À travers le monde, les plus pauvres souffrent également de la pollution des cuisines, en particulier les femmes
Selon une nouvelle étude, les cuisines des foyers à faibles revenus des grandes villes du monde sont confrontées à un gros problème de pollution atmosphérique invisible, due notamment au choix des combustibles, à une mauvaise ventilation et à la façon dont les aliments sont cuits. Les chercheurs ont découvert que les trois quarts des cuisines des foyers à faibles revenus de 12 villes sont fortement polluées par les émissions de cuisson, ce qui fait craindre que des milliards de personnes dans le monde soient touchées par le même phénomène.
Image d’entête : une habitante de Dhaka, au Bangladesh cuisinant. C’est dans les cuisines de Dhaka que les chercheurs ont détecté les pires niveaux de pollution atmosphérique. (Dhaka Tribune)
Dans le monde, plus de 4 millions de personnes meurent prématurément de maladies liées à la pollution de l’air intérieur due à des pratiques de cuisson inappropriées, un chiffre étonnamment élevé pour un phénomène aussi courant. Les humains passent environ 80 % de leur temps à l’intérieur, de sorte que la gestion de la pollution intérieure est devenue un besoin essentiel pour protéger la santé humaine. Il s’agit également d’une cible incluse dans les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies.
Il est prouvé que les concentrations de polluants atmosphériques à l’intérieur dépassent largement celles de l’extérieur en raison du confinement, ce qui multiplie par 100 le risque d’absorption des polluants intérieurs dans les poumons. L’exposition à des niveaux élevés de pollution atmosphérique est liée à de nombreux effets néfastes sur la santé, tels que les maladies cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux.
Pour de nombreux pays à revenu faible ou moyen, l’amélioration des normes de logement est devenue une priorité pour lutter contre la pollution atmosphérique, des études ayant montré une forte augmentation des particules. Les initiatives comprennent l’utilisation de fourneaux améliorés, tels que des cuisinières électroniques, et de combustibles propres afin de préserver la santé humaine et l’environnement.
Aujourd’hui, pour la première fois, des chercheurs ont procédé à une évaluation mondiale afin de mieux comprendre l’exposition aux particules. Leur étude portait sur un échantillon relativement restreint : 60 foyers dans 12 villes réparties sur quatre continents. Ils ont procédé à une surveillance des particules afin de produire un ensemble de données comparables, en utilisant une méthodologie unifiée.
Cuisine et cuisinières en Inde. (Michael Foley)
Selon Prashant Kumar du Global Centre for Clean Air Research de l’Université de Surrey (Angleterre) et premier auteur de l’étude :
Il existe un écart de richesse notable en ce qui concerne la qualité de l’air intérieur, ainsi qu’un écart entre les sexes, les femmes étant généralement touchées de manière disproportionnée par la pollution causée par la cuisson, en particulier dans les pays en développement. Il faut s’attaquer à ce problème pour améliorer la santé et l’égalité.
Les pires niveaux de pollution atmosphérique ont été relevés à Dhaka, au Bangladesh, où les cuisines sont généralement petites et où les gens cuisinent pendant de longues périodes, faisant parfois frire les aliments, le mode de cuisson qui émet le plus de particules polluantes. En revanche, l’air le plus pur des sites étudiés a été trouvé à Medellin, en Colombie, où les cuisines sont plus grandes et où les gens utilisent des combustibles de cuisson “propres”.
A partir de l’étude : carte de localisation indiquant les 12 villes étudiées où les maisons à faible revenu de chaque ville ont été contrôlées. Le diagramme circulaire montre la proportion de la population urbaine (%) ayant une dépendance primaire aux combustibles et aux technologies pour la cuisson dans chaque pays étudié. (Prashant Kumar et col./ Environment International)
Il s’est avéré que la cuisson au charbon de bois était à l’origine des plus hauts niveaux de pollution dans les cuisines, soit 3 fois plus que la cuisson au gaz de pétrole liquéfié (GPL). Le mode de cuisson fait également la différence : les habitants de Dhaka ou de Nairobi passent plus de 40 % de leur temps à faire des fritures, tandis que ceux du Caire préfèrent faire bouillir et mijoter leurs aliments.
Pour les chercheurs, la meilleure stratégie pour réduire l’exposition à la pollution atmosphérique pendant la cuisson est d’éliminer les émissions à la source, en utilisant des moyens durables tels que les fourneaux solaires. Toutefois, comme un tel changement serait progressif, ils ont dressé une liste de recommandations fondées sur les résultats de l’étude et donc sur des preuves.
Par exemple, l’utilisation de ventilateurs d’extraction peut réduire l’exposition aux particules en suspension PM2,5, d’environ 2,3 fois par rapport à la ventilation naturelle. De même, l’utilisation de combustibles de cuisson plus propres, comme le gaz naturel ou le GNL, au lieu du charbon de bois, peut faire une grande différence, tout comme le fait d’éviter l’occupation passive, le fait de rester dans la cuisine pendant la cuisson, de minimiser les temps de cuisson et de repenser les méthodes de cuisson.
Résumé graphique de l’étude. (Prashant Kumar et col./ Environment International)
Kuma de conclure :
Améliorer la circulation de l’air, utiliser des combustibles plus propres, des filtres de hottes de cuisine et frire moins sont autant de moyens de réduire la pollution que les gens respirent en cuisinant. Dans le monde entier, les cuisines sont souvent le lieu de rassemblement, mais ces résultats suggèrent que les cuisiniers devraient décourager la famille et les amis d’être présents lorsqu’ils cuisinent.
L’étude publiée dans la revue Environment International : In-kitchen aerosol exposure in twelve cities across the globe et présentée sur le site de l’Université de Surrey : World’s vulnerable are being polluted in their own homes as they cook, finds new Surrey study. L’étude faisait partie des projets Clean-Air Engineering for Homes (CArE-Homes) et Knowledge Transfer and Practical application of research on Indoor Air Quality (KTP-IAQ).
Que les cuisines soient polluantes, soit. Que les femmes y soient plus exposées, c’est très probable. Mais prétendre assurer une égalité homme-femme en améliorant les modes de cuisson est absurde. L’inégalité vient de ce que les hommes ne font pas la cuisine, on peut tout autant (voire mieux) assurer l’égalité en poussant les hommes à faire la cuisine!
Autrement dit, la dépollution des cuisines arbore un drapeau égalitaire, mais c’est un faux drapeau: l’argument est fondamentalement sexiste dans la mesure où il présume que ce sont nécessairement les femmes qui sont aux fourneaux, et qui y resteront.