Sur l’origine de la première extinction massive d’espèces
Il y a près de 500 millions d’années, à la fin de la période ordovicienne, une extinction majeure a anéanti 85 % des espèces marines. Les scientifiques ont maintenant utilisé une modélisation pour déterminer la cause de cette perte de vies colossale, et ils pensent qu’elle est due à un refroidissement du climat.
Image d’entête : fossiles de brachiopodes de l’Ordovicien affleurant sur l’île d’Anticosti, Québec, Canada. (André Desrochers, Université d’Ottawa)
Au cours des 500 derniers millions d’années, la planète a connu cinq extinctions massives, au cours desquelles 75 % ou plus des espèces ont disparu. Les fossiles nous apprennent que la première, l’extinction Ordovicien-Silurien, s’est produite il y a 440 millions d’années.
Selon le coauteur de l’étude, Seth Finnegan, de l’université de Californie à Berkeley :
Si vous aviez fait de la plongée en apnée dans une mer ordovicienne, vous auriez vu des groupes familiers comme les palourdes, les escargots et les éponges, mais aussi de nombreux autres groupes dont la diversité est aujourd’hui très réduite, voire totalement éteinte, comme les trilobites, les brachiopodes et les crinoïdes.
Mais au cours de cette extinction, des espèces n’ont pas disparu comme les dinosaures sous l’impact d’un astéroïde. Au contraire, elles se sont éteintes sur une période allant jusqu’à deux millions d’années.
Quelle en est donc la cause ? La plupart des recherches suggèrent que l’extinction était liée à un refroidissement du climat ou à des changements dans l’oxygénation de l’océan (bien qu’une étude suppose qu’elle a été déclenchée par un sursaut gamma).
Aujourd’hui, des chercheurs français et américains ont examiné l’environnement océanique avant, pendant et après l’extinction pour découvrir ce qui se tramait.
Dans une étude publiée cette semaine (lien plus bas), l’équipe a mesuré la concentration en iode des roches carbonatées de l’Ordovicien, qui a servi d’indicateur des concentrations d’oxygène à différentes profondeurs de l’océan.
Des chercheurs examinent un affleurement de la période ordovicienne sur le littoral de l’île d’Anticosti, Québec, Canada. (André Desrochers/ Université d’Ottawa)
Ils ont ensuite intégré ces données géochimiques dans des simulations numériques et des modélisations informatiques afin d’examiner comment les niveaux d’oxygène ont évolué dans l’océan à cette époque.
Il s’avère que rien ne prouve que l’oxygène ait diminué pendant cette période dans l’environnement marin peu profond où vivaient la plupart des animaux. Selon l’équipe, cela exclut la diminution de l’oxygénation comme cause unique de l’extinction massive de l’Ordovicien.
Elle suggère plutôt que le refroidissement du climat était probablement le principal responsable.
Mais, fait intéressant, la recherche montre également qu’au même moment, l’oxygène a augmenté dans les océans plus profonds. Ce phénomène ne peut être expliqué par le modèle classique de l’oxygène océanique, selon l’auteur principal Alexandre Pohl de l’Université Bourgogne Franche-Comté en France qui ajoute :
L’oxygénation de l’océan supérieur en réponse au refroidissement était prévue, car l’oxygène atmosphérique se dissout préférentiellement dans les eaux froides. Cependant, nous avons été surpris de constater une anoxie étendue (manque d’oxygène) dans la partie inférieure de l’océan, car l’anoxie dans l’histoire de la Terre est généralement associée au réchauffement climatique induit par le volcanisme.
Fossiles provenant de l’affleurement de la période ordovicienne sur l’île d’Anticosti, Québec, Canada. (André Desrochers/ Université d’Ottawa)
Pohl et son équipe suggèrent que l’anoxie en eaux profondes a été provoquée lorsque le refroidissement global a modifié les modèles de circulation océanique, stoppant le flux d’eau riche en oxygène des eaux peu profondes vers les eaux profondes.
Selon le coauteur Zunli Lu, professeur de sciences de la terre et de l’environnement à l’université de Syracuse, dans l’État de New York :
Pendant des décennies, le courant de pensée dominant dans notre domaine est que le réchauffement climatique fait perdre de l’oxygène aux océans et a donc un impact sur l’habitabilité marine, ce qui peut déstabiliser l’ensemble de l’écosystème.
Ces dernières années, des preuves de plus en plus nombreuses indiquent plusieurs épisodes de l’histoire de la Terre au cours desquels les niveaux d’oxygène ont également chuté dans des climats en refroidissement.
L’étude publiée dans Nature Geoscience : Vertical decoupling in Late Ordovician anoxia due to reorganization of ocean circulation et présentée sur le site de l’Université Syracuse : Uncovering the Secrets Behind Earth’s First Major Mass Extinction.