Les océans verdissent en raison du changement climatique et cela pourrait avoir une incidence sur le développement de la vie en son sein
Des scientifiques ont découvert que le changement climatique modifie la couleur des océans. Celle-ci a changé au cours des 20 dernières années, une tendance qui ne peut s’expliquer par la seule variabilité d’une année à l’autre. Ce changement, subtil à l’œil nu, s’est produit dans plus de 56 % des océans de la planète, soit une superficie supérieure à celle de l’ensemble des terres émergées.
Image d’entête : Image prise par le satellite Aqua, qui surveille la couleur des océans depuis 21 ans. (NASA/ Joshua Stevens, à partir de données Landsat de l’U.S. Geological Survey et de données MODIS de LANCE/EOSDIS Rapid Response)
Une modification de la couleur de l’océan signifie que les écosystèmes marins peuvent également subir des transformations. Bien que la nature précise de ces changements ne soit pas encore claire pour l’équipe internationale de chercheurs, ces derniers sont convaincus qu’ils sont probablement attribuables au changement climatique induit par l’humain.
Selon Stephanie Dutkiewicz, coauteure de l’étude :
Cela fait des années que je fais des simulations qui me disent que ces changements de couleur de l’océan vont se produire. Le fait de voir ces changements se produire réellement n’est pas surprenant, mais effrayant. Et ces changements sont cohérents avec les changements climatiques induits par les humains.
La couleur de l’océan est déterminée par ses couches supérieures, qui reflètent les substances qui s’y trouvent. Les eaux d’un bleu profond indiquent la rareté de la vie, tandis que les eaux plus vertes suggèrent la présence d’organismes photosynthétiques, qui pratique la photosynthèse, en particulier de phytoplancton. Il s’agit d’organismes végétaux abondants dans les couches supérieures de l’océan, caractérisés par leur pigment vert, la chlorophylle.
Le phytoplancton nourrit un large éventail d’organismes, dont le krill, les poissons, les oiseaux de mer et les mammifères marins. Il joue également un rôle important dans la capacité des océans à absorber et à stocker le dioxyde de carbone. Compte tenu de son importance, les scientifiques surveillent activement les populations de phytoplancton à la surface des océans et la manière dont ils pourraient réagir au changement climatique.
Pour ce faire, ils ont suivi l’évolution de la chlorophylle. Il s’agit d’évaluer le rapport entre la lumière bleue et la lumière verte réfléchie par la surface de l’océan, ce qui peut être surveillé grâce à des observations par satellite. Mais en 2010, une étude a mis en garde contre le fait que si les scientifiques ne s’intéressaient qu’à la chlorophylle, il leur faudrait au moins 30 ans pour déceler une quelconque tendance liée au changement climatique.
Dans leur nouvelle étude, les chercheurs ont examiné les mesures de la couleur des océans prises par le spectroradiomètre imageur à résolution moyenne (MODIS), un instrument du satellite Aqua qui observe la couleur des océans depuis plus de 20 ans. MODIS prend des mesures dans sept longueurs d’onde, y compris les deux couleurs utilisées pour estimer la chlorophylle.
Le satellite capte des différences de couleur dans l’océan qui sont imperceptibles pour l’œil humain. Alors que nous percevons généralement une grande partie de l’océan comme étant bleue, la véritable couleur comprend une gamme de longueurs d’onde plus subtiles, notamment le bleu, le vert et même le rouge. Dans leur étude, les chercheurs ont effectué une analyse statistique à partir des données recueillies par satellite depuis 2002.
Dans un premier temps, ils se sont attachés à examiner l’ampleur des variations de couleur entre les différentes régions au cours d’une même année, ce qui leur a permis de mieux comprendre leurs fluctuations naturelles. Ils ont ensuite étendu leur méthode à une plus longue période. Cette analyse a permis de dégager une tendance claire qui ne pouvait s’expliquer par la variabilité typique d’une année à l’autre.
A partir de l’étude : Un violet plus foncé signifie un changement de couleur plus important. (Cael et col./ Nature)
Les chercheurs ont ensuite utilisé un modèle climatique pour voir s’il existait un lien entre la tendance observée et le changement climatique. Ils ont simulé les océans selon deux scénarios : l’un avec ajout de gaz à effet de serre et l’autre sans gaz à effet de serre. Le premier scénario prévoyait des modifications de la couleur des océans dans environ 50 % des océans de la planète, ce qui correspond à ce que l’équipe a constaté.
Selon Dutkiewicz :
La couleur des océans a changé. Nous ne pouvons pas dire comment. Mais nous pouvons dire que les changements de couleur reflètent des changements dans les communautés de plancton, ce qui aura un impact sur tout ce qui se nourrit de plancton. Cela modifiera également la quantité de carbone absorbée par l’océan, car les différents types de plancton ont des capacités différentes en la matière.
L’étude publiée dans Nature : Global climate-change trends detected in indicators of ocean ecology et présentée sur le site du Massachusetts Institute of Technology : Study: The ocean’s color is changing as a consequence of climate change.