Une fascinante relation symbiotique permet à ces fourmis de "soigner" leur arbre blessé
L’impact accidentel d’une bille lancée par une fronde sur un arbre Cecropia au Panama a permis de faire une surprenante découverte à savoir que les fourmis Azteca alfari, qui vivent à l’intérieur de ces arbres, sont souvent prêtes à réparer les dommages causés à leurs demeures vivantes.
Image d’entête : fourmi Azteca alfari photographiée au Panama. (Bruno de Medeiros/ iNaturalist)
Lorsque le lycéen Alex Wcislo a lancé une bille d’argile de 9 mm à travers l’arbre, laissant des « blessures » d’entrée et de sortie nettes, il ne s’attendait pas à ce que les trous soient presque entièrement réparés au bout de 24 heures. Wcislo et cinq de ses amis étudiants ont donc mené d’autres expériences, en perçant des trous dans d’autres arbres pour voir comment ils seraient réparés.
Les 5 lycéens curieux lors de leurs investigations. (Donna Conlon/ Smithsonian)
Bien sûr, les réparations par les fourmis se sont produites à maintes reprises. Les expériences ont ensuite été rédigées et publiées dans le cadre du programme de volontariat du Smithsonian Tropical Research Institute (STRI) au Panama.
Selon l’éthologue William Wcislo, du STRI :
J’ai été totalement surpris par les résultats. Et j’ai été impressionné par la façon dont les étudiants ont développé un moyen simple de tester l’idée que les fourmis réparent les dommages causés à leur habitation.
La relation symbiotique ou mutuellement bénéfique entre les fourmis aztèques et les arbres qui les accueillent est déjà bien établie : les fourmis font de leur mieux pour défendre les arbres contre les herbivores, reçoivent des sécrétions huileuses nutritives des feuilles pour se nourrir et s’abritent dans les tiges creuses en retour.
Ce qui est nouveau ici, c’est l’observation que les insectes réparent également les dommages causés à leurs camarades arbres si cet abri est menacé. D’après les nouvelles recherches, cela semble se produire le plus souvent lorsque le couvain (œufs, larves et pupes) d’une colonie est menacé.
Les réparations sont effectuées à l’aide de matériaux trouvés dans la tige de la plante elle-même, mais cela ne se produit pas dans tous les cas. En fait, les réparations n’ont été effectuées que sur 14 des 22 trous percés. Comprendre pourquoi c’est le cas pourrait faire l’objet de recherches supplémentaires.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Le raisonnement derrière le comportement de réparation des trous pourrait être qu’un trou dans la paroi expose les stades immatures vulnérables des fourmis à des agents pathogènes externes, à des prédateurs ou à des changements dans d’autres paramètres environnementaux.
Après s’être introduites dans les Cecropia, les fourmis aztèques referment certains de leurs points d’entrée, ce qui accrédite l’idée que les réparations qu’elles effectuent sur les troncs servent davantage à leur propre bien-être qu’à celui de l’arbre lui-même.
Une reine Azteca alfari vole dans la forêt à la recherche du parfait jeune Cecropia pour fonder son empire. Elle se pose sur l’arbre et, dans un élan volontaire, déploie ses ailes au vent. Elle se met alors immédiatement au travail en creusant une cavité peu profonde et prédéfinie destinée à l’excavation des fourmis, appelée prostome, pour pénétrer dans la tige creuse. Une fois à l’intérieur, elle gratte le tissu parenchyme blanc et spongieux qui recouvre l’intérieur de l’entre-nœud et l’utilise pour boucher le trou. Elle va pondre des œufs et s’occuper des larves jusqu’à ce que les premières ouvrières émergent et rouvrent le trou. (AztecaCecropia)
Cette hypothèse est confirmée par les observations faites au cours des expériences : les fourmis évacuent leur couvain avant de commencer les réparations. Il est possible que lorsque les réparations ne sont pas effectuées, cela soit dû au fait que les membres vulnérables de la colonie ne sont pas directement menacés.
L’équipe ne peut cependant pas exclure la possibilité que l’arbre bénéficie du comportement de ces fourmis, comme des sécrétions antimicrobiennes autour de sa blessure.
Et si les billes de frondes ne sont généralement pas un problème pour les Cecropia, les trous laissés par les ongles des paresseux et des fourmiliers le sont souvent, ce qui pourrait expliquer pourquoi les fourmis qu’ils hébergent ont évolué pour se comporter de cette manière.
Selon Alex Wcislo, qui étudie à l’école internationale de Panama :
Ce projet nous a permis d’expérimenter directement toutes les subtilités qui se cachent derrière une étude scientifique. Dans l’ensemble, c’était une excellente expérience d’apprentissage, surtout si l’on considère les difficultés associées à la réalisation de ce projet en raison du COVID-19.
L’étude publiée dans le Journal of Hymenoptera Research : Azteca ants repair damage to their Cecropia host plants et présentée sur le site du Smithsonian : Accidental Slingshot Wound to a Tree Reveals Unexpected Ant Behavior.