La plus lointaine exoplanète découverte par Kepler se révèle être un sosie de Jupiter
Une exoplanète située à 17 000 années-lumière de la Terre s’est cachée dans les données recueillies par le télescope spatial Kepler, aujourd’hui à la retraite.
Il s’agit du monde le plus éloigné jamais repéré par l’observatoire chasseur de planètes, soit deux fois la distance de son précédent record. Fait fascinant, l’exoplanète est presque une jumelle exacte de Jupiter, de masse similaire, et orbitant à presque la même distance que celle de Jupiter par rapport au Soleil.
Image d’entête : la vue de la région proche du centre galactique où la planète a été trouvée. Les deux images montrent la région telle que vue par Kepler (à gauche) et par le télescope Canada-France-Hawaii (TCFH) depuis le sol. La planète n’est pas visible, mais sa gravité a affecté la lumière observée d’une faible étoile au centre de l’image (encerclée). (Université de Manchester)
Nommée K2-2016-BLG-0005Lb, elle représente la première exoplanète confirmée à partir d’une série de données de 2016 qui a détecté 27 objets possibles en utilisant une technique appelée microlentille gravitationnelle plutôt que la méthode de détection primaire de Kepler.
Selon l’astronome Eamonn Kerins de l’université de Manchester :
Kepler n’a jamais été conçu pour trouver des planètes par microlentille et, à bien des égards, il est étonnant qu’il y soit parvenu.
La télescope spatial Kepler a joué un rôle déterminant dans l’ouverture du champ de l’astronomie exoplanétaire. Lancé en 2009, il a passé près de 10 ans à rechercher des planètes situées en dehors du système solaire, ou exoplanètes. Durant cette période, ses observations ont révélé plus de 3 000 exoplanètes confirmées et 3 000 autres candidates.
Sa technique est ingénieuse et faussement simple. Kepler a fixé des champs d’étoiles, et il a été optimisé pour détecter les faibles et régulières variations de la lumière des étoiles qui suggèrent qu’une exoplanète est en orbite autour d’une étoile. C’est ce qu’on appelle la méthode du transit, qui permet de trouver de grandes exoplanètes en orbite autour de leur étoile.
Le transit, une méthode de détection des planètes lorsqu’elles passent devant leur étoile, en diminuant la luminosité de cette dernière. (NASA)
La méthode de la microlentille gravitationnelle est un peu plus délicate, car elle fait appel à une bizarrerie de la gravité et à un alignement fortuit. La masse d’un corps tel qu’une planète crée une courbure gravitationnelle de l’espace-temps autour d’elle. Si cette planète passe devant une étoile, l’espace-temps courbé agit comme une loupe qui fait briller très faiblement et brièvement la lumière de l’étoile.
Exemple schématisé du phénomène de lentille gravitationnelle : par exemple, un amas de galaxies, au centre de l’image, déforme par sa masse la lumière et la toile de l’espace-temps, représenter par la grille bleue. Ainsi, du point de vue de la Terre, en bas à droite, cette courbure de l’espace-temps crée un effet de loupe qui permet de grossir les galaxies se trouvant plus loin derrière l’amas de galaxies entrainant l’effet de lentille gravitationnelle. (Hubble/ Acv)
La microlentille gravitationnelle est très efficace pour trouver des exoplanètes très éloignées de la Terre, orbitant autour de leur étoile à des distances assez grandes, jusqu’à des planètes de très faible masse. L’exoplanète galactique la plus éloignée découverte à ce jour a été détectée par microlentille, un monde de masse terrestre situé à 25 000 années-lumière.
Comme Kepler est optimisé pour détecter les changements dans la lumière des étoiles, une équipe de chercheurs dirigée par l’Université de Manchester (Royaume-Uni) a récemment songé à examiner les données de Kepler afin de détecter les événements de microlentille, à partir d’une fenêtre d’observation de plusieurs mois en 2016. Ils ont identifié 27 événements, dont cinq étaient entièrement nouveaux, non encore identifiés dans les données des télescopes terrestres.
Une animation du signal de lentille gravitationnelle de la jumelle Jupiter K2-2016-BLG-0005Lb. L’étoile indiquée par les lignes roses est animée pour montrer le signal de grossissement observé par Kepler depuis l’espace. La trace de ce signal en fonction du temps est représentée dans le panneau inférieur droit. À gauche, le modèle dérivé du signal de lentille, impliquant des images multiples de l’étoile causées par le champ gravitationnel du système planétaire. Le système lui-même n’est pas directement visible. (Université de Manchester)
Selon Kerins :
Pour que l’effet soit visible, il faut un alignement presque parfait entre le système planétaire au premier plan et une étoile d’arrière-plan.
La probabilité qu’une étoile d’arrière-plan soit affectée de cette manière par une planète est de plusieurs dizaines ou centaines de millions contre un. Mais il y a des centaines de millions d’étoiles au centre de notre galaxie. Alors Kepler s’est contenté de les observer pendant trois mois.
L’un des cinq événements était K2-2016-BLG-0005Lb, et il semblait prometteur pour une exoplanète en orbite autour d’une étoile. L’équipe a donc recherché des ensembles de données provenant de cinq études au sol qui observaient la même parcelle de ciel au moment où Kepler l’observait, afin de corroborer leur signal.
Ils ont constaté que Kepler avait observé le signal un peu plus tôt et pendant un peu plus longtemps que les cinq études au sol. Cet ensemble de données combinées a permis à l’équipe de déterminer que l’exoplanète a une masse environ 1,1 fois supérieure à celle de Jupiter et qu’elle tourne autour de son étoile à une distance circulaire de 4,4 unités astronomiques. La distance moyenne de Jupiter au Soleil est de 5,2 unités astronomiques.
Toujours selon Kerins :
La différence de point d’observation entre Kepler et les observateurs sur Terre nous a permis de trianguler l’emplacement du système planétaire le long de notre ligne de visée.
Kepler a également pu observer sans être interrompu par la météo ou la lumière du jour, ce qui nous a permis de déterminer avec précision la masse de l’exoplanète et sa distance orbitale par rapport à son étoile hôte. Il s’agit en fait du jumeau identique de Jupiter en termes de masse et de position par rapport à son Soleil, qui représente environ 60 % de la masse de notre propre Soleil.
Bien que nous ne disposions pas actuellement de données supplémentaires sur ce système, cette découverte a des implications pour la recherche de vie extraterrestre. Il existe des preuves suggérant que Jupiter a pu jouer un rôle déterminant dans les conditions qui ont permis à la Terre d’émerger et de prospérer sur Terre. Le fait de trouver des analogues de Jupiter en orbite autour de lointaines étoiles pourrait être un moyen d’identifier ces conditions.
Le fait que Kepler, un instrument qui n’a pas été conçu pour utiliser les microlentilles gravitationnelles, ait été capable de faire ce genre de détection, est de bon augure pour les prochains instruments qui seront conçus pour la microlentille. Le télescope spatial Nancy Grace Roman de la NASA, dont le lancement est prévu dans les cinq prochaines années, recherchera les phénomènes de microlentille, tout comme le télescope spatial Euclid de l’ESA, dont le lancement est prévu l’année prochaine.
Ces détections pourraient révolutionner notre connaissance des exoplanètes.
Pour Kerins :
Nous allons apprendre à quel point l’architecture de notre propre système solaire est typique. Les données nous permettront également de tester nos idées sur la formation des planètes. C’est le début d’un nouveau chapitre passionnant dans notre recherche d’autres mondes.
La découverte a été soumise à la revue scientifique The Monthly Notices of the Royal Astronomical Society pour une évaluation par les pairs avant publication et disponible en prépublication sur arXiv : Kepler K2 Campaign 9: II. First space-based discovery of an exoplanet using microlensing et présentée sur le site de l’Université de Manchester : NASA’s Kepler telescope delivers new planetary discovery from the grave.