Un antibiotique de dernier recours fait éclater les bactéries multirésistantes comme des ballons
En appliquant des outils scientifiques modernes à un antibiotique découvert il y a 70 ans, les chercheurs ont révélé un mécanisme jusqu’alors inconnu qui permet de percer et de faire éclater les superbactéries ou Bactéries multirésistantes comme des ballons. De manière prometteuse, les scientifiques ont également démontré comment cette approche de l’élimination des bactéries peut être renforcée en l’associant à d’autres antibiotiques, ce qui pourrait constituer une nouvelle forme de défense contre les bactéries mortelles et résistantes aux médicaments.
Le médicament au centre de cette étude est la colistine, décrite pour la première fois en 1947 et devenue depuis un traitement de dernier recours pour les infections bactériennes devenues résistantes aux autres médicaments. La colistine est l’un des rares médicaments capables de combattre les superbactéries les plus mortelles, comme l’Escherichia coli, Pseudomonas aeruginosa et l’Acinetobacter baumannii, en perçant les deux membranes qui enveloppent la bactérie. Cependant, la manière dont elle y parvient n’est pas claire.
Image d’entête : la superbactérie Pseudomonas aeruginosa, qui peut provoquer des infections pulmonaires chez les personnes sous respirateur dans les unités de soins intensifs. (Imperial College London)
Les scientifiques savaient que le médicament pouvait pénétrer la membrane externe en ciblant une substance chimique appelée lipopolysaccharide (LPS). Le problème, c’est qu’il y a très peu de ce produit chimique dans la membrane interne, ce qui soulève des questions sur la façon dont la colistine est capable de trouver et de pénétrer.
Selon le Dr Andrew Edwards, de l’Imperial College de Londres, qui a dirigé les recherches :
Il semble évident que la colistine endommage les deux membranes de la même manière, mais on a toujours supposé que cette substance les endommageait de façon différente. Il y a si peu de LPS dans la membrane interne que cela ne semblait pas possible, et nous étions très sceptiques au début. Cependant, en changeant la quantité de LPS dans la membrane interne en laboratoire, et aussi en la modifiant chimiquement, nous avons pu montrer que la colistine perce réellement les deux peaux bactériennes de la même manière, et que cela tue la superbactérie.
La super-microbe Pseudomonas aeruginosa après avoir été » éclatée » par l’antibiotique colistine. (Imperial College London)
Forte de cette nouvelle compréhension du fonctionnement de la colistine, l’équipe a continué à chercher des moyens d’améliorer ses capacités à tuer les bactéries. Les scientifiques ont découvert qu’un antibiotique expérimental appelé murepavadine pouvait être utilisé pour augmenter les niveaux de LPS dans la peau interne de la bactérie Pseudomonas aeruginosa, ce qui permettait à la colistine de pénétrer beaucoup plus facilement et de tuer le microbe.
Bien que vieille de plusieurs décennies, la colistine ne fait que gagner en importance à mesure que les bactéries résistantes aux médicaments continuent d’évoluer et constituent une plus grande menace pour la vie humaine. En fait, l’Organisation mondiale de la santé l’a désignée comme l’un des « antimicrobiens d’importance critique les plus prioritaires », en raison de son rôle de médicament de dernier recours pour les patients gravement malades, et de nombreuses recherches sont menées pour renforcer ses défenses.
Selon Akshay Sabnis, auteur principal des travaux :
Alors que la crise mondiale de la résistance aux antibiotiques continue de s’accélérer, la colistine devient de plus en plus importante en tant que toute dernière option pour sauver la vie des patients infectés par des superbactéries. En révélant le mode d’action de cet ancien antibiotique, nous pourrions trouver de nouvelles façons de le rendre encore plus efficace pour tuer les bactéries, renforçant ainsi notre arsenal d’armes contre les superbactéries du monde entier.
L’étude publiée dans eLife : Colistin kills bacteria by targeting lipopolysaccharide in the cytoplasmic membrane et présentée sur le site de l’Imperial College London : ‘Last resort’ antibiotic pops bacteria like balloons.