Pour la première fois, il a été constaté que la chaleur se déplaçait comme des ondes sonores dans un superfluide
Des scientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT/ Etats-Unis) ont, pour la première fois, capturé directement les signes d’un « second son » (Second sound) dans un superfluide. Ce phénomène étrange se produit lorsque la chaleur se déplace comme des ondes sonores dans un état inhabituel de la matière.
Image d’entête : représentation du mouvement de la chaleur qui va et vient à l’intérieur d’un superfluide. (Jose-Luis Olivares/ MIT)
Dans notre perception quotidienne de la chaleur, l’énergie se dissipe dans l’environnement. Un objet plus chaud se refroidit à la température des autres matériaux à proximité, les réchauffant en même temps, jusqu’à ce qu’un équilibre soit atteint. Mais dans les matériaux non conventionnels, la physique peut fonctionner de manière contre-intuitive.
Les superfluides sont un état rare de la matière dont la viscosité est nulle, ce qui signifie que la substance peut s’écouler sans aucune résistance ou friction. On prédit depuis longtemps que la chaleur devrait pouvoir se déplacer dans un superfluide un peu comme des ondes sonores, d’où le nom de « second son », mais cela n’avait pas été directement observé jusqu’à présent.
Selon le professeur adjoint Richard Fletcher, l’un des auteurs de l’étude :
C’est comme si vous aviez un réservoir d’eau et que vous en faisiez bouillir la moitié. Si vous regardez ensuite, l’eau elle-même peut sembler tout à fait calme, mais soudain l’autre côté est chaud, puis l’autre côté est chaud, et la chaleur va et vient, alors que l’eau semble tout à fait calme.
Pour imager le phénomène, les chercheurs ont dû créer une toute nouvelle méthode de détection de la chaleur. Normalement, des capteurs infrarouges sont utilisés, mais la création d’un superfluide implique le refroidissement d’un gaz quantique quasiment jusqu’au zéro absolu, et le rayonnement infrarouge n’est pas émis à des températures aussi basses. L’équipe s’est donc tournée vers les ondes radio.
Le gaz quantique utilisé par les chercheurs était composé de fermions lithium-6, et il a été constaté que plus ces fermions étaient chauds, plus la fréquence à laquelle ils résonnaient était élevée. L’équipe a appliqué la fréquence radio la plus élevée au gaz, ce qui a fait résonner les fermions les plus chauds en réaction. En repérant ceux qui résonnent à différents moments, les scientifiques ont pu obtenir une image du « second son » lorsque les ondes de chaleur oscillent dans un sens ou dans l’autre.
Le premier son illustre la façon dont les ondes sonores oscillent dans un fluide normal et un superfluide en même temps. (Zhenjie Yan et col./MIT)
Le deuxième son est le mouvement de la chaleur, dans lequel le fluide superfluide et le fluide normal « glissent » l’un contre l’autre, tout en maintenant une densité constante. (Zhenjie Yan et col./MIT)
Selon Martin Zwierlein, premier auteur de l’étude
Pour la première fois, nous pouvons prendre des photos de cette substance lorsque nous la refroidissons jusqu’à la température critique de superfluidité, et voir directement comment elle passe du statut de fluide normal, où la chaleur s’équilibre de manière ennuyeuse, à celui de superfluide où la chaleur oscille d’avant en arrière.
Selon l’équipe, l’observation de cet étrange phénomène pourrait aider les scientifiques à mieux comprendre la conductivité thermique d’états plus rares de la matière, notamment les supraconducteurs et les étoiles à neutrons, ce qui leur permettrait de concevoir de meilleurs systèmes.
L’étude publiée dans Science : Thermography of the superfluid transition in a strongly interacting Fermi gas et présentée sur le site du Massachusetts Institute of Technology : MIT physicists capture the first sounds of heat “sloshing” in a superfluid.