Des humains se sont aventurés sur le territoire des Néandertaliens bien plus tôt qu’on ne le pensait
Jusqu’à présent, les découvertes archéologiques suggéraient que les Néandertaliens avaient disparu d’Europe il y a environ 40 000 ans, peu après l’arrivée des Homo sapiens, avec peu de preuves de rencontres entre les deux groupes. Mais une nouvelle étude prouve le contraire, en montrant que l’Homo sapiens s’est aventuré en Europe bien plus tôt qu’on ne le pensait, au cœur du territoire néandertalien.
Image d’entête, à partir de l’étude : quelques-unes des dents trouvées dans la grotte Mandrin, six appartiennent à des Néandertaliens et les chercheurs en ont trouvé une d’un enfant humain moderne. (Ludovic Slimak et col./ Science Advances)
La découverte d’une dent d’enfant et de centaines d’outils en pierre dans une grotte en France par un groupe d’archéologues et de paléoanthropologues repousse l’arrivée de l’Homo sapiens à environ 54 000 ans. L’étude a également montré que les deux types d’humains vivaient en alternance dans la grotte Mandrin, située dans la région du Rhône en France.
Selon Chris Stringer, du Musée d’histoire naturelle de Londres et coauteur de l’étude :
Nous avons souvent pensé que l’arrivée des humains modernes en Europe avait entraîné la disparition assez rapide des Néandertaliens, mais ces nouvelles preuves suggèrent que l’apparition des humains modernes en Europe et la disparition des Néandertaliens sont beaucoup plus complexes que cela.
Depuis 1990, l’équipe de chercheurs, dirigée par Ludovic Slimak de l’Université de Toulouse (CNRS/ France), étudie soigneusement les sédiments du sol de la grotte. Selon eux, le site constitue un point stratégique dans le paysage, car le Rhône coule dans un étroit passage entre deux chaînes de montagnes. Les habitants du site auraient eu une vue dégagée sur les troupeaux d’animaux, aujourd’hui remplacés par des trains et une autoroute.
A partir de l’étude : emplacement de l’abri sous roche, la grotte Mandrin, surplombant la vallée du Rhône. (C) Vue de l’arrière de l’abri. (Ludovic Slimak, CNRS)
Les chercheurs ont maintenant découvert des centaines de milliers d’objets qu’ils attribuent soit aux humains modernes, soit aux Néandertaliens. Il s’agit notamment de pointes de pierre triangulaires utilisées par les Homo sapiens pour couper ou gratter et comme pointes de lance.
A partir de l’étude : quelques-uns des outils en pierre découverts dans la grotte Mandrin. (Ludovic Slimak et col./ Science Advances)
Des outils similaires datant de la même période ont été découverts à 3 000 kilomètres de là, dans l’actuel Liban.
Des restes dentaires d’au moins sept individus répartis sur 12 couches archéologiques ont également été découverts dans la grotte. Les chercheurs ont identifié six de ces individus comme étant des Néandertaliens. Mais il y a eu une surprise. Dans une couche située entre les couches néandertaliennes, l’équipe a trouvé un fossile dentaire d’un enfant humain moderne, âgé de 2 à 6 ans.
Bien qu’ils n’aient pas pu trouver de preuves d’échanges culturels entre les humains modernes et les Néandertaliens qui se sont succédé dans la grotte, la succession des occupants est significative en soi. C’est la première fois que l’on trouve des preuves que les deux groupes vivaient au même endroit. Selon l’étude, ils se sont succédé assez rapidement, voire brusquement, à au moins deux reprises.
Comprendre l’histoire humaine est un processus délicat, mais important. Les humains modernes sont originaires d’Afrique et ils ont entrepris leur première migration il y a entre 50 000 et 70 000 ans. D’anciens hominidés existaient et coexistaient avant l’émergence de l’Homo sapiens. Certains de ces groupes sont identifiés par des fossiles, d’autres par leur héritage génétique.
De nombreuses questions subsistent désormais après cette étude. Les humains modernes ont-ils eu une relation avec les Néandertaliens, en échangeant des informations par exemple ? Se sont-ils croisés à un moment donné ? Comment les humains modernes ont-ils appris à connaître les outils en pierre en si peu de temps ?
Selon Stringer :
Ces découvertes sont vraiment passionnantes et constituent une autre pièce du puzzle qui explique comment et quand les humains modernes sont arrivés en Europe. Il est essentiel de mieux comprendre le chevauchement entre les humains modernes et les autres hominidés d’Eurasie pour mieux comprendre leurs interactions, et comment nous sommes devenus la dernière espèce humaine.
L’étude publiée dans Science Advances : Modern human incursion into Neanderthal territories 54,000 years ago at Mandrin, France et les chercheurs décrivent leurs travaux dans The Conversation : New research suggests modern humans lived in Europe 10,000 years earlier than previously thought, in Neanderthal territories.