Première preuve directe de la violente désintégration d’une planète par une étoile naine blanche
Le destin de la plupart des étoiles, y compris notre propre Soleil, est de devenir une naine blanche, une étoile qui a brûlé tout son combustible et s’est débarrassée de ses couches externes, détruisant souvent ses corps orbitaux au passage. Plus de 300 000 étoiles naines blanches ont été découvertes rien que dans notre galaxie, et les chercheurs soupçonnent depuis longtemps que nombre d’entre elles se « nourrissent » des débris épars de planètes et d’autres objets qui étaient autrefois en orbite autour d’elles.
Mais jusqu’à récemment, il n’y avait que des preuves indirectes pour soutenir cette théorie.
Aujourd’hui, pour la première fois, des chercheurs peuvent confirmer que les restes de planètes en cours de désintégration sont effectivement destinés à être engloutis par les étoiles mourantes qui les maintenaient autrefois dans leur orbite.
Les résultats, publiés cette semaine (lien plus bas), constituent la première mesure directe d’une telle accrétion de matière rocheuse dans une naine blanche.
Image d’entête : représentation artistique de la naine blanche G29-38, accrétant du matériel planétaire provenant d’un disque de débris circumstellaire. Lorsque le matériau planétaire heurte la surface de la naine blanche, un plasma se forme et se refroidit via une émission de rayons X détectable. (Université de Warwick/ Mark Garlick)
Des astronomes de l’Université de Warwick, au Royaume-Uni, ont utilisé des rayons X pour détecter la collision et la consommation de matériaux rocheux et gazeux provenant d’un système planétaire en effondrement avec la naine blanche en son centre, observant la mort du système quelques milliards d’années après sa formation initiale. C’est la première fois que des astronomes ont vu la matière être réellement attirée dans l’étoile.
Depuis plusieurs décennies, les astronomes utilisent la spectroscopie aux longueurs d’onde optiques et ultraviolettes pour mesurer l’abondance des éléments à la surface des étoiles naines blanches, et en déduire la composition des objets dont elles sont issues. Grâce à ces observations spectroscopiques indirectes, les astronomes ont pu constater qu’entre un quart et la moitié de toutes les naines blanches observées ont des éléments lourds tels que le fer, le calcium et le magnésium polluant leur atmosphère, qui étaient supposés provenir des corps planétaires qu’elles engloutissaient.
Selon le Dr Tim Cunningham, du département de physique de l’université de Warwick :
Jusqu’à présent, les chercheurs se sont appuyés sur des modèles numériques qui calculent la vitesse à laquelle un élément s’enfonce de l’atmosphère dans l’étoile, ce qui permet de connaître la quantité qui tombe dans l’atmosphère en tant que taux d’accrétion. On peut alors travailler à rebours et déterminer quelle quantité d’un élément se trouvait dans le corps parent, qu’il s’agisse d’une planète, d’une lune ou d’un astéroïde.
Le fait d’avoir enfin une confirmation directe de la théorie est passionnant, déclare Cunningham, notant que le degré de congruence entre les modèles établis et les nouvelles observations est « remarquable ».
Le recours aux rayons X fut déterminant pour ces nouvelles observations. Lorsque les débris de planètes en décomposition sont attirés vers une naine blanche, la vitesse à laquelle ils se heurtent à la surface de l’étoile génère un plasma chauffé par choc. Ce plasma, dont la température se situe entre 100 000 et 1 millions de degrés, se dépose ensuite sur la surface et, en se refroidissant, émet des rayons X. Mais la détection de ces rayons X est difficile.
Il existe un certain nombre de sources lumineuses de rayons X dispersées dans notre ciel, et il peut être difficile de filtrer la très petite quantité qui nous parvient de lointaines naines blanches.
Pour s’attaquer à cette tâche, les astronomes se sont tournés vers l’observatoire de rayons X Chandra, un télescope satellite actuellement en orbite autour de la Terre et normalement utilisé pour détecter les rayons X des trous noirs et des étoiles à neutrons en accrétion. Cette fois, ils l’ont utilisé pour analyser la naine blanche voisine G29-38.
Grâce à la résolution angulaire améliorée de Chandra par rapport à d’autres télescopes, ils ont pu isoler l’étoile ciblée d’autres sources de rayons X. Ils ont ensuite observé, pour la première fois, la naine blanche G29-38.
Selon Cunningham :
Ce qui est vraiment passionnant dans ce résultat, c’est que nous travaillons dans une longueur d’onde différente, les rayons X, et que cela nous permet de sonder un type de physique complètement différent.
Cette détection fournit la première preuve directe que les naines blanches accrètent actuellement les restes d’anciens systèmes planétaires. Sonder l’accrétion de cette manière fournit une nouvelle technique qui nous permet d’étudier ces systèmes, offrant un aperçu du destin probable des milliers de systèmes exoplanétaires connus, y compris notre propre système solaire.
L’étude publiée dans Nature : A white dwarf accreting planetary material determined from X-ray observations et présentée sur le site de l’Université de Warwick : Final moments of planetary remnants seen for first time.