Le changement climatique pourrait rendre les libellules mâles de moins en moins attirantes
Les mâles des libellules, comme ceux de nombreuses autres espèces, se donnent beaucoup de mal pour attirer de potentielles partenaires. Dans le cas des libellules, les mâles ont développé des taches de pigments foncés sur leurs ailes. Les chercheurs ont découvert que plus il fait chaud, plus les libellules sont susceptibles de perdre leurs taches colorées. Ainsi, le changement climatique pourrait rendre les mâles libellules de moins en moins attirants.
Image d’entête : La libellule lydienne (Plathemis lydia) est fréquemment observée par les pêcheurs à la ligne et les amoureux de la nature dans la région de St Louis. Cette libellule exprime des taches saturées de coloration de mélanine sombre. (B. Marlin/ Wikimedia Commons)
Michael Moore et ses collègues de l’université de Washington à St Louis (Etats-Unis) ont analysé des centaines de milliers d’enregistrements de libellules téléchargés sur la plateforme scientifique communautaire iNaturalist. Dans l’ensemble, les chercheurs ont examiné 319 espèces nord-américaines et les ont comparées aux climats d’origine des animaux. Ils ont constaté que plus le climat était chaud, plus les taches avaient tendance à disparaître. À l’inverse, les libellules des climats plus frais avaient souvent des taches plus sombres et plus élaborées.
Selon Moore, qui est chercheur au Living Earth Collaborative de l’université de Washington :
Notre étude montre que la pigmentation des ailes des libellules mâles évolue de manière si constante en fonction du climat qu’il s’agit de l’une des réponses évolutives les plus prévisibles jamais observées pour un trait lié à l’accouplement. Ces travaux révèlent que les caractéristiques liées à l’accouplement peuvent être tout aussi importantes pour l’adaptation des organismes à leur climat que les caractéristiques liées à la survie.
Comme c’est souvent le cas dans la nature, les caractéristiques liées à la reproduction ont un coût. Dans le cas présent, les taches sombres peuvent réchauffer les libellules de 2 °C, car les couleurs sombres absorbent davantage d’énergie solaire. Ainsi, dans les endroits déjà chauds, il devient de plus en plus difficile de conserver les taches sombres. À mesure que le changement climatique se poursuit et que les températures continuent d’augmenter, les chercheurs s’attendent à ce que les taches deviennent progressivement plus petites.
Libellule mâle Pachydiplax. (USFWS midwest/ Wikimedia)
Toujours selon Moore :
Étant donné que l’on s’attend à ce que notre planète continue à se réchauffer, nos résultats suggèrent que les libellules mâles pourraient éventuellement devoir s’adapter au changement climatique mondial en développant une coloration moins prononcée de leurs ailes.
Fait intriguant, les femelles ne semblent pas subir le même changement. Elles peuvent aussi avoir des taches colorées, mais celles-ci ne semblent pas diminuer dans les climats plus chauds. Cela pourrait poser encore plus de problèmes à l’avenir, car cela suggère que le changement climatique ne rendra pas seulement les mâles moins attrayants, mais qu’il pourrait rendre les femelles incapables de reconnaître les mâles de leur propre espèce, ce qui pourrait même les amener à s’accoupler avec la mauvaise espèce.
Contrairement aux mâles, les femelles libellules ne montrent aucun changement majeur dans la façon dont la coloration de leurs ailes évolue avec le climat actuel. Nous ne savons pas encore pourquoi les mâles et les femelles sont si différents, mais cela montre que nous ne devons pas supposer que les deux sexes s’adapteront de la même manière au changement climatique.
Ces résultats illustrent les défis parfois inattendus auxquels les créatures sont confrontées lorsque le climat de la planète continue de se réchauffer. Même les libellules, les prédateurs les plus efficaces du règne animal, ne sont pas épargnées par les effets, aucune créature ne l’est.
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : Sex-specific ornament evolution is a consistent feature of climatic adaptation across space and time in dragonflies et présentée sur le site de l’Université de Washington à St Louis: Male dragonflies lose their ‘bling’ in hotter climates.