Alors que notre planète se réchauffe, les lacs de la Terre perdent leur oxygène
Selon une nouvelle étude, la teneur en oxygène de nombreux lacs d’eau douce dans le monde diminue rapidement, plus vite encore que dans les océans, ce qui asphyxie la faune et menace les réserves d’eau potable. Depuis 1980, les niveaux d’oxygène ont diminué de 19 % dans les eaux profondes et de 5 % à la surface des lacs, soit 3 à 9 fois plus vite que dans les océans.
De précédentes études ont largement fait état de la baisse des niveaux d’oxygène dans l’océan en raison du changement climatique. Mais les lacs ont été largement ignorés, malgré leur importance tant pour la faune que pour les communautés humaines. Ils représentent 3 % de la surface terrestre de la planète mais abritent l’essentiel de la biodiversité mondiale, ce qui rend préoccupante toute altération due au changement climatique.
Selon Kevin Rose de l’Institut polytechnique Rensselaer (États-Unis) et coauteur de l’étude :
Toute vie complexe dépend de l’oxygène. C’est le système de soutien des réseaux alimentaires aquatiques. Et lorsque vous commencez à perdre de l’oxygène, vous risquez de perdre des espèces. Les lacs perdent de l’oxygène 2,75 à 9,3 fois plus vite que les océans, un déclin qui aura des répercussions sur l’ensemble de l’écosystème.
(Gretchen Hansen, Université du Minnesota)
Les chercheurs ont examiné l’effet de la baisse des niveaux d’oxygène sur les lacs, en analysant plus de 45 000 échantillons d’oxygène dissous et les tendances de température dans 393 lacs tempérés d’Amérique du Nord et d’Europe. Ils ont examiné les températures à la surface et en profondeur, ainsi que la concentration d’oxygène dissous. L’équipe a identifié la hausse des températures comme la principale cause de la perte d’oxygène dans les lacs, car les eaux plus chaudes ne peuvent pas retenir autant d’oxygène que celles qui sont plus froides.
La physique amplifie encore le problème. Lorsque l’eau se réchauffe, elle est plus légère et flotte vers la surface du lac. Cette eau plus chaude et plus pauvre en oxygène reste à la surface, tandis qu’une plus grande partie de la réserve d’oxygène tombe vers le fond.
Les chercheurs ont également observé un effet qui, à première vue, est une façon de le contrebalancer. Lorsque les lacs se réchauffent (et surtout s’ils sont également pollués par des eaux de ruissellement riches en nutriments), la prolifération de cyanobactéries devient plus probable. Ces bactéries produisent beaucoup d’oxygène par photosynthèse, mais ce n’est pas un processus très sain pour le lac.
Toujours selon Rose :
Le fait que nous observions une augmentation de l’oxygène dissous dans ces types de lacs est potentiellement un indicateur d’une augmentation généralisée de la prolifération des algues, dont certaines produisent des toxines et sont nocives. En l’absence de données taxonomiques, nous ne pouvons toutefois pas l’affirmer avec certitude, mais rien d’autre, à notre connaissance, ne peut expliquer cette tendance.
La concentration d’oxygène dans les systèmes aquatiques influence la biodiversité, la biogéochimie des nutriments, les émissions de gaz à effet de serre, la qualité de l’eau potable et, finalement, la santé humaine. De nombreuses espèces aquatiques ont besoin d’habitats bien oxygénés et d’eau fraîche pour survivre aux étés chauds. La perte d’oxygène dégrade la qualité de l’eau en favorisant la libération des nutriments accumulés dans les sédiments.
Selon l’auteur principal, Stephen Jane également de de l’Institut polytechnique Rensselaer :
Les lacs sont des indicateurs ou des « sentinelles » des changements environnementaux et des menaces potentielles pour l’environnement, car ils réagissent aux signaux émis par le paysage et l’atmosphère environnants. Nous avons constaté que ces systèmes, dont la biodiversité est disproportionnée, évoluent rapidement.
L’étude publiée dans Nature : Widespread deoxygenation of temperate lakes et présentée sur le site de l’Institut polytechnique Rensselaer : World’s Lakes Losing Oxygen Rapidly as Planet Warms.