Une interface cerveau-ordinateur traduit avec précision les ondes cérébrales en lettres, ce qui permet aux patients paralysés d’épeler des mots
Une équipe de recherche de l’université de Californie à San Francisco (UCSF), dirigée par le neuroscientifique de renom Edward Chang, pense avoir trouvé un moyen d’aider les personnes atteintes de paralysie de la parole à s’exprimer grâce à une interface cerveau-ordinateur. En 2021, la même équipe a montré comment des neuroprothèses ou un implant cérébral pouvaient traduire 50 mots courants lorsque les participants essayaient de les prononcer en entier.
Image d’entête : représentation de la personne handicapée réalisant les tests d’écriture par la pensée avec l’implant cérébral. (Université de Californie à San Francisco)
Dans leur nouvelle étude, l’équipe a développé une nouvelle interface cerveau-ordinateur qui traduit des lettres individuelles au lieu de mots ou de phrases entières. De cette façon, les utilisateurs sont en mesure d’épeler leurs pensées une lettre à la fois.
Le laboratoire de Chang a fait parler de lui il y a quelques années après avoir présenté son interface cerveau-ordinateur (ICO), une interface neuronale directe appelée BrainNect. Deux volontaires portaient des électrodes d’électroencéphalogramme, dont l’implantation dans le cerveau ne nécessite pas de chirurgie invasive. Ils se concentraient sur des pensées simples tandis que les casques EE détectaient les ondes cérébrales et les associaient à un catalogue de phrases.
En 2021 :
Le BrainNet fut très performant, mais sa précision de 76 % laissait une place importante à l’amélioration. L’un des principaux objectifs de l’équipe était d’atteindre un taux de précision maximal lors d’un seul essai.
Ils ont donc pensé à épeler les mots une lettre à la fois au lieu de transmettre des pensées entières à une ICO. Bien qu’ils aient également pensé que cela serait plus lent que l’ICO existant. Pour le savoir, ils ont recruté un volontaire de leur expérience de 2019 « paralysie sévère des membres et des voies vocales » et ils lui ont implanté sous le crâne un patch de 16 électrodes de la taille d’une carte postale.
Chang, ainsi que ses collègues neuroscientifiques de l’UCSF Sean Metzger et David Moses, ont enseigné à l’homme l’alphabet phonétique de l’OTAN dans lequel « Alpha » correspond à A, « Bravo » à B, « Charlie » à C, etc. Ils lui ont demandé de penser à chaque lettre dans le format des mots codés de l’OTAN.
Edward Chang, Sean Metzger, David Moses et Jessie Liu (co-responsables de la nouvelle étude) travaillant avec leur participant à l’essai clinique. (Mike Kai Chen/ Weill Institute for Neuroscience)
Les chercheurs rapportent dans leur étude (lien plus bas), que l’ICO a lu les ondes cérébrales et les a fait correspondre à un dictionnaire de 1 152 mots. L’équipe a estimé que ce vocabulaire pouvait être étendu à plus de 9 000 mots, ce qui correspond en gros au nombre moyen de mots utilisés par les humains en un an. Le dispositif d’implantation cérébrale a décodé environ 29 caractères par minute, soit environ 7 mots par minute, avec un taux d’erreur de 6 %.
L’homme a été appelé BRAVO1, car il est le premier participant à l’essai de restauration du bras et de la voix par le biais d’une interface cerveau-ordinateur. Metzger a noté que l’homme semble avoir apprécié ce dispositif, car il lui a permis de communiquer rapidement et facilement.
L’année dernière, une ICO différente, réalisée par des chercheurs de l’université de Stanford, a permis de décoder 18 mots par minute alors que le participant imaginait une écriture manuscrite (lien ci-dessous). Mais M. Metzger a déclaré que leur approche basée sur la parole présentait un avantage unique puisque les 50 mots les plus courants pouvaient être utilisés dans de nombreuses interactions, tandis que les mots plus rares pouvaient être épelés afin que les utilisateurs puissent bénéficier du meilleur des deux mondes.
Précédent article concernant l’ICO des chercheurs de l’université de Stanford :
La recherche doit encore être approfondie pour confirmer son efficacité auprès d’autres participants. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant qu’elle ne devienne accessible à des milliers de personnes ayant perdu leur capacité à parler à la suite d’une attaque, d’un accident ou d’une maladie. Pour l’instant, les résultats donnent l’espoir d’une nouvelle façon de parler, étant donné l’importance de la communication pour tous.
L’étude publiée dans Nature Communications : Generalizable Spelling Using a Speech Neuroprosthesis in an Individual With Severe Limb and Vocal Paralysis et présentée sur le site du Weill Institute for Neuroscience : No Longer at a Loss for Words.