Des astronomes repèrent le plus proche trou noir détruisant une étoile
Des astronomes ont détecté un trou noir supermassif en train de déchiqueter une étoile qui passait par là. Cette catastrophe était non seulement la plus proche de la Terre détecté, mais sa localisation et ses émissions lumineuses étaient inhabituelles, ce qui laisse supposer l’existence d’un grand nombre d’événements de ce type, qui n’ont jamais été observés.
Image d’entête : représentation d’une étoile dévorée par un trou noir supermassif proche. (Carl Knox (OzGrav, ARC Centre of Excellence for Gravitational Wave Discovery, Swinburne University of Technology))
Les trous noirs sont réputés pour engloutir tout ce qui s’en approche de trop près, y compris les étoiles. Mais il ne s’agit pas d’une petite bouchée bien nette : les trous noirs sont des mangeurs bien plus turbulents qu’on ne pourrait le croire, ils étirent les objets et projettent de la matière un peu partout. Lorsque les étoiles sont au menu, elles émettent des éclairs lumineux que l’on peut observer dans tout le cosmos, dans ce que les astronomes appellent une perturbation par effet de marée (TDE pour tidal disruption event).
On pense que ces perturbations sont assez fréquentes, une centaine ayant été détectées à ce jour, mais la nouvelle détection, désignée WTP14adbjsh, est importante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agit de l’événement le plus proche observé à ce jour, à une distance de 137 millions d’années-lumière. Cela peut sembler peu, mais le précédent record se situait à plus de 200 millions d’années-lumière, et la plupart sont bien plus éloignés.
Représentation artistique d’une perturbation par effet de marée (TDE), qui se produit lorsqu’un trou noir détruit une étoile. (Goddard/ NASA)
Il provient également d’un type de galaxie différent de la normale. La plupart des TDE sont détectés dans des galaxies relativement calmes, mais WTP14adbjsh s’est produit dans une galaxie qui forme activement de nouvelles étoiles. Il serait logique que ce type de galaxies accueille régulièrement des TDE, puisque les trous noirs y trouvent de plus en plus de nourriture, mais étrangement, ces détections restent insaisissables.
Cependant, le nouveau TDE donne une idée de la raison pour laquelle cela pourrait être le cas. La mort de ces étoiles est généralement brillante en lumière optique et en rayons X, mais WTP14adbjsh ne se distinguait pas dans ces longueurs d’onde, elle était plutôt brillante dans l’infrarouge. Les galaxies à formation d’étoiles ont tendance à être poussiéreuses, de sorte que la lumière optique et les rayons X habituels sont bloqués, tandis que l’infrarouge peut percer le voile sans problème.
A partir de l’étude : images de la galaxie qui abrite la perturbation par effet de marée (TDE). L’image infrarouge en haut à gauche montre le TDE en 2015, tandis que l’image en haut à droite montre la galaxie en 2010-2011, avant le flash. L’image infrarouge en bas à gauche montre la lumière infrarouge de la perturbation de marée elle-même, une fois la lumière de la galaxie éliminée. L’image en bas à droite montre la galaxie en lumière optique. (C. Panagiotou et col./ The Astrophysical Journal Letters)
Les scientifiques n’étaient pas spécifiquement à la recherche de TDE. Ils ont plutôt étudié des signaux à courte durée de vie dans les données capturées par la mission NEOWISE, qui scrute le ciel dans l’infrarouge. Ce faisant, ils ont repéré un éclair céleste qui a commencé à la fin de 2014, a atteint son apogée en 2015, puis a recommencé à s’affaiblir. La courbe de lumière nette et la chronologie ont permis à l’équipe de conclure qu’il s’agissait d’un TDE, après avoir éliminé d’autres possibilités comme celle des supernovae.
Cette découverte pourrait expliquer pourquoi ces événements semblent beaucoup plus rares qu’ils ne devraient l’être : les astronomes n’ont pas cherché à les détecter de la bonne manière.
Selon Christos Panagiotou, auteur principal de l’étude :
La découverte de cette TDE proche signifie que, statistiquement, il doit y avoir une grande population de ces événements que les méthodes traditionnelles n’ont pas pris en compte. Nous devrions donc essayer de les trouver dans l’infrarouge si nous voulons avoir une image complète des trous noirs et de leurs galaxies hôtes.
L’étude publiée dans The Astrophysical Journal Letters : A Luminous Dust-obscured Tidal Disruption Event Candidate in a Star-forming Galaxy at 42 Mpc et présentée sur le site du Massachusetts Institute of Technology : Astronomers detect the closest example yet of a black hole devouring a star.