Comment les bactéries peuvent-elles stocker des "souvenirs" et même les transmettre aux générations futures ?
Des scientifiques ont découvert que les bactéries, comme l’Escherichia coli, possèdent une caractéristique inattendue : la capacité de former et de transmettre des « souvenirs ». Cette découverte permet de mieux comprendre comment les bactéries s’adaptent et survivent, notamment en développant des infections et une résistance aux antibiotiques.
Image d’entête : représentation artistique d’une cellule bactérienne Escherichia coli. (Centers for Disease Control and Prevention/ James Archer)
À l’université du Texas à Austin, des chercheurs ont découvert que l’Escherichia coli utilise les concentrations de fer pour stocker des informations sur l’environnement. Ce système de stockage permet aux bactéries de modifier leurs comportements, comme la résistance aux antibiotiques ou la formation “d’essaims” (grands groupes de bactéries migrant ensemble sur une surface), en fonction des conditions antérieures.
Les bactéries n’ont pas de cerveau ni même de neurones. En revanche, elles stockent des « mémoires » semblables aux données enregistrées sur un ordinateur. Les expériences antérieures, telles que le déplacement en essaim, peuvent améliorer leurs performances futures. Cette mémoire du comportement antérieur, liée aux niveaux de fer internes des bactéries, est héritée par les générations futures par le biais de repères épigénétiques, persistant pendant au moins quatre générations et s’estompant à la septième, comme l’ont montré les expériences.
Selon Souvik Bhattacharyya, auteur principal de l’étude :
S’ils ont rencontré cet environnement fréquemment, ils peuvent stocker ces informations et y accéder rapidement plus tard pour leur bénéfice. Cela signifie que l’organisme se « souvient » fonctionnellement de ce qu’il doit faire lorsque son environnement interne change.
Le thème central de cette étude est le fer. Cet élément abondant varie d’une bactérie à l’autre. Les chercheurs ont appris qu’une faible teneur en fer chez les bactéries flottant librement entraîne un meilleur comportement d’essaimage, tandis qu’une teneur élevée se retrouve chez les bactéries qui forment des biofilms, des amas denses de bactéries sur des surfaces qui deviennent souvent difficiles à déplacer ou à éliminer. Par exemple, la substance visqueuse qui se forme sur les carreaux de douche ou même à la plaque dentaire : ce sont tous deux des exemples de biofilms. Par ailleurs, un taux de fer équilibré semble contribuer à la tolérance aux antibiotiques.
Selon Bhattacharyya :
Avant qu’il n’y ait de l’oxygène dans l’atmosphère terrestre, les premières cellules utilisaient le fer pour de nombreux processus cellulaires. Le fer n’est pas seulement essentiel à l’origine de la vie sur Terre, mais aussi à son évolution. Il est logique que les cellules l’utilisent de cette manière.
Sur la base de ce qu’ils ont appris, les chercheurs ont l’intuition que lorsque le fer est rare, les bactéries se souviennent d’essaimer agressivement pour augmenter leurs chances d’en trouver. Un taux de fer élevé indique un environnement propice à l’installation et à la formation de biofilms. Cela pourrait être utilisé contre elles lorsque des agents pathogènes menacent les personnes malades.
Toujours selon Bhattacharyya :
Les niveaux de fer constituent sans aucun doute une cible thérapeutique, car le fer est un facteur important de virulence. En fin de compte, plus nous en savons sur le comportement des bactéries, plus il est facile de les combattre.
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : A heritable iron memory enables decision-making in Escherichia coli.