère parfaite.
New Horizons se dirige maintenant plus profondément dans la ceinture de Kuiper. Le vaisseau spatial a quitté la Terre en 2006 et, malgré quelques dysfonctionnements en cours de route, il demeure en bon état de marche. Les ingénieurs estiment qu’elle pourrait durer encore 15 à 20 ans et ils prévoient soumettre une nouvelle proposition d’exploration à la direction de la NASA. Avec Ultima Thule dans le rétroviseur, la sonde pourrait viser une autre cible, prête à étendre la portée de l’humanité encore plus loin dans le cosmos.
Sur le site de l’université Jhon Hopkins : NASA’s New Horizons Mission Reveals Entirely New Kind of World.