La fulgurante naissance d’étoiles pourrait être à l’origine de la luminosité des premières galaxies
La puissance sans précédent du télescope spatial James Webb (JWST ou Webb) lui permet de remonter plus loin dans l’espace et dans le temps en révélant d’étranges galaxies qui semblent trop avancées pour leur âge. Des astronomes ont proposé une nouvelle explication pour ces galaxies, les galaxies à sursauts de formation d’étoiles, qui épargnent heureusement le modèle standard de la cosmologie.
Image d’entête : représentation artistique des premières galaxies à sursauts de formation d’étoiles. L’image est obtenue à partir de données de simulation FIRE utilisées pour cette recherche qui peuvent expliquer les résultats récents du JWST. Les étoiles et les galaxies sont représentées par des points lumineux blancs, tandis que la matière noire et le gaz, plus diffus, sont représentés en violet et en rouge. (Aaron M. Geller, Northwestern, CIERA + IT-RCDS)
Regarder dans l’espace, c’est regarder dans le temps. Si les astronomes observent une étoile située à 100 années-lumière, par exemple, ils la voient telle qu’elle était il y a 100 ans, car sa lumière a mis autant de temps à nous parvenir. Si l’on étend cette observation aux confins de l’univers observable, on peut en fait voir plus de 12 milliards d’années dans le passé, une période appelée « aube cosmique« , au cours de laquelle les premières étoiles se sont allumées et ont formé les premières galaxies.
Les grandes étapes de l’évolution de l’Univers. (NAOJ)
Le télescope James Webb a été le premier télescope suffisamment puissant pour voir aussi loin dans l’espace et dans le temps. Les astronomes s’attendaient à voir des « protogalaxies » encore en formation, mais à leur grande surprise, le télescope a repéré des galaxies qui semblent assez avancées et matures, semblables à celles d’aujourd’hui. Et il ne s’agit pas d’une ou deux anomalies, mais de dizaines. Ce n’est pas seulement bizarre, cela pourrait bouleverser nos connaissances sur la formation des galaxies et même remettre en question le modèle standard de la cosmologie.
Pour cette nouvelle étude, une équipe d’astrophysiciens dirigée par l’Université Northwestern (États-Unis) a donc examiné d’autres hypothèses en utilisant de puissantes simulations informatiques. Ils en ont ainsi identifié une qui produit des signatures correspondant aux observations de James Webb.
La manière la plus simple d’estimer la masse et la taille d’une galaxie, surtout à grande distance, est sa luminosité, et c’est ce qui a été fait avec les premières galaxies repérées par Webb. Mais les simulations de l’équipe ont montré que les galaxies de l’aube cosmique pouvaient atteindre le même niveau de luminosité avec des masses beaucoup plus faibles, il leur suffisait de passer par une période de formation rapide d’étoiles, ce que les galaxies simulées ont fait d’elles-mêmes.
Selon Guochao Sun, auteur principal de l’étude (lien plus bas) :
La clé est de reproduire une quantité suffisante de lumière dans un système dans un court laps de temps. Cela peut se produire soit parce que le système est vraiment massif, soit parce qu’il a la capacité de produire beaucoup de lumière rapidement. Dans ce dernier cas, il n’est pas nécessaire que le système soit très massif. Si la formation d’étoiles se fait par salves, elle émettra des éclairs de lumière. C’est pourquoi nous voyons plusieurs galaxies très lumineuses.
Les galaxies modernes comme la Voie lactée ont tendance à présenter une formation stellaire régulière au fil du temps, mais les simulations suggèrent que les premières galaxies de faible masse étaient plus susceptibles de passer par des phases « d’explosion d’étoiles » suivies de périodes de calme relatif, jusqu’à ce que les plus vieilles étoiles meurent et alimentent la formation de la génération suivante lors d’une autre période d’explosion d’étoiles.
Selon Claude-André Faucher-Giguère, coauteur de l’étude :
La majeure partie de la lumière d’une galaxie provient des étoiles les plus massives. Comme ces dernières brûlent à une vitesse plus élevée, elles ont une durée de vie plus courte. Elles utilisent rapidement leur combustible dans des réactions nucléaires. Ainsi, la luminosité d’une galaxie est plus directement liée au nombre d’étoiles qui se sont formées au cours des derniers millions d’années qu’à la masse de la galaxie dans son ensemble.
Bien entendu, ce n’est pas parce qu’une simulation est possible que cela se passe de la même manière dans l’univers réel. Les futures observations du télescope Webb, utilisant d’autres techniques pour mesurer la masse de ces galaxies, pourraient permettre de confirmer l’hypothèse de la flambée d’étoiles et de soulager le modèle standard de la cosmologie… ou de le remettre sur la sellette. Après tout, comment la formation d’une flambée d’étoiles peut-elle expliquer la présence d’autres structures avancées, comme des galaxies spirales barrées, plus tôt qu’elles n’auraient dû apparaître ?
L’étude publiée dans The Astrophysical Journal Letters : Bursty Star Formation Naturally Explains the Abundance of Bright Galaxies at Cosmic Dawn et présentée sur le site de l’Université Northwestern : Bursts of star formation explain mysterious brightness at cosmic dawn.