Les premiers habitants de l’Amazonie ont créé des milliers d`îlots de forêts artificielles
Il y a plus de 10 000 ans, d’après les résultats d’une étude publiée récemment (lien plus bas), d’anciens colons humains ont commencé la construction d’environ 4 700 îles forestières artificielles dans l’ancienne Amazonie. Des archéologues pensent que ces îles étaient utilisées pour l’agriculture et qu’elles sont encore visibles aujourd’hui.
Image d’entête : les îlots forestiers vus du ciel. (Umberto Lombardo)
Ces dernières années, les archéologues ont découvert quatre régions incroyablement anciennes situées au Moyen-Orient, en Chine et dans l’actuel Mexique et l’Amérique du Sud, où les premiers humains ont commencé à cultiver des plantes pour se nourrir. Cependant, il y a également des raisons de penser qu’une cinquième ancienne zone de culture des plantes aurait été employée dans le sud-ouest de l’Amazonie (l’actuelle Bolivie), car les espèces sauvages apparentées à plusieurs cultures d’importance mondiale, dont la courge, le manioc et le maïs, poussaient dans cette région.
L’étude a trouvé des preuves qu’il y avait effectivement un projet avancé de culture en cours dans l’ancienne Amazonie, il y a plus de 10 000 ans, et que les humains ont radicalement remodelé la terre vierge dans leur quête de culture alimentaire en créant un vaste réseau d’îles artificielles.
Île forestière des Llanos de Moxos en Bolivie, l’un des sites où les fouilles archéologiques ont révélé l’existence d’occupations humaines durant l’Holocène, comprenant des sépultures. (José Capriles/ Penn State)
La savane modifiée pour l’agriculture était régulièrement inondée de décembre à mars, et connaissait des conditions arides entre juillet et octobre. Des terres agricoles loin d’être idéales.
L’équipe a utilisé des données satellites pour cartographier 6 643 îles forestières situées dans les actuels Llanos de Moxos (ou plaines de Moxos), en Bolivie. Parmi ces îles, 82 ont été étudiées, des échantillons ont été prélevés sur 30 d’entre elles et quatre ont fait l’objet de fouilles.
Il a été constaté que 63 de ces îles abritaient des sédiments noirs riches en matière organique, notamment du charbon de bois, de la terre brûlée, des os et des coquillages d’animaux, qui sont autant d’indices d’une occupation humaine. Il a été conclu qu’il ne s’agissait pas de caractéristiques du paysage existant, mais qu’elles avaient été aménagées de manière totalement artificielle dans le but de cultiver des aliments.
L’île forestière d’Isla Manechi, où l’on a découvert d’anciennes preuves de culture de courges et de manioc. (Umberto Lombardo)
Sur la base de leurs conclusions, les chercheurs ont extrapolé que les anciens colons ont progressivement construit environ 4 700 îles pour cultiver des aliments, la construction ayant commencé il y a plus de 10 000 ans. Ces îles forestières avaient une taille moyenne de 0,5 hectare et elles étaient surélevées de 0,5 à 3 m au-dessus de la savane afin de rester au-dessus du niveau de l’eau pendant la saison des pluies.
Les scientifiques ont pu identifier un certain nombre de cultures récoltées sur les îles à partir des restes organiques extraits des échantillons, et ils ont même pu estimer la période à laquelle elles ont été cultivées.
On pense que le manioc était cultivé sur les îles forestières il y a environ 10 350 ans, tandis que la courge fut récoltée environ 100 ans plus tard. Le maïs est arrivé sur les îles plus récemment, il y a environ 6 850 ans. Les résultats indiquent que la culture des plantes a eu lieu dans la région 8 000 ans plus tôt qu’on ne le pensait auparavant.
Chose incroyable, les îles sont encore visibles dans la Bolivie actuelle, apparaissant comme des îlots de forêt isolés entourés de savane. Les recherches révèlent que les humains ont commencé à modifier le paysage de l’ancienne Amazonie pour répondre à leurs besoins très peu de temps après leur arrivée, et que la région fut l’un des premiers centres de domestication des plantes.
L’étude publiée dans Nature : Early Holocene crop cultivation and landscape modification in Amazonia et présentée sur le site de l’université d’Exeter : Earliest humans in the Amazon created thousands of “forest islands” as they tamed wild plants for food, study shows.