Des fossiles datant d’il y a un demi-milliard d’années ont préservé les premiers animaux à avoir développé un squelette
À quoi ressemblaient les premiers animaux à être dotés d’un squelette ? La découverte de fossiles extraordinairement bien conservés, vieux de plus d’un demi-milliard d’années, a aidé les scientifiques à résoudre ce mystère vieux de plusieurs siècles.
Les ancêtres de tous les animaux à colonne vertébrale (y compris les humains) sont soudainement apparus dans les données fossiles il y a 550 millions d’années, lors de l’explosion cambrienne (entre 541 et 530 millions d’années). Ce « big bang » biologique a vu l’évolution de tous les types de corps de base que nous observons aujourd’hui dans le règne animal, y compris les arthropodes à exosquelette (ancêtres des araignées, des insectes et des scorpions) et les vertébrés.
Image d’entête : reconstitution artistique du Gangtoucunia aspera. (Xiaodong Wang/ Université d’Oxford)
Les premiers vertébrés connus étaient de petits organismes ressemblant à des poissons, ne dépassant pas 5 centimètres de long. Un de ces anciens poissons, le Pikaia, vivait il y a 505 millions d’années.
Mais la réponse à la question de savoir comment le squelette a évolué avant de devenir une colonne vertébrale souple a longtemps échappé aux scientifiques. Les tissus mous entourant le squelette étant rarement préservés, cette question est restée une énigme paléontologique.
Quatre spécimens d’une espèce appelée Gangtoucunia aspera permettent aux scientifiques de répondre enfin à ces questions. Les fossiles, vieux de 514 millions d’années, ont conservé les empreintes des tissus mous de l’animal, notamment l’intestin, les pièces buccales et les tissus entourant le squelette à tube creux.
Les Gangtoucunia se sont révélés avoir une bouche bordée de tentacules lisses d’environ 5 millimètres de long. Ces tentacules étaient probablement utilisés pour capturer de petits arthropodes pour se nourrir. Les précurseurs du squelette sont également dotés d’une seule ouverture qui remplissait à la fois la fonction de bouche et d’anus.
A partir de l’étude : (a) et (b) Spécimen fossile et (c) diagramme de Gangtoucunia aspera présentant des tissus mous, dont l’intestin et le tentacule. (d)Photographie rapprochée de la région buccale du Gangtoucunia aspera présentant les tentacules (e) et (f) qui auraient été utilisés pour capturer les proies. (Guangxu Zhang et col./ Proceedings of the Royal Society B.)
Les caractéristiques présentes chez les Gangtoucunia ne se retrouvent aujourd’hui que chez les méduses modernes, les anémones et leurs proches parents, les cnidaires, des organismes dont les tissus mous sont rarement préservés dans les archives fossiles. La recherche montre que ces groupes d’animaux ont été parmi les premiers à se fabriquer ces squelettes fossilisés.
Le Gangtoucunia aurait ressemblé aux polypes de véritables méduses. Le corps dur et tubulaire ancré au fond de la mer aurait été coiffé d’une bouche rétractable à tentacules. Cependant, contrairement aux méduses modernes, le tube squelettique du Gangtoucunia était fait de phosphate de calcium, le même matériau qui compose nos dents et nos os, mais qui est devenu plus rare dans les squelettes d’animaux au fil des siècles.
Selon l’auteur de l’étude, le Dr Luke Parry, de l’Université d’Oxford, en Grande-Bretagne :
C’est vraiment une découverte unique en son genre. Ces mystérieux tubes sont souvent trouvés dans des groupes de centaines d’individus, mais jusqu’à présent, ils étaient considérés comme des fossiles « problématiques », car nous n’avions aucun moyen de les classer. Grâce à ces nouveaux et extraordinaires spécimens, une pièce clé du puzzle de l’évolution a été fermement mise en place.
L’analyse des nouveaux spécimens de Gangtoucunia montre que les organismes ne sont pas apparentés aux vers annélides (comme les vers de terre) comme on le pensait auparavant. L’extérieur lisse du Gangtoucunia et son intestin divisé longitudinalement ne correspondent pas aux corps segmentés et divisés transversalement des annélides.
Selon le premier auteur et doctorant de l’Université du Yunnan, Guangxu Zhang, qui a collecté et découvert les spécimens :
La première fois que j’ai découvert le tissu mou rose sur le dessus d’un tube de Gangtoucunia, j’ai été surpris et confus sur ce qu’ils étaient.
Le mois suivant, j’ai trouvé trois autres spécimens avec une préservation des tissus mous, ce qui était très enthousiasmant et m’a fait repenser à l’affinité du Gangtoucunia. Les tissus mous du Gangtoucunia, en particulier les tentacules, révèlent qu’il ne s’agit certainement pas d’un ver de type priapulidé comme le suggéraient les précédentes études, mais plutôt d’un corail, et j’ai alors réalisé qu’il s’agissait d’un cnidaire.
Si le Gangtoucunia semble certainement être une méduse primitive, cela n’exclut pas la possibilité que d’autres tubes fossiles aient pu appartenir à des animaux d’apparence très différente. On pense encore que certains ont appartenu à des vers marins et à d’autres organismes primitifs ressemblant à des vers.
Selon le coauteur, le Dr Xiaoya Ma, des universités du Yunnan et d’Exeter :
Un mode de vie tubicole semble être devenu de plus en plus courant au Cambrien, ce qui pourrait être une réponse adaptative à l’augmentation de la pression de prédation au début du Cambrien. Cette étude démontre que la préservation exceptionnelle des tissus mous est cruciale pour nous permettre de comprendre ces animaux anciens.
Les fossiles font l’objet d’une étude publiée dans la revue Proceedings of the Royal Society B. : Exceptional soft tissue preservation reveals a cnidarian affinity for a Cambrian phosphatic tubicolous enigma et présentée sur le site de l’Université d’Oxford : 500 million year-old fossils reveal answer to evolutionary riddle.