Avec le changement climatique, les rennes de Norvège doivent désormais se rendre à la plage pour manger des algues
Les rennes sauvages du Svalbard (Rangifer tarandus platyrhynchus) survivent désormais aux hivers plus chauds en s’alimentant d’algues.
Image d’entête : des rennes mangent des algues… (Brage B. Hansen/ NTNU)
Lorsqu’on pense aux rennes, et surtout aux rennes sauvages du Svalbard, la population de rennes la plus septentrionale du monde, on les imagine plutôt broutant la végétation de la toundra, des fougères, des mousses… mais pas des algues. Selon les chercheurs du Centre for Biodiversity Dynamics de l’université norvégienne des sciences et des technologies (NTNU), lorsque la situation se détériore, ces rennes coriaces lancent le Plan B : manger des algues marines.
Le début de l’étude commence ainsi :
Le changement climatique le plus rapide se produit dans l’Arctique, où d’énormes impacts écologiques sont déjà évidents dans les communautés terrestres et aquatiques. Il est maintenant bien connu que la perte graduelle de la glace de mer, les changements dans la phénologie saisonnière et l’amélioration de la production primaire alimentant les écosystèmes peuvent altérer l’abondance et la distribution d’une multitude d’espèces.
L’une des espèces les plus emblématiques des climats les plus septentrionaux de la planète est le renne, et en particulier le renne du Svalbard, une créature qui incarne l’adaptation aux conditions difficiles. Vivant à 79 degrés de latitude nord, ils sont bâtis pour les extrêmes. Tout en rondeur et en robustesse, ils sont plus courts sur patte, plus petits et beaucoup plus sédentaires que leurs cousins sur le continent européen et en Amérique du Nord. Ces caractéristiques leur permettent de survivre à l’extrême froideur et à la végétation clairsemée de l’archipel insulaire. Avec le changement climatique qui change la nature des hivers du Svalbard, on pourrait penser que la vie serait plus facile pour ces animaux robustes. Mais en fait, la hausse des températures rend les choses plus difficiles.
(Larissa T. Beume)
Le biologiste Brage Bremset Hansen, de l’université norvégienne des sciences et des technologies (NTNU), et ses collègues étudient le renne sur le Svalbard depuis des décennies, et ils ont commencé à remarquer des hivers de plus en plus doux où la pluie tombe sur la neige, puis se transforme en glace, s’accumulant sur la végétation de la toundra et formant une épaisse couche de glace.
Au cours d’un hiver particulièrement rigoureux (c’est-à-dire, ironiquement, plus chaud), les chercheurs ont observé qu’environ un tiers des 20 000 rennes de l’archipel s’en allaient sur la côte pour s’alimenter, plutôt que d’essayer de briser la glace de la toundra pour atteindre les herbes et les petites plantes en dessous.
Hansen et ses collègues supposaient que les rennes se nourrissaient d’algues marines, mais, il faut bien sûr des preuves plus solides pour montrer que cela était lié à de mauvaises conditions, pas seulement une coïncidence .
Ils ont donc trouvé un moyen de prouver que les créatures avaient recours à la recherche de nourriture sur la mer, et pourquoi. Ils ont analysé les excréments à la recherche d’isotopes indiquant la nature des plantes consommées et l’ont combinée avec 9 années de données sur l’épaisseur de la glace au sol. Ils ont combiné cela avec les données des colliers GPS, et les données de localisation d’un total de 2199 observations de rennes. Ils ont ensuite été en mesure de calculer où se trouvaient les rennes par rapport à la côte et de constater si un plus grand nombre de rennes se rendaient sur la côte pour se nourrir pendant les années où la glace sur le sol était plus épaisse.
Images tirées de l’étude : localisation des zones d’étude au Spitzberg, Svalbard. b) Carte topographique de la principale zone d’étude près de Ny-Ålesund, avec des populations marquées en bleu (Brøggerhalvøya), noir (Sarsøyra) et rouge (Kaffiøyra). c) Proportion annuelle de rennes de Svalbard dans la zone d’étude de Ny-Ålesund se nourrissant sur le littoral à la fin de l’hiver, en fonction de l’épaisseur moyenne de la glace de sol en hiver. La taille des cercles est proportionnelle à la taille de l’échantillon.(d, e) Les rennes se nourrissent d’algues marines et de varech à la fin de l’hiver. (Brage Bremset Hansen et coll./ Ecosphere)
Il n’est peut-être pas surprenant qu’ils aient conclu que, lorsque la glace épaisse empêchait l’accès à leur nourriture préférée, les rennes se sont tournés vers les algues marines comme source supplémentaire d’éléments nutritifs.
Selon Hansen :
Quand les conditions sont rudes, pendant les hivers rigoureux, les rennes ont tendance à être plus souvent à la plage, et oui, ils mangent des algues, ce qui confirme notre hypothèse.
Bien que la consommation d’algues marines ne soit pas idéale, elle cause des diarrhées et ne fournit pas tous les nutriments dont ils ont besoin, elle prouve une chose : les animaux sont capables de s’adapter, ce qui peut être de bon augure pour eux dans un climat en constante évolution.
Toujours selon Hansen :
Dans l’ensemble, bien que nous observions parfois que les populations s’effondrent pendant les hivers extrêmement glacés, les rennes s’adaptent étonnamment bien. Ils ont des solutions différentes pour de nouveaux problèmes comme le changement climatique rapide, ils ont une variété de stratégies, et la plupart sont capables de survivre à des conditions étonnamment difficiles.
L’étude publiée dans la revue Ecosphere : Reindeer turning maritime: Ice‐locked tundra triggers changes in dietary niche utilization et présentée sur le site de d’informations de l’université norvégienne des sciences et des technologies : Reindeer adapt to climate change by eating seaweed.
(Je fais ce commentaire sans avoir pris le temps de lire le papier original)
Ce qui est montré ici n’est qu’une corrélation, non ? La relation de cause à effet semble être raisonnable et théoriquement soutenable, mais elle ne me semble pas prouvée…
Les chercheurs évoquent-ils dans la conclusion la possibilité d’une variable de confusion ?