Nous nous approchons dangereusement d’un point de non-retour climatique
Alors que les températures globales continuent d’augmenter, les chercheurs et les experts climatiques commencent à se demander si la planète est proche de ses points de basculement climatique. La réponse peut en inquiéter plus d’un, mais la bonne nouvelle est qu’il est encore temps d’agir et d’éviter les pires conséquences du réchauffement climatique.
Les points de basculement sont extrêmement importants dans tous les systèmes complexes, et le climat ne fait pas exception. Un point de basculement est fondamentalement un seuil clé au-delà duquel l’équilibre est rompu. Dans ce cas, les points de basculement se produisent lorsque le climat mondial ou régional varie d’un état stable à un autre état stable. Ils peuvent être réversibles ou non, et peuvent avoir des effets boule de neige – ou, dans ce cas, des effets “anti-boule de neige”.
Par exemple, la fonte irréversible de la glace polaire est un point de basculement classique. Si cela se produit, cela déclenchera une série d’effets en cascade, accentuant le réchauffement de la planète (la glace réfléchit beaucoup plus d’énergie solaire que ce qui se trouve en dessous), perturbant la circulation océanique, provoquant une élévation du niveau de la mer et un carnage global de conséquences climatiques mondiales et régionales. Les points de basculement climatique, tant régionaux que mondiaux, ne sont pas des choses à prendre à la légère.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le principal groupe de scientifiques qui analysent le climat mondial, a commencé à parler de points de basculement il y a 20 ans en affirmant qu’ils ne se produiraient que si les températures montaient de 5 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels. En d’autres termes, ils estimaient que si le réchauffement atteint 5 degrés, cela déclenchera des changements irréversibles, globaux et dramatiques. Mais ils étaient peut-être trop optimistes.
Les rapports les plus récents publiés cette année par le GIEC, l’un portant sur les océans et l’autre sur la terre ferme, suggèrent que certains points de basculement pourraient être dépassés avec un réchauffement planétaire de 1 à 2 °C. Cela nous amène au problème principal et à la solution principale.
La température a déjà augmenté de 1 °C et c’est pourquoi les pays se sont engagés à agir à travers l’Accord de Paris, signé en 2015, dans le but de limiter le réchauffement climatique à 2 °C. Mais les pays ont échoué, compte tenu de leurs engagements, la température devrait augmenter d’au moins 3 °C.
Cela nécessite une intervention d’urgence, ont récemment affirmé Timothy Lenton, directeur du Global System Institute de l’université d’Exeter (Royaume-Uni), et un groupe de chercheurs lors d’un exposé dans Nature (lien plus bas). Si les points de basculement sont « dangereusement proches », l’atténuation des émissions pourrait réduire encore davantage l’accumulation des impacts et aider la planète à s’y adapter.
Plus la planète se réchauffe, plus il y a de points de basculement qui pourraient être franchis, ont affirmé Lenton et son équipe. Selon le GIEC, le dépassement de la barrière de 1,5 °C entraînerait des changements brusques, y compris la glace de mer, qui rétrécit déjà assez rapidement dans l’Arctique.
De nombreuses régions en ressentent déjà les conséquences. La baie de la mer d’Amundsen (Amundsen Sea Embayment (ASE)) en Antarctique occidental aurait déjà pu dépasser un point de basculement, car la ligne de rencontre entre la glace, l’océan et le substrat rocheux est en recul, et le phénomène devient irréversible. Lorsque ce secteur s’effondrera, le reste de l’inlandsis de l’Antarctique occidental pourrait se déstabiliser et entraîner une nouvelle élévation du niveau de la mer.
La calotte glaciaire de l’Antarctique oriental comporte également des parties instables qui pourraient entraîner une élévation supplémentaire du niveau de la mer de 3 à 4 mètres en un siècle, tandis que le Groenland pourrait ajouter jusqu’à 7 mètres sur 1000 ans si elle dépasse un point de basculement. La calotte glaciaire du Groenland est fondamentalement condamnée par un réchauffement climatique de 1,5 °C.
Lenton et le groupe de chercheurs affirment que le monde a déjà » engagé les générations futures à vivre avec une élévation du niveau de la mer d’environ 10 mètres sur des milliers d’années « , en raison du réchauffement climatique. Mais l’échelle de temps est encore sous contrôle et le taux de fonte dépendra de la poursuite de l’action climatique mise en œuvre.
Selon les chercheurs :
Le temps d’intervention restant pour éviter le basculement pourrait déjà s’être réduit à zéro, alors que le temps de réaction pour atteindre des émissions nettes nulles est de 30 ans au mieux. Par conséquent, il se peut que nous ayons déjà perdu le contrôle de la question de savoir si le basculement se produit. Une grâce salvatrice réside dans le fait que la vitesse à laquelle les dommages s’accumulent en cas de basculement, et donc le risque posé, pourrait encore être sous notre contrôle dans une certaine mesure.
Les deux prochaines années seront cruciales. En décembre, les pays se réuniront en Espagne pour finaliser le règlement de l’Accord de Paris, ce qui contribuera à sa mise en œuvre à l’échelle nationale. Ensuite, en 2020, les pays devront dévoiler des engagements nouveaux et améliorés en matière de climat, en étant beaucoup plus ambitieux.
L’état des lieux climatiques des chercheurs publié dans Nature : Climate tipping points — too risky to bet against et présentée sur le site de l’université d’Exeter : Nine climate tipping points now “active”, warn scientists.