Des femmes peuvent encore sentir les odeurs, sans avoir la partie du cerveau réservée à cette fonction
Les humains peuvent-ils sentir le monde qui les entoure même s’ils n’ont pas de bulbes olfactifs ?
Ce n’est pas une question qui est souvent posée, mais la réponse, un surprenant » oui « , semble fournir davantage de preuves de l’incroyable flexibilité/ plasticité du cerveau. Et, selon des chercheurs d’Israël et d’Australie, cela offre aussi un certain espoir pour les personnes nées avec une anosmie congénitale, une incapacité à sentir.
Image d’entête, à partir de l’étude : IRM de deux cerveaux. La femme de gauche, qui a des bulbes olfactifs intacts, et la femme de droite, qui n’en a pas, ont toutes deux d’excellents sens de l’odorat. (Tali Weiss et Coll./ Neuron)
Pendant l’olfaction, des molécules odorantes activent des neurones sensoriels dans le nez. Ceux-ci envoient des signaux au cerveau où chaque odeur est cartographiée selon des modèles de petites structures neurales appelées glomérules à l’intérieur du bulbe olfactif. Ils sont considérés comme essentiels à l’odorat.
Cependant, dans leur étude, des chercheurs dirigés par Noam Sobel du Weizmann Institute of Science d’Israël décrivent comment, en examinant les IRM de femmes gauchères en bonne santé pour une étude différente, ils en ont trouvé deux qui avaient un odorat malgré le manque apparent de bulbes olfactifs.
Intrigués, ils ont examiné 1 113 autres IRM rendues publiques dans le cadre du projet Human Connectome et ils ont trouvé trois autres femmes de ce genre, dont une gauchère.
Selon Sobel :
La reproduction dans un ensemble de données accessibles au public ajoute beaucoup de crédibilité à la conclusion. Il ne s’agit pas seulement d’une bizarrerie qui n’apparaît que dans nos mains.
Des tests approfondis sur les deux premières femmes ont prouvé qu’elles étaient aussi bien capables d’identifier, de détecter et de discriminer les odeurs qu’une personne moyenne.
Sobel et ses collègues ont ensuite effectué une série d’autres tests, IRM, IRM de diffusion, imagerie 3D ultra-haute définition et morphométrie à base de voxel du cerveau entier, sur ces deux femmes et une troisième qui était connue pour avoir une anosmie congénitale.
Celles-ci ont confirmé qu’elles ne possédaient pas de bulbes olfactifs visibles, mais des structures cérébrales normales à l’extérieur du système olfactif. Alors pourquoi deux d’entre elles ont pu sentir ?
Toujours selon Sobel :
L’interprétation la plus simple de nos résultats est que ces femmes sont nées sans bulbe olfactif, mais grâce à l’extrême plasticité du cerveau en développement, elles ont développé une carte glomérulaire alternative ailleurs dans le cerveau, et non dans le bulbe olfactif.
Bien qu’une telle plasticité soit étonnante, elle n’est pas en dehors de ce que nous avons vu dans le développement humain.
Comme les chercheurs le notent dans leur étude, l’absence de bulbes olfactifs est probablement un état irréversible, de sorte que peu d’efforts ont été consacrés à la détection précoce de l’anosmie congénitale. Elle est généralement diagnostiquée, pour la première fois, à l’adolescence.
Cependant, si certains humains peuvent développer une olfaction sans bulbes olfactifs apparents, ils ajoutent :
Peut-être que de tels mécanismes compensatoires peuvent être favorisés tôt dans la vie, lorsque la plasticité neuronale est à son maximum.
Actuellement, en Occident, les nouveau-nés sont testés pour la vision, l’audition et plus encore, et ce, dans les premières heures ou les premiers jours après la naissance.
Il est peut-être temps de commencer à dépister les enfants, ou peut-être même les bébés, en utilisant des mesures non verbales de l’olfaction. L’identification précoce d’une olfaction réduite pourrait alors peut-être être abordée dans le cadre d’un programme d’enrichissement des odeurs dans le but de déclencher des mécanismes compensatoires…
L’étude publiée dans Neuron : Human Olfaction without Apparent Olfactory Bulbs et présentée sur le site de la Weizmann Institute of Science : An Intact Sense of Smell without a Crucial Olfactory Brain Structure.