Dans les cimetières portugais, les corps ont tendance à se momifier et cela pose des problèmes de place
Au Portugal, des cadavres humains ne se décomposent mystérieusement pas après avoir été enterrés, car on a observé que les corps étaient naturellement momifiés. Cette situation a provoqué une “crise des cimetières” dans le pays, car les lois locales en vigueur exigent que les corps soient systématiquement exhumés afin que les restes des squelettes puissent être déposés dans des conteneurs plus petits pour gagner de la place.
Image d’entête : cimetière de Prazeres à Lisbonne au Portugal. (AP/ C.Vegklio)
Les familles ont été traumatisées par l’exhumation répétée de leurs proches, qui ont été remis en place pour continuer à se décomposer car ils ne l’étaient pas encore. Le phénomène a mis en évidence une méconnaissance de la décomposition humaine, car personne ne sait ce qui arrive aux corps enterrés dans des cercueils. Les autorités enquêtent actuellement pour découvrir la cause de cette mystérieuse momification.
De plus en plus de pays européens sont contraints d’adopter le recyclage des tombes pour éviter la surpopulation. Ces pays comprennent le Portugal, les Pays-Bas, la Suisse, la Suède, l’Italie, l’Allemagne et la France. Le Portugal a introduit le concept des tombes temporaires en 1962 pour lutter contre le manque de place dans les cimetières municipaux centenaires.
L’idée est qu’un corps décomposé pourrait occuper la place, les os sont donc emballés dans un cercueil plus petit et déplacés vers une sépulture définitive moins spacieuse, comme les tiroirs dans les murs des cimetières (ossuaire).
Les concessions temporaires peuvent durer de 3 à 5 ans, la famille du défunt recevant une lettre la troisième année l’avertissant que la dépouille sera bientôt déplacée. Mais la loi stipule que cela ne peut se faire qu’une fois le corps complètement décomposé, de sorte qu’il ne reste que le squelette et aucun tissu mou.
Les fossoyeurs devront déterrer le corps pour l’examiner et soit le transférer dans un espace plus petit, soit l’enterrer à nouveau s’il n’est pas encore complètement décomposé. Mais une enquête menée entre 2006 et 2015 a révélé que les corps ne s’étaient pas encore décomposés après l’exhumation.
Selon Paulo Carrera, propriétaire d’une entreprise de pompes funèbres et directeur de l’association nationale des pompes funèbres du Portugal, les familles prennent généralement la chose à la légère la première fois, mais les exhumations répétées sont traumatisantes sur le plan émotionnel. Dans certains cas, il faut des décennies d’enterrement et de ré-enterrement répétés jusqu’à ce que le corps se décompose complètement et soit acheminé vers sa dernière demeure.
La momification naturelle se produit spontanément et généralement parce que le corps sèche si rapidement que la décomposition s’arrête, contrairement aux momies égyptiennes conservées volontairement. Ce phénomène a été observé dans des environnements extrêmes, comme les déserts ou les glaciers, où règne une chaleur ou un froid intense.
Cependant, la raison pour laquelle il se produit au Portugal reste un mystère. Des chercheurs comme Silva Bessaa et ses collègues ont donc cherché à savoir ce qui aurait pu ralentir la décomposition des corps dans le pays, dans le cadre de son projet de thèse de doctorat.
Ils ont prélevé des échantillons des corps, avec le consentement des familles, et de la terre qui les entourait dans cinq cimetières. Dans leur étude (lien plus bas), ils ont écrit que certains corps sont entièrement squelettisés tandis que d’autres sont encore en décomposition et que certains seront momifiés de la tête aux pieds.
Ils ont testé huit propriétés du sol susceptibles d’affecter la décomposition, et jusqu’à présent, ils n’ont pas encore trouvé de solution. La prochaine étape consistera à vérifier si les substances absorbées par les humains de leur vivant peuvent jouer un rôle.
L’étude publiée dans la revue Forensic Sciences : The Importance of Soil on Human Taphonomy and Management of Portuguese Public Cemeteries.