Voici pourquoi les corbeaux et les corneilles prolifèrent presque partout dans le monde
Les corbeaux et les corneilles sont presque partout. Les grands oiseaux noirs du genre Corvus sont originaires de tous les continents tempérés, à l’exception de l’Amérique du Sud, et apparaissent dans un large éventail d’habitats.
Cette expansion est bien plus importante que celle d’autres membres de la famille des corvidés, comme les geais et les pies, dont la répartition est plus limitée.
Distributions dans le monde de (a) toutes les espèces de Corvidae sauf Corvus et (b) toutes les espèces de Corvus. (Laboratoire Botero de l’Université Washington à St. Louis/ Nature Communications)
Qu’est-ce qui explique le succès des corbeaux et des corneilles ? Les muscles, le cerveau et les battements d’ailes, selon une nouvelle étude (lien plus bas).
Selon le premier auteur, le Dr Joan Garcia-Porta, biologiste à l’université de Washington, aux États-Unis :
Nous supposons que ces trois combinaisons très pratiques de caractéristiques sont ce qui a permis à ce groupe d’oiseaux de coloniser et de se diversifier dans le monde entier.
Garcia-Porta et ses collègues ont examiné des spécimens de corvidés provenant de musées d’Europe et des États-Unis. Les oiseaux du genre Corvus avaient systématiquement des ailes plus longues, un corps plus grand et un cerveau plus gros que leurs cousins Corvidés.
S’il avait déjà été établi que la longueur des ailes des corbeaux et des corneilles leur permettait de voler plus loin, cette étude montre que ces deux dernières caractéristiques jouent également un rôle important dans leur domination.
Selon le coauteur Carlos Botero, professeur adjoint de biologie également à Washington :
Lorsque nous réfléchissons aux processus de diversification mondiale, il est important de prendre en compte non seulement la capacité à atteindre de nouveaux endroits, mais aussi la capacité à survivre une fois sur place.
Notre travail suggère que les corbeaux et les corneilles se sont diversifiés à la fois rapidement et largement parce qu’ils étaient particulièrement doués pour s’adapter à différents habitats.
La taille du cerveau par rapport à la taille du corps est particulièrement importante ici : elle donne aux oiseaux la capacité d’adopter de nouveaux comportements dans de nouveaux environnements.
Toujours selon Botero :
Il semble vraiment que leur incroyable flexibilité comportementale ait pu jouer un rôle majeur en permettant à ces oiseaux de survivre aux périodes initiales d’inadaptation et de s’accrocher suffisamment longtemps pour que la sélection les rattrape et produise toute une série de nouvelles espèces dans le processus.
Sans surprise, les corbeaux et les corneilles se sont aussi davantage différenciés que les autres oiseaux de la famille des corvidés. Parce qu’ils apparaissent dans un si grand nombre d’environnements très différents, ils sont exposés à une pression de sélection beaucoup plus forte que leurs homologues.
Ci-dessous, schéma tiré de l’étude : une capacité accrue à se disperser sur de longues distances crée des opportunités plus fréquentes de spéciation allopatrique (flèches bleues) et expose les lignées à de nouveaux environnements (flèches orange). Les traits qui facilitent la survie et l’adaptation locale dans des conditions sous-optimales empêchent l’extinction locale à l’arrivée et donnent aux lignées la possibilité d’évoluer en réponse à la “sélection optimisante” des nouvelles conditions environnementales. Ces processus adaptatifs augmentent encore les chances de diversification par la spéciation écologique. (Joan Garcia-Porta et col./ Nature communications)
Selon les chercheurs :
Ces nouveaux environnements favorisent souvent des modifications du phénotype de l’organisme qui facilitent la survie et les performances générales. Ce processus est souvent appelé « sélection optimisante”.
Grâce à ces étonnants oiseaux, nous comprenons maintenant un peu mieux les processus par lesquels les animaux s’étendent rapidement à travers la planète et comment cette expansion géographique se traduit par la production de nouvelles espèces avec de nouvelles morphologies.
L’étude publiée dans Nature communications : Niche expansion and adaptive divergence in the global radiation of crows and ravens et présentée sur le site de l’Université de Washington à St Louis : Brains and brawn helped crows and ravens take over the world.