Les stimulations électriques d’un implant cérébral contrôlé par ordinateur améliorent les capacités mentales dans un essai sur l’humain
Une étude pilote historique a démontré comment un implant cérébral peut délivrer des salves ciblées de stimulation électrique pour améliorer les fonctions cognitives. L’implant détecte en temps réel les biomarqueurs (indices biologiques) électriques des déficits cognitifs et réagit en stimulant des régions spécifiques du cerveau.
Cette nouvelle étude (lien plus bas), est l’aboutissement d’années de travail sur les parties du cerveau responsables du contrôle cognitif. Les déficiences du contrôle cognitif se retrouvent dans un certain nombre de troubles mentaux, de la dépression au Trouble obsessionnel compulsif (TOC).
Ces déficits du contrôle cognitif se manifestent par des processus de pensée inflexibles. Alik Widge, de la faculté de médecine de l’université du Minnesota (Etats-Unis), explique que l’incapacité à passer facilement d’un processus de pensée à un autre est une caractéristique clé de nombreuses maladies mentales.
Selon Alik Widge :
Par exemple, une personne souffrant de dépression n’arrive pas à se défaire d’une pensée négative « bloquée”. Parce qu’elle est si centrale dans les maladies mentales, trouver un moyen de l’améliorer pourrait être un nouveau et puissant moyen de traiter ces maladies.
Une étude menée en 2019 par Widge et ses collègues a révélé que la stimulation électrique des zones de la capsule interne ventrale/du striatum ventral (VCVS pour ventral internal capsule/ventral striatum) du cerveau pouvait améliorer le contrôle cognitif. Les précédents résultats ont non seulement démontré que la stimulation cérébrale profonde des régions VCVS améliorait le contrôle cognitif lorsque les participants étaient soumis à un test de contrôle cognitif, mais ils ont également identifié des biomarqueurs neuronaux spécifiques qui correspondaient à des améliorations cliniques.
Vue d’ensemble des principaux circuits des ganglions de la base. Le striatum est représenté en bleu. (Mikael Häggström/ Wikimedia)
À partir de ces premiers résultats, les chercheurs ont mis au point un algorithme capable de détecter, en temps réel, le moment où le cerveau éprouve des difficultés à effectuer des tâches de contrôle cognitif. Lorsque des défaillances du contrôle cognitif sont détectées, le système délivre de courtes impulsions électriques aux régions de la VCVS, ce qui améliore rapidement les performances du contrôle cognitif.
Toujours selon Widge :
Ce système peut lire l’activité cérébrale, « décoder » à partir de là le moment où un patient éprouve des difficultés, et appliquer une petite impulsion de stimulation électrique au cerveau pour lui permettre de surmonter cette difficulté. L’analogie que j’utilise souvent est celle d’un vélo électrique. Lorsque quelqu’un pédale mais éprouve des difficultés, le vélo le détecte et apporte une aide supplémentaire. Nous avons créé l’équivalent de cela pour la fonction mentale humaine.
L’étude pilote testant ce système expérimental a recruté 12 sujets subissant une opération du cerveau pour une épilepsie. Quelques-uns des patients de l’étude ont indiqué que la stimulation avait soulagé leurs symptômes d’anxiété, mais M. Widge est clair : cette recherche ne peut porter que sur l’amélioration du contrôle cognitif et des travaux supplémentaires sont nécessaires avant que des essais cliniques puissent commencer à tester ce type d’implant cérébral invasif sur des sujets souffrant de graves troubles anxieux.
Il reste encore beaucoup à faire, et il est clair qu’il ne s’agit PAS d’un traitement pour tous les cas de dépression, d’anxiété, de troubles obsessionnels compulsifs ou autres, mais nous pensons qu’il s’agit d’un grand pas en avant vers la stimulation cérébrale profonde axée sur les mécanismes. Il ne s’agissait pas d’un essai clinique, mais quelques patients présentaient une anxiété importante, et le fait de stimuler le contrôle cognitif leur a permis de se concentrer loin de ce monologue intérieur anxieux.
Ces nouvelles recherches sont parmi les premières à démontrer qu’un implant cérébral peut détecter les signes d’un déficit cognitif en temps réel et répondre par une stimulation ciblée pour rétablir une activité neuronale normale. Ce type d’implant est connu sous le nom de contrôle en boucle fermée. Il est similaire à la manière dont certains stimulateurs cardiaques maintiennent un rythme cardiaque optimal en stimulant le cœur en réponse à la détection d’une activité irrégulière.
Ces types d’implants de stimulation cérébrale en boucle fermée ont été utilisés par le passé pour détecter et traiter les crises d’épilepsie, mais le défi auquel les chercheurs ont été confrontés lors de la mise au point de systèmes similaires pour les maladies mentales est l’absence de biomarqueurs neuronaux explicites responsables d’affections profondes et multiformes telles que la dépression ou l’anxiété.
Cette nouvelle recherche indique que les déficits de contrôle cognitif sont communs à de nombreux troubles mentaux, que ces déficits sont facilement mesurables à l’aide de tests de contrôle cognitif et qu’il existe des signatures électrophysiologiques claires qui correspondent à ces déficits. Widge et son équipe spéculent de manière ambitieuse que ce type de traitement pourrait être utile pour une variété de maladies psychiatriques.
Les chercheurs de conclure dans leur nouvelle étude :
Le même cadre pourrait également être appliqué à d’autres problèmes cognitifs ou émotionnels, par exemple, le suivi et l’amélioration de l’apprentissage ou la dérégulation des émotions. Bien que des lacunes technologiques substantielles subsistent avant que ces résultats puissent être directement appliqués en clinique, et que la base de données probantes doit être établie pour la cognition en tant qu’objectif principal du traitement, nos résultats pourraient être la base d’une approche hautement spécifique pour l’intervention dans les maladies neuropsychiatriques humaines.
L’étude publiée dans Nature Biomedical Engineering : Closed-loop enhancement and neural decoding of cognitive control in humans et présentée sur le site de l’École de médecine de l’Université du Minnesota : Researchers boost human mental function with brain stimulation.