L’astromobile chinoise révèle des indices sur l’intérieur de la Lune
Le manteau lunaire, la couche géologique qui se trouve entre sa croûte de surface et le noyau central, pourrait renfermer des pyroxènes à faible teneur en calcium et des olivines, selon les résultats de la mission lunaire chinoise Chang’E 4.
Image d’entête : une partie de la première image panoramique prise par Chang’e 4 sur la surface lunaire. (Administration spatiale nationale chinoise (CNSA)/ Wikimédia)
En janvier 2019, l’atterrisseur Chang’E 4 s’est posé sur le côté obscur de la Lune, dans le plus grand cratère d’impact du satellite, connu sous le nom de Von Kármán. Il a ensuite déployé une astromobile (rover), le Yutu-2, pour échantillonner et analyser le fond du cratère.
Le site d’atterrissage de Chang’E 4, montrant les cratères d’impact de Von Kármán et Finsen. (Chang’E 4 mission/ Chinese Lunar Exploration Program)
Cette image prise par Chang’E 4 montre le paysage près du site d’atterrissage. (NAOC/ CNSA)
Dans une étude publiée cette semaine (lien plus bas), des chercheurs dirigés par Chunlai Li de l’Académie chinoise des sciences de Pékin présentent la première série de résultats.
Le choix du cratère comme point d’atterrissage de la mission a été motivé par la nature essentiellement géophysique du projet Chang’E 4. Les scientifiques à l’origine de la mission sont déterminés à résoudre un vieux mystère concernant la composition du manteau de la Lune.
La mécanique générale du processus de coalescence de la Lune (agglomération de matière) autour de son noyau de fer dense est considérée comme étant bien comprise.
Au cours d’une phase tardive de la formation lunaire, l’énergie des météorites entrantes a provoqué le réchauffement de ses couches extérieures, qui sont devenues un océan magmatique. Le liquide s’est progressivement séparé avec un minéral relativement léger, un membre du groupe des feldspaths appelé plagioclase, flottant à la surface.
La plagioclase demeure le composant dominant de la croûte.
Pendant ce temps, des minéraux plus lourds, riches en fer, ont sombré dans la coulée magmatique. Finalement, l’océan s’est refroidi et s’est solidifié, stabilisant à la fois le manteau dense et la couche supérieure plus légère.
En l’absence d’une très grande plate-forme de forage, déterminer la composition exacte du manteau représente un défi pour les géophysiciens lunaires.
L’information précédemment obtenue par le biais d’un satellite en orbite indiquait la présence de matériaux fragmentés riches en fer et en magnésium dispersés à la surface dans certaines régions et les identifiait comme étant du pyroxène, une classe minérale qui comprend le jade et de l’olivine, qui est commune sur Terre, de couleur verte.
Il n’a pas été possible d’établir avec certitude leur provenance dans le manteau, laissant ouverte la possibilité qu’ils puissent être exogènes, provenant peut-être des débris d’une collision de météores. Cependant, les scientifiques travaillant sur le projet chinois ont estimé qu’un météore entrant, suffisamment grand pour créer un cratère massif, aurait pu avoir suffisamment d’élan pour percer la croûte et pénétrer dans le manteau et en projeter des morceaux sur la surface. D’où le choix du cratère Von Kármán.
Li et ses collègues rapportent que les observations faites par le spectromètre visible et le spectromètre dans le proche infrarouge (VNIS) de l’astromobile indiquent la présence des deux mêmes minéraux clés.
D’autres recherches seront nécessaires pour confirmer avec certitude leur origine souterraine. Cependant, les chercheurs suggèrent que s’il s’agit bien de composants du manteau, ils ne proviennent pas du cratère Von Kármán lui-même. Ils suggèrent plutôt qu’ils ont probablement été éjectés à la suite de l’impact qui a causé un cratère voisin, le cratère Finsen de 72 kilomètres de large, et propulsés dans les airs vers leur dernière position.
Dans un éditorial accompagnant l’étude, Patrick Pinet, de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP) en France, qualifie les résultats chinois de « passionnants ».
Selon lui :
Ces résultats pourraient avoir des implications considérables pour caractériser la composition du manteau supérieur de la Lune, et pour établir des contraintes sur les caractéristiques de l’océan magmatique lunaire qui auraient varié avec le temps.
L’étude publiée dans Nature : Chang’E-4 initial spectroscopic identification of lunar far-side mantle-derived materials et présentée sur le site de l’Académie chinoise des sciences de Pékin : China’s Chang’E 4 Mission Discovers New « Secrets » from Far Side of the Moon.