Sur ce qui vient rajouter au caractère unique de la grossesse et l’accouchement des pères hippocampes
Aussi étrange que cela puisse paraître, chez les hippocampes, c’est le mâle qui tombe enceinte et donne naissance à la progéniture. Ils incubent leurs embryons dans une poche spéciale située sur leur queue. Cette poche présente des caractéristiques remarquablement similaires à celles de l’utérus d’un mammifère femelle, notamment la présence d’un placenta qui favorise la croissance et le développement des bébés hippocampes. Mais les similitudes entre les deux s’arrêtent là.
Une nouvelle étude apporte un peu plus de lumière sur le processus complexe et étonnant qui se déroule lorsqu’un papa hippocampe est prêt à donner naissance et ce n’est pas du tout comme chez les mammifères femelles.
Dans la vidéo ci-dessous : la cour du mâle et de la femelle hippocampe, le transfert des œufs de la femelle vers la poche incubatrice du mâle. Deux semaines après, les premières contractions (étudiée ici, à 1:15 min dans la vidéo) et la naissance d’une centaine de petits hippocampes. (Smithsonian)
Lorsqu’une femelle mammifère commence le processus de naissance, un flot d’hormones, dont l’ocytocine, provoque une contraction involontaire des muscles lisses de l’utérus. Ces mouvements spontanés et incontrôlables permettent au fœtus de sortir progressivement de l’utérus.
De précédentes recherches ayant montré que les contractions utérines des reptiles répondent également à l’ocytocine, des biologistes australiens de l’Université de Newcastle et de l’Université de Sydney ont entrepris une nouvelle étude visant à déterminer si un processus similaire n’était pas également impliqué chez les hippocampes.
Un hippocampe mâle avec sa poche (incubatrice) bien fermée. (Université de Sydney)
Les chercheurs ont estimé que les mâles hippocampes utilisaient probablement des hormones de la famille de l’ocytocine, comme la version poisson de l’ocytocine appelée isotocine, afin de stimuler la poche de ponte en contractant les muscles lisses à l’intérieur.
Les chercheurs ont commencé par une expérience très simple dans laquelle ils ont exposé des morceaux de tissu de la poche et des intestins d’un hippocampe à l’isotocine. Le tissu de l’intestin était censé servir de contrôle pour l’étude, c’est-à-dire qu’il devait fournir une mesure de référence, car l’hypothèse était que ce tissu présenterait des contractions minimales.
Mais les chercheurs ont été pris au dépourvu par la réaction des tissus, qui était complètement à l’opposée à ce qu’ils attendaient. L’hormone n’a produit aucune contraction dans la poche à couvain mais en a provoqué dans le tissu intestinal. Les chercheurs ont fini par comprendre que cela était dû au fait que la poche incubatrice contient très peu, voire pas du tout, de faisceaux de muscles lisses, le type de muscle qui se contracte involontairement lorsqu’il est stimulé. En fait, par rapport à l’utérus typique d’un mammifère femelle, la poche incubatrice ne contient pratiquement aucun muscle lisse.
Deux mâles hippocampes enceintes étudiés en laboratoire. (Camilla Whittington/ Université de Sydney)
Dans la phase suivante de l’étude, les chercheurs ont utilisé des techniques d’imagerie avancées et la microscopie pour comparer en détail les différences anatomiques entre les hippocampes (Hippocampus abdominalis) mâles et femelles.
Ils ont constaté que les mâles possèdent trois os situés juste à côté de l’ouverture de leur poche, qui soutiennent les muscles squelettiques. Contrairement aux muscles lisses qui se contractent involontairement, les muscles squelettiques sont contrôlés consciemment. Pensez à la flexion de vos biceps ou à l’extension de vos quadriceps pour ramasser des objets ou bouger vos jambes. Vous effectuez ces mouvements de manière active et consciente, alors que les muscles à l’intérieur de votre gorge ou autour de votre cœur se contractent automatiquement et de manière totalement involontaire.
Ces os et ces muscles de soutien sont beaucoup plus grands chez les hippocampes mâles que chez les femelles, et sont orientés de manière à contrôler l’ouverture de la poche de ponte. Cela semble permettre aux papas hippocampes de contrôler consciemment l’expulsion de leurs petits à la fin de leur grossesse.
La grossesse commence lorsque les femelles déposent leurs œufs dans la poche incubatrice du mâle, où celui-ci les féconde. Tout comme les mamans humaines, l’abdomen des papas hippocampes se gonfle au fur et à mesure que les centaines d’embryons qu’il contient se développent.
Lors du travail/ accouchement, les hippocampes mâles penchent leur corps vers la queue, en alternant les mouvements de pression et de détente, comme s’ils faisaient des exercices d’abdominaux sous-marins. Lorsqu’ils effectuent le mouvement de pression, leur poche s’ouvre pendant un bref instant et leur corps se convulse. Les deux mouvements combinés permettent à l’eau de mer de s’écouler à travers la poche et aux minuscules bébés hippocampes de sortir. Avec le temps, l’ouverture de la poche devient de plus en plus grande, tout comme le nombre de petits hippocampes éjectés à chaque contraction. En quelques minutes, des centaines de nouveaux bébés hippocampes sont expulsés dans l’eau de mer.
Ces résultats inattendus montrent que les hippocampes mâles entrent en travail et mettent au monde leurs petits d’une manière radicalement différente des mammifères femelles. Bien que les hormones de type ocytocine n’aient pas déclenché les mouvements musculaires involontaires auxquels ils s’attendaient, les chercheurs pensent que ces hormones sont tout de même importantes, car elles facilitent les types de comportements qui mènent à la naissance. À bien des égards, les papas hippocampes ont un style unique pour donner naissance, ce qui ne fait qu’enrichir le spectacle.
L’étude publiée dans la revue Placenta : Seahorse brood pouch morphology and control of male parturition in Hippocampus abdominalis et présentée sur le site de l’Université de Sydney : New research uncovers the unique way seahorse fathers give birth.