Belle physique : les bulles de savon peuvent diviser la lumière en flux ramifiés
Imaginez le delta d’une rivière, la façon dont le canal principal se divise en petits ruisseaux et affluents. Quelque chose de similaire se produit avec les ondes lorsqu’elles se propagent à travers un certain type de milieu : le trajet de l’onde se divise, se séparant en canaux plus petits comme les branches d’un arbre.
Image d’entête, à partir de l’étude : un flux laser ramifié par une bulle de savon. (Anatoly Patsyk et Coll./ Nature)
C’est ce qu’on appelle un flux de ramification, et il a été observé dans des phénomènes tels que le flux d’électrons (courant électrique), les vagues de l’océan et les ondes sonores. Aujourd’hui, pour la première fois, les physiciens l’ont observé à la lumière visible, et il a suffi d’un laser et d’une bulle de savon.
Selon la structure du support, différentes choses peuvent arriver aux ondes qui le traversent, elles peuvent s’atténuer, se disperser, se plier, se propager ou continuer à circuler.
Pour que le flux se ramifie, quelques propriétés sont nécessaires. La structure du milieu doit être aléatoire, et les variations spatiales de la structure doivent être plus importantes que la longueur d’onde du flux. Il doit également varier de façon régulière.
Si toutes ces conditions sont réunies, de petites perturbations et fluctuations de la structure peuvent disperser le flux, le faisant se diviser.
Bien que ce comportement soit omniprésent dans les ondes, l’observer à la lumière s’est avéré difficile, jusqu’à ce qu’une équipe de physiciens de l’Institut de technologie d’Israël – Technion et de l’université de Floride centrale (Etats-Unis) aient l’idée d’utiliser une bulle de savon comme support.
Une membrane de savon consiste en une très fine pellicule de liquide prise en sandwich entre deux couches de molécules tensioactives. L’épaisseur de ce film varie assez sensiblement, d’environ 5 nanomètres à quelques micromètres. Ce sont ces variations d’épaisseur qui produisent les motifs colorés des bulles de savon… mais elles peuvent aussi, en fait, agir comme des perturbations qui dévient la lumière dans un flux, provoquant la division et la ramification de ce dernier.
Cependant, ce n’est pas facile à réaliser. La lumière laser doit rayonner entre les deux couches de tensioactifs. Pour ce faire, une fibre a été insérée dans la membrane à un film courbe, ou en couplant un large faisceau elliptique à un film plat.
En diffusant un faisceau laser dans une bulle de savon, les chercheurs ont pu observer la façon dont le faisceau se divise sur la surface de la membrane. Et lorsqu’ils ont éclairé la membrane avec une faible lumière blanche, ils ont pu voir les variations d’épaisseur, visibles sous forme de variations de couleur, qui divisaient le faisceau.
Habituellement, le flux d’air autour d’une membrane de savon fait bouger le motif, mais si la membrane peut être isolée du flux d’air, le motif peut rester stable pendant plusieurs minutes. L’équipe a donc également testé son laser sur des membranes de savon stables et mobiles.
Test réalisé pour l’étude : un flux de lumière ramifié par la surface d’une bulle de savon. (Anatoly Patsyk et Coll./ Nature)
Les possibilités de cette recherche sont assez vastes. L’utilisation de la bulle comme support a des implications pour l’optofluidique, qui est la science de l’interaction de la lumière avec les liquides. Le dispositif expérimental pourrait être utilisé, par exemple, pour étudier comment les forces optiques affectent l’écoulement ramifié.
Et l’épaississement du film, notent les chercheurs, pourrait permettre un flux ramifié en trois dimensions, un phénomène qui a été supposé, mais n’a jamais été observé dans aucun contexte.
Il pourrait également être utilisé pour explorer d’autres phénomènes physiques, comme certains aspects de la relativité générale.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Les minces films de savon pourraient être façonnés en une variété de surfaces courbes pour étudier l’écoulement ramifié dans un espace courbe. De telles expériences dans l’espace courbe sont intimement liées à la relativité générale.
L’étude publiée dans Nature : Observation of branched flow of light et présentée sur ce même site : A laser show in a soap bubble.