Les femelles Hocheurs utilisent des "hommes de main" pour se protéger des prédateurs
Les cris d’alarme sont plutôt utiles dans le monde animal. Non seulement ils aident le groupe (qui comprend souvent les proches du lanceur d’alerte), mais ils aident également l’individu qui lance l’appel, en lui offrant une position plus privilégiée dans le groupe. Dans le cas des singes Hocheurs (Cercopithecus nictitans), les mâles, mais pas les femelles, possèdent de forts cris d’alarme qui servent à la fois d’avertissement et de moyen de dissuasion des prédateurs.
Image d’entête : femelle hocheur. (C.Kolopp/ WCS)
Des chercheurs du programme Congo de la Wildlife Conservation Society (WCS) et de la Fondation Nouabalé-Ndoki ont analysé comment ces singes utilisent ces cris non seulement pour réagir aux prédateurs, mais aussi pour interagir entre eux. Les résultats suggèrent que les femelles produisent des cris d’alarme principalement pour appeler les mâles et assembler un groupe de défense. Lorsque les femelles évaluent la nature de la menace et émettent des appels contre les prédateurs, les mâles cessent leur alarme. En d’autres termes, les femelles recrutent les mâles comme gardes engagés.
Les mâles, quant à eux, annoncent leur engagement en émettant des cris « pyow », qui servent de signature pour chaque mâle. Les mâles dont les cris contre les prédateurs sont plus efficaces acquièrent une solide réputation de bons défenseurs grâce aux caractéristiques (signature) de leur cri, tandis que ceux dont la réputation est moindre sont contraints de quitter le groupe plus tôt.
L’auteur principal, Frédéric Gnepa Mehon, du programme Congo de la WCS et de la Fondation Nouabalé-Ndoki, explique :
Nos observations sur d’autres hocheurs suggèrent que si les mâles ne s’avèrent pas être de bons protecteurs du groupe, ils doivent probablement le quitter plus tôt que les bons défenseurs. À ce jour, il n’est toujours pas clair si les femelles ont un mot à dire dans le choix du partenaire, mais nos résultats actuels suggèrent fortement cette possibilité.
Les chercheurs ont également observé un autre appel chez les mâles : un « kek ». Chaque fois que les chercheurs présentaient un modèle de léopard, les mâles utilisaient le « kek », ce qui n’est pas surprenant en soi, mais ce type de son n’a jamais été signalé dans les études précédentes. Cela suggère l’existence de dialectes et de variations culturelles au sein de différentes populations, une question âprement débattue dans la recherche animale.
En fin de compte, tout cela pourrait se résumer à une sélection sexuelle, déclare Claudia Stephan, coauteur de l’étude, du programme Congo de la Wildlife Conservation Society (WCS) et de la Fondation Nouabalé-Ndoki :
La sélection sexuelle pourrait jouer un rôle beaucoup plus important dans l’évolution des systèmes de communication qu’on ne le pensait jusqu’à présent. Dans un contexte phylogénétique, quelles stratégies ont finalement conduit à l’évolution de la communication chez les femelles et chez les mâles ? Pourrait-il même y avoir des parallèles entre les différentes stratégies de communication des singes femelles et mâles dans le langage humain ?
La façon dont les femelles manipulent les mâles et les convainquent d’offrir leur protection est remarquable. Mais aussi remarquables que soient ces interactions, les chercheurs pensent qu’il nous reste encore beaucoup à découvrir. Les mâles ont des répertoires vocaux plus complexes et pourraient transmettre encore plus d’informations.
L’étude publiée dans Royal Society Open Science : Female putty-nosed monkeys (Cercopithecus nictitans) vocally recruit males for predator defence et présentée sur le site de la Wildlife Conservation Society : Female Monkeys Use Males as “Hired Guns” for Defense Against Predators.